dimanche 2 mars 2014

Chez les heureux du monde - Edith Wharton



Lily Bart a grandi au sein d’une famille aisée de la haute-société new-yorkaise. A la ruine puis à la mort de ses parents, seule sa tante accepte de la recueillir. Comme le veut l’usage au sein de cette société, son unique moyen pour maintenir sa position est de trouver un bon parti et de faire un mariage qui lui assurera définitivement sa position sociale.
Mais Lily est tiraillée, tiraillée entre sa raison, l’absolue nécessité de faire un bon mariage et son cœur qui, inconsciemment la mène à refuser de bons partis à plusieurs reprises.
La situation de Lily devient critique au fur et à mesure que sa fortune décline surtout qu’elle est sous l’emprise du vice du jeu. Des dettes importantes l’amènent à solliciter son entourage. Sa conduite et ses décisions finissent par se retourner contre elle et Lily doit alors lutter contre ce milieu qui était pourtant celui auquel elle était prédestinée.

Je ne connaissais pas Edith Wharton et le peu de critiques que j’avais lues concernant ses romans ne m’avaient pas particulièrement encouragée à la découvrir. Quelle erreur ! C’est à l’occasion de mon club de lecture que j’ai pu la réparer.

J’ai été plus qu’agréablement surprise par ma lecture et je peux même dire que c’est un grand coup de cœur ! J’ai vraiment adoré ce roman de bout en bout même si je reconnais que les premières pages ne sont pas faciles. Le style d’Edith Wharton est magnifique mais peut paraître un peu ampoulé ( ce que j’explique par le fait qu’elle admirait beaucoup Proust et c’est vrai qu’on y reconnaît quelques similitudes, l’extrême longueur des phrases en moins). Le nombre de personnages peut aussi décourager. Il n’est pas facile au début de s’y retrouver, de savoir qui est qui. Mais au fil de la lecture, on prend ses repères et cela devient alors un véritable bonheur.
Qu’est-ce que le bonheur justement ? Lily ne semble pas le concevoir sans l’associer à la richesse, d’où son obstination à faire un bon mariage. Ses discussions avec Lawrence Selden ne parviennent pas à la faire changer de conduite.

« - Mon idée du succès, dit-il, c’est la liberté personnelle.
- La liberté ? … être libre de soucis ?
- Libre de tout… de l’argent et de la pauvreté, de l’aisance et de l’inquiétude, de tous les accidents matériels. Maintenir en soi une sorte de république de l’esprit, voilà ce que j’entends par le succès. »

De par son éducation, Lily est restreinte à un certain code de conduite. Durant toute son enfance, sa mère n’a cessé de lui répéter qu’elle obtiendrait tout uniquement grâce à sa beauté. Mais sans argent, Lily doit sauver les apparences et maintenir l’illusion sur son train de vie. L’illusion ne tient pas très longtemps et elle devient rapidement la persona non grata. Même Lawrence, victime des racontars et des apparences, lui tourne le dos. Seuls quelques amis soutiendront Lily mais pas toujours de façon heureuse pour elle.

« Ce n’est pas un bel endroit, non, et la seule manière d’y prendre pied et de s’y tenir, c’est de le combattre avec ses armes, à lui…et, avant tout, ma chère, pas seule ! »

Il faut être un loup pour survivre au milieu des loups. Et bien que Lily donne l’impression d’en être un, on se rend bientôt compte que son âme est plus pure qu’elle n’y paraît.

Ce roman m’a beaucoup rappelé, dans un premier temps, La Foire aux Vanités de Thackeray. J’ai assez tôt fait le rapprochement entre Lily et Becky par leur côté calculateur et manipulateur. Mais contrairement à Becky, Lily ne s’enfonce pas dans ce trait de personnalité. Elle m’a complètement bouleversée et touchée au point que j’en ai versé des larmes. La scène des tableaux vivants rappelle aussi fortement celle des charades de La Foire aux Vanités.

Critique de la haute-société new-yorkaise du début du XXème siècle, Chez les heureux du monde offre aussi un panorama de la société new-yorkaise dans son ensemble, des anciennes familles de l’aristocratie aux nouveaux riches à l’instar de Rosedale et des Gormer mais aussi du milieu des travailleurs.
A travers Lily, c’est toute la mesquinerie et les fausses convenances de l’aristocratie qu’Edith Wharton pointe du doigt. Une aristocratie qu’elle a elle-même fui en partant s’installer en France.

Je ne peux que conseiller ce sublime roman magistralement écrit et d’une beauté triste à pleurer.

« Les marques mêmes de son chagrin lui seyaient comme les gouttes de pluie vont à la rose battue. »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire