dimanche 30 octobre 2011

Cet instant-là - Douglas Kennedy



Quatrième de couverture :

Écrivain New-yorkais, la cinquantaine, Thomas Nesbitt reçoit à quelques jours d'intervalle deux missives qui vont ébranler sa vie : les papiers de son divorce et un paquet posté d'Allemagne par un certain Johannes Dussmann. Les souvenirs remontent...
Parti à Berlin en pleine guerre froide afin d'écrire un récit de voyage, Thomas arrondit ses fins de mois en travaillant pour une radio de propagande américaine. C'est là qu'il rencontre Petra. Entre l'Américain sans attaches et l'Allemande réfugiée à l'Ouest, c'est le coup de foudre.
Et Petra raconte son histoire, une histoire douloureuse et ordinaire dans une ville soumise à l'horreur totalitaire. Thomas est bouleversé. Pour la première fois, il envisage la possibilité d'un amour vrai, absolu.
Mais bientôt se produit l'impensable et Thomas va devoir choisir. Un choix impossible qui fera basculer à jamais le destin des amants.
Aujourd'hui, vingt-cinq ans plus tard, Thomas est-il prêt à affronter toute la vérité ?



Mon avis :

C’était ma toute première rencontre avec Douglas Kennedy et j’en ressors mitigée.
C’était certes une lecture très agréable, divertissante et émouvante mais je reste sur ma faim.
Le cadre géographico-historique m’intéressait particulièrement, et bien que j’ai apprécié cette immersion dans le Berlin des années 80 en pleine guerre froide, j’ai trouvé que l’auteur tombait justement dans les travers qu’on reproche à son personnage : il nous sert des clichés que l’on connaît déjà par cœur. Je pensais donc en apprendre plus sur la vie dans le Berlin-Est mais mes attentes ont été déçues.

Sur l’histoire en général, j’ai été emballée au début puis ça traîne en longueur et ça vire au roman à l’eau de rose . J’ai quand même poursuivi ma lecture. Je pensais avoir bien fait lorsqu’au détour d’une page, on apprend un élément important. Mais finalement, tout l’effet tombe à l’eau tant l’issue est attendue et sans surprise.

Les personnages principaux sont également assez « plats », beaux, intelligents et cultivés tous les deux, il ne manque plus que la richesse et on a les caricatures des séries B américaines. On a donc Thomas Nesbitt, le narrateur, écrivain-voyageur traumatisé par le modèle du couple parental et qui fuit donc toute forme d’engagement jusqu’à ce qu’il rencontre la belle Petra allemande de l’Est persécutée injustement par la Stasi et exilée à l’Ouest.
Parmi les personnages secondaires, seul le personnage d’Alastair est attachant et bien campé même s’il tombe aussi dans le caricatural : l’artiste écorché vif, drogué et homosexuel … quelle originalité …

J’ai relevé aussi quelques incohérences (et ça je ne supporte pas …) et je n’ai pas aimé les répétitions, certes obligatoires puisque l’auteur veut nous présenter les deux points de vue séparés des personnages. Ce procédé pour un film peut donner un très bon résultat mais pour un roman je trouve ça pesant et pénible.
Pour ce qui est de la « morale » de l’histoire qui, si j’ai bien compris, est de savoir saisir l’instant lorsqu’il se présente, je dirais qu’on est tous confrontés à des choix dans notre vie et qu’on ne fait pas toujours les bons. La vie est ainsi faite. Il faut savoir poursuivre sa route et laisser son passé derrière.

Donc voilà, j’ai un sentiment de « recette toute faite » sans aucune touche d’originalité. Je reconnais tout de même que c’est bien écrit et que j’ai passé un bon moment malgré tout. Mais ce roman ne restera pas dans ma mémoire et je ne pense pas que je renouvellerai l’expérience Douglas Kennedy.

Je remercie le site Babelio et les Editions Belfond qui m’ont offert ce partenariat.


mercredi 26 octobre 2011

Pilgrim - Timothy Findley



4ème de couverture :

17 avril 1912 : deux nuits après le naufrage du Titanic, un homme du nom de Pilgrim, auteur d'un livre fameux sur Léonard de Vinci, se pend dans son jardin à Londres. Il est retrouvé le lendemain et l'attestation de son décès est signée par deux médecins. Cinq heures plus tard, son cœur recommence à battre. La mort a refusé Pilgrim.
Réfugié dans le mutisme, Pilgrim est interné à la clinique psychiatrique Burghölzli de Zurich où l'un des médecins, Carl Gustav Jung, est immédiatement fasciné par ce cas hors du commun. Pilgrim, qui dit avoir vécu plusieurs vies, côtoyé Léonard de Vinci, sainte Thérèse d'Avila et participé à la construction de la cathédrale de Chartres, est-il un malade mythomane, un rêveur de génie ou la victime d'une étrange malédiction?
Un roman ambitieux, fantastique, métaphysique, dans lequel apparaissent Henry James, Oscar Wilde, Monna Lisa... Un roman d'une construction brillante et hardie, à l'écriture jubilatoire.

Mon avis :

 Avec une 4ème de couverture aussi alléchante, je me suis jetée sur ce livre avec la ferme intention de n’en faire qu’une bouchée et …
Bon … j’ai eu un peu la même impression que lorsqu’au restaurant on vous apporte un plat différent de celui que vous aviez commandé.
Mais t’as bien aimé quand même avoue-le. La preuve tu l’as mangé ton plat.
Tais-toi . Je voulais donc une histoire de fous, je ne l’ai pas eue. On m’a servi un roman fantastique à la place.
Certains ont dit que l’intérêt de ce livre était la façon dont l’auteur jouait sur les deux tableaux pour nous faire douter : Pilgrim est-il fou ou vraiment immortel comme il le prétend ?
Eh bien moi je trouve que justement, Timothy Findley ne parvient pas du tout à garder le suspense. Mais peut-être n’était-ce pas son intention ? Je ne sais pas. Toujours est-il que je n’ai pas cru une seconde à une éventuelle folie furieuse de Pilgrim et c’est bien à cause de ça que je ressors de ma lecture avec un arrière-goût amer dans la bouche.
Arrête, t’as quand même douté parfois !
Oui bon … c’est vrai qu’on est amené à se poser la question mais il y a tellement d’éléments qui prouvent qu’il est vraiment immortel que finalement l’effet tombe à l’eau.
Malgré tout, je dois reconnaître que l’idée de base est très originale tout comme la construction du récit et les personnages. On y retrouve Jung en personne, Léonard de Vinci, Thérèse d’Avila …
Thérèse d’Avila t’a bien saoulée n’empêche.
Mais tais-toi bon sang ! Ok, il y a quelques longueurs et je me suis parfois ennuyée mais c’était tout de même intéressant. Le récit alterne entre différents points de vue, celui de Pilgrim, celui de Jung son médecin, et le journal intime de Pilgrim qui nous relate ses différentes vies antérieures.
Finalement, j’ai trouvé le personnage de Jung bien plus intéressant que son patient. Je ne sais pas jusqu’à quel point l’auteur s’est inspiré du véritable Jung et donc si les traits de caractère qu’il dépeint sont exacts ou pas, toujours est-il qu’il en fait un personnage vraiment antipathique et lui aussi à la limite de la folie. Et là, j’ai eu ma petite compensation.
Oui t’aimes bien les fous toi, surtout quand ils se parlent à eux-mêmes comme tu le fais là.
Laisse-moi écrire ma chronique merde !
Elle est nulle ta chronique, ça prouve bien que t’as pas aimé finalement.
Tu te contredis toi-même ma pauvre. Tu disais tout à l’heure que j’avais aimé quand même et là tu dis que je n’ai pas aimé. Faut savoir.
C’est toi qui es perturbée dans ta tête. Je n’y suis pour rien moi. Alors t’as aimé ou pas aimé ?
J’en sais trop rien …
En fin de compte c’est toi la folle dans l’histoire.

samedi 22 octobre 2011

Une île au coeur du monde - Michaël D. O'Brien



4ème de couverture :

Josip Lasta naît en 1933 dans les Balkans. En pleine Seconde Guerre mondiale, les montagnes yougoslaves sont le théâtre d’affrontements terribles impliquant les armées allemandes et italiennes d’occupation et les forces rebelles (oustachis, tchetniks, partisans communistes). Les habitants des Balkans sont à la frontière de trois mondes : le monde islamique, le monde slave orthodoxe et l’Europe catholique. Ici, les conflits ne sont pas seulement géopolitiques mais aussi spirituels et religieux. Comment garder son identité et son humanité dans des conditions déshumanisantes ? Josip qui mourra dans la première décennie du XXIe siècle verra son monde s’effondrer, traversera des épreuves cruelles et trouvera le chemin d’une véritable résurrection. Le souffle épique de Michael O’Brien donne à ce roman une portée universelle, inondé qu’il est par une éclatante lumière.

Mon avis :

C’est un gros pavé de 828 pages que voilà et j’avoue que j’en appréhendais fortement la lecture surtout après avoir lu certaines critiques plutôt acerbes.
Mais mes craintes se sont peu à peu volatilisées.
La première concernait le style. Mais j’ai été rapidement rassurée. Michaël O’Brien fait de belles phrases bien construites. La qualité de la traduction doit y être pour beaucoup mais voilà j’ai trouvé que c’était écrit dans une belle langue à la syntaxe rigoureuse. Ici, pas d’effets de style pour en mettre plein la vue. Non. Simplement un beau texte.

Sur le fond, l’histoire est passionnante et émouvante. On suit Josip de son enfance à sa mort. On l’accompagne tout au long de sa pénible vie, victime des guerres entre les différentes factions il perd sa famille puis victime du régime de Tito, il connaît la torture, la prison et enfin l’exil. Mais autant vous prévenir, ceux qui s’attendent à un récit témoignage ou à une sorte de documentaire romancé seront déçus. Bien qu’on ait à travers ce roman un aperçu des crimes et horreurs qu’ a connu la Yougoslavie et bien que j’ai appris pas mal de choses, je ne crois pas que ce soit le contexte qui fasse l’essentiel de ce roman.

Selon moi, Une île au cœur du monde est un roman philosophique et un roman d’apprentissage. La notion d’identité est au cœur de ce récit. L’importance des origines est rappelée à travers de nombreuses évocations de L’Odyssée d’Homère. Ainsi, tel Ulysse, Josip cherche tout au long de sa vie à rentrer chez lui mais lorsque je dis « chez lui » ce n’est pas uniquement au sens matériel mais plutôt au sens spirituel. Bien d’autres thèmes comme l’art, la culture , les souvenirs, la perception que l’on a du monde, sont portés à la réflexion du lecteur à travers de nombreux dialogues d’ordre philosophique. J’avoue même avoir été un peu perdue par endroits. L’omniprésence du cadre religieux m’a un peu gênée aussi même s’il est indispensable car participant pleinement du processus de découverte du Moi de Josip, de sa lutte contre sa volonté de vengeance et de sa lente reconstruction après tant de souffrances.
Certains passages sont vraiment poignants, j'ai adoré celui où Josip est interrogé par la police et où il leur répond avec philosophie les faisant ainsi passer pour des idiots. J'ai été marquée par  tout le passage sur son incarcération sur l'ile de Goli Otok, ses échanges avec ses compagnons de cellule, la cruauté des gardiens (desquels il voudra se venger plus tard), le récit de son évasion. J'ai pleuré à d'autres moments de sa vie riches en émotions.
Néanmoins quelques passages semblent tirés par les cheveux, je pense notamment aux étonnantes coïncidences qui parsèment la vie de Josip. C’est un peu gros mais j’ai fini par passer outre et me laisser emporter par la beauté de l’histoire. Je pense également à certaines rencontres que fait Josip, des rencontres de personnes mystérieuses jouant le rôle de guides spirituels.
Les métaphores et les symboles sont également récurrents : les hirondelles, les dauphins, les oranges, le cheval et le cerf blanc, tout ceci me rappelant un peu Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Je n’en ai malheureusement pas toujours saisi le sens et j’ai donc cette désagréable impression de ne pas avoir pu comprendre pleinement la portée de ce livre. J’aurais beaucoup aimé pouvoir discuter avec l’auteur afin d’avoir ses éclaircissements.
Je disais que l’art était un thème important de ce roman. Josip est en effet poète, bien qu’il s’en défende au début. Le roman est donc régulièrement parsemé de poèmes. Les amateurs de poésie se régaleront je pense.
Josip attache également beaucoup d’importance à la mer ( rapport à L’Odyssée que son père lui a fait découvrir). La mer est ici symbole de liberté par opposition aux montagnes de Bosnie et de l’île montagneuse de Goli Otok symboles de l’enfermement, des obstacles et de la mort.

« Un homme est lui-même et pas un autre, dit Josip. C’est une île dans la mer de l’existence. Et chaque île est différente des autres. Les îles sont reliées car elles viennent de la mer qui coule entre elles. Elle les sépare et pourtant les unit, s’ils apprennent à nager. »

Une autre petite phrase que j’ai beaucoup aimée :

« Creusez assez profond, et nous sommes tous des rois, malgré nos haillons. »

J’aurais encore beaucoup à dire sur ce livre mais j’ai peur d’en dire trop et de tomber dans l’analyse de texte !
Pour conclure, je dirais que j’ai adoré ce roman, qu’il m’a marquée, émue. Je vais attendre un peu avant de me replonger dans un autre livre. Je n’ai pas envie de quitter Josip maintenant.
Alors certes la lecture peut sembler ardue mais il vaut vraiment la peine de faire un effort. Et puis, personnellement, je ne conçois pas la lecture comme un simple loisir. Pour moi, la lecture doit m’apprendre à réfléchir sur moi, sur le monde qui m’entoure. C’est pourquoi Une île au cœur du monde restera longtemps une île dans mon cœur à moi.

Je remercie infiniment Les agents littéraires ainsi que les Editions Salvator pour cette merveilleuse découverte et cette belle leçon sur la vie.

dimanche 16 octobre 2011

Les vaches de Staline - Sofi Oksanen



Quatrième de couverture :

Les « vaches de Staline », c’est ainsi que les Estoniens déportés désignèrent les maigres chèvres qu’ils trouvèrent sur les terres de Sibérie, dans une sorte de pied de nez adressé à la propagande soviétique qui affirmait que ce régime produisait des vaches exceptionnelles. C’est aussi le titre du premier roman de Sofi Oksanen, dont l’héroïne, Anna, est une jeune Finlandaise née dans les années 1970, qui souffre de troubles alimentaires profonds. La mère de celle-ci est estonienne, et afin d’être acceptée, cette femme a tenté d’effacer toute trace de ses origines, et de taire les peurs et les souffrances vécues sous l’ère soviétique. Ne serait-ce pas ce passé qui hante encore le corps de sa fille ?
Sofi Oksanen fait preuve d’une grande puissance d’évocation quand elle décrit les obsessions de ces deux femmes. Il y a la voix d’Anna qui tente de tout contrôler, son corps, les hommes, et le récit plus distant de la mère qui se souvient de la rencontre avec « le Finlandais », à Tallinn, dans les années 1970, sous un régime de terreur et de surveillance.


L’avis de Aaliz :

Pour vous donner un léger aperçu du style déroutant dans lequel est écrit ce roman, Aaliz va, de façon un peu exagérée, tenter de l’imiter. Pour cela, Aaliz va parler d’elle à la troisième personne. Rassurez-vous, Aaliz n’a pas pris la grosse tête. Aaliz va seulement essayer de vous montrer à quel point elle a pu être agacée par le personnage principal du roman  Les vaches de Staline de Sofi Oksanen : Anna.

Anna est une jeune femme qui souffre de boulimarexie (boulimie et anorexie). Mais Anna est superficielle et prétentieuse. En plus de sa boulimarexie, Anna est donc victime de ce qu’on pourrait appeler le « syndrôme Alain Delon ». Anna se croit plus intelligente et plus belle que tout le monde. Anna croit qu’elle comprend tout là où les autres ne comprennent rien. Anna croit tout savoir. Et pour bien montrer cette facette de sa personnalité, l’auteur a lourdement insisté sur la récurrence du prénom Anna.
En fait, Sofi Oksanen utilise plusieurs narrateurs. Les chapitres sont courts, 7 pages maximum, et alternent entre la vie d’Anna, celle de sa mère lorsqu’elle était jeune, celle de sa famille à l’arrivée des Russes en Estonie.
La majorité des chapitres sont écrits à la troisième personne. Seuls ceux concernant Anna et sa maladie le sont à la première. Ce qui n’empêche pas quelques incursions de la troisième personne dans ces chapitres-là. D’où l’agacement de Aaliz. Car Aaliz n’aime pas les gens qui parlent d’eux à la troisième personne et Aaliz sent qu’elle ne va pas aimer sa chronique tout comme elle a eu du mal à aimer Anna.
La construction est, quant à elle, intéressante bien qu’étrange. Les chapitres sont regroupés en 3 parties totalement inégales en taille. La première est la plus longue et construite de façon à boucler la boucle en ce qui concerne la famille et plus particulièrement la mère d’Anna. Les deux parties suivantes ne comptent qu’une dizaine de pages et ne se concentrent que sur Anna.

Aaliz a beaucoup apprécié les chapitres sur la famille d’Anna. Aaliz a aimé que Sofi Oksanen lui apprenne des choses sur la vie quotidienne en Estonie pendant la période soviétique et qu’elle fasse la comparaison entre les modes de vie occidental (à travers la Finlande) et oriental (à travers l’Estonie). Beaucoup de détails sont donnés non seulement sur la réalité vécue par les Estoniens mais aussi sur la vie des déportés de Sibérie. La transition et le passage à l’économie capitaliste suite à l’effondrement du bloc soviétique sont aussi remarquablement décrits.

A l’inverse, Aaliz a trouvé la lecture des chapitres sur Anna et sa boulimarexie très pénibles. Non seulement par l’emploi de ce style particulier mais surtout par le sujet. Anna est à l’image du régime soviétique. De même que le régime communiste mis en place en URSS veut tout contrôler et avoir tout pouvoir sur tout, Anna veut tout contrôler aussi dans sa vie et principalement son corps mais aussi ses relations avec les autres. Anna se conduit comme une gamine capricieuse avec son petit ami. On la sent froide et insensible. Pour cacher ce qu’elle est réellement, Anna mise tout sur son corps. On ne doit plus voir que lui. D’où son obsession. Une jolie façade pour cacher l’inavouable. Tout comme le pouvoir communiste cachait ses crimes par une propagande et une image positives qu’il affichait en apparence. Aaliz a perçue Anna comme déshumanisée, comme dépouillée de sa personnalité, comme le reflet des conséquences résumées en une personne des horreurs et des mensonges de l’époque soviétique.

En même temps, Anna a des excuses : victime d’attouchements sexuels dans son enfance, tiraillée entre deux pays dont sa préférence va à celui qu’elle a du quitter, contrainte par sa mère de dissimuler ses origines estoniennes, un père absent et infidèle, une vie sous surveillance des services secrets … Il y a de quoi fragiliser le plus solide des caractères.
Alors voilà, Aaliz est agacée mais en même temps horrifiée. Sofi Oksanen ne ménage pas son lecteur. La maladie d’Anna et comment elle la vit sont racontés en détails et de façon poignante. On se retrouve désemparé, choqué et impuissant. Sentiments très désagréables.

En conclusion, si vous n’aimez pas les aller-retours incessants entre différentes époques et différents espaces, si vous avez une tendance à la déprime, si vous n’aimez pas l’utilisation de narrateurs multiples, rebroussez chemin.
Dans le cas contraire, foncez.
D’une façon globale (et là j’abandonne Alain Delon, il est trop lourd pour moi), j’ai trouvé ce roman dérangeant et éprouvant, ce fut une lecture qui m’a mise mal à l’aise. Malgré les aspects positifs que j’ai déjà mentionnés, j’ai ressenti trop d’antipathie pour le personnage d’Anna et le style m’a vraiment paru trop pénible. Certains passages m’ont semblé longs surtout sur la fin et j’ai tourné la dernière page avec soulagement.
Je n’avais pas lu Purge et ne peux donc pas faire la comparaison. Et de toutes façons, je ne pense pas que je le lirai.
J’espère néanmoins que mon avis ne vous découragera pas trop car je ne regrette nullement ma lecture, ce fut une expérience très intéressante.

Un extrait :

« En s’habillant à la finlandaise derrière la frontière orientale, Anna se sent de plus en plus bizarre. Là-bas aussi elle veut garder ses habits, ceux dans lesquels on se retourne sur elle pour sa propre forme […] Et une fois qu’elle s’est habituée, derrière la frontière, à être suivie et regardée sans cesse, comme une princesse finlandaise, elle ne peut plus se passer de ces regards dans la petite ville finno-finlandaise. […] C’est pourquoi Anna doit se faire un corps de princesse qui retourne les têtes, mais qui puisse en même temps servir de protection, comme le fait d’être finlandaise derrière la frontière, le genre de protection qui empêche les gens de voir à l’intérieur du corps d’Anna, de voir Anna elle-même. Anna échappe donc à l’invisibilité et à l’inexistence sans pour autant propager l’information interdite – son sang étranger - , simplement en se procurant ce qu’il y a de plus précieux : un corps féminin parfait.
 Anna ne retournera plus jamais dans ce corps qui attirait l’attention pour une autre raison que sa beauté charnelle.
 Un an n’a pas encore passé qu’Anna a déjà atteint son objectif : la visibilité. S’étant fait un nouveau corps, Anna l’idolâtre et s’en occupe à grand renfort de masques, crèmes et huiles. Quand éclosent les boutons des autres filles, Anna a déjà un maintien de femme adulte, et elle ne trébuche plus sur ses membres dépareillés. »


Je remercie infiniment le site Priceminister qui, grâce à l'opération des Matchs de la Rentrée Littéraire, m'a permis cette découverte.

jeudi 13 octobre 2011

Le Festin de Roses - Indu Sundaresan



Résumé :

J’ai pour habitude de céder à la facilité et de me contenter, en guise de résumé, de copier-coller le texte de la quatrième de couverture. Mais pour vous prouver que je ne le fais que dans les cas où elle est pertinente et fidèle au roman, j’ai décidé cette fois-ci de faire mon propre résumé car, justement, la quatrième de couverture est trompeuse et c’est à se demander si son auteur a vraiment lu le livre.
Nous sommes au XVIIème siècle au sein de l’empire Moghol sous le règne de l’empereur Jahangir. Depuis son vingtième mariage avec la belle Mehrunnisa à laquelle il voue une véritable passion, il perd peu à peu de sa crédibilité auprès de ses sujets. Pourquoi ? Parce qu’au sein de la société moghole où les femmes n’ont aucun droit ni pouvoir, Jahangir innove et choque en laissant de plus en plus sa femme prendre les rênes du gouvernement et imposer ses décisions. C’est la vie de cette incroyable femme, pourtant issue du petit peuple et portée au sommet du pouvoir, que Le Festin de Roses nous relate, de son mariage à son décès.


Mon avis :

Bien que passionnée d’Histoire, je connais très mal celle de l’Inde hormis peut-être les grands noms des empereurs moghols Babur, Akbar et Shah Jahan. Mais alors Jahangir, je ne le connaissais pas. Eh bien, Jahangir est tout simplement le fils d’Akbar et le père de Shah Jahan. Il a régné de 1605 à 1627 sur un immense empire comprenant tout le nord de l’Inde, le Pakistan et une partie de l’Afghanistan.
Bien que l’objet du roman soit la vie de son épouse Mehrunnisa ( à laquelle il donna le titre de Nur Jahan = lumière du monde), le contexte historique est très présent et c’est à un passionnant cours d’Histoire moghole ainsi qu’une magnifique visite guidée des palais moghols que nous convie ce roman.
En achetant ce livre (sur un simple coup de tête), j’ai eu un peu peur d’avoir affaire à une banale histoire à l’eau de rose ( ce que la quatrième de couverture laisse entendre). J’ai même bien failli ne jamais donner sa chance à ce livre et ne jamais l’ouvrir.
Eh bien, de la chance, c’est moi qui en ai eu. Car ce roman est une véritable merveille, un petit bijou de roman historique comme je les aime.
Alors oui, il y a des histoires d’amour mais jamais l’auteur ne tombe dans la mièvrerie et jamais elle ne tombe dans le vulgaire comme c’est souvent la mode dans la littérature actuelle. Les scènes érotiques sont à peine suggérées, rien de cru, rien de choquant, tout en finesse et romantisme. Bref, tout ce que j’aime.
Au début de la lecture, on se prend facilement d’amitié pour cette jeune femme issue d’un milieu modeste , veuve d’un premier mari qu’on l’avait forcée à épouser. Mais au fur et à mesure, on apprend à la connaître, à voir en elle un caractère fort et entêté. Nur Jahan influence fortement son époux et va jusqu’à bafouer l’étiquette et tous les codes moraux qui prévalaient à la cour jusqu’alors. Elle a une incroyable soif de pouvoir et pour assouvir ses ambitions et atteindre ses objectifs, elle se fait machiavélique et manipulatrice. On l’aime et on la déteste en même temps.
En lisant Le Festin de Roses, vous vous retrouverez donc plongé au cœur des manigances, des complots et des intrigues de palais. Les alliances se font et se défont au gré des intérêts personnels, on assassine et on organise des coups d’Etat. Les liens du sang pèsent peu face à l’attrait de la couronne impériale et les fils n’hésitent pas à renverser voire éliminer les frères et les pères. A tout ceci, s’ajoute la lutte entre Anglais et Portugais pour l’obtention d’un traité commercial avec l’Empire et la maîtrise des mers. Le roman raconte les premiers contacts et les difficultés qu’ont connu les ambassadeurs de la couronne britannique.

Fort rouge d'Agra
L’auteur décrit aussi avec brio l’atmosphère indienne avec ses saveurs, ses odeurs, la chaleur écrasante de la région d’Agra, les pluies dévastatrices de la mousson, les épidémies de peste et leurs conséquences.
Les descriptions sont magiques et envoûtantes comme dans un conte de fées. Mais elle insiste aussi pour mon plus grand plaisir sur les détails architecturaux. J’ai pu ainsi visiter le palais rouge d’Agra et m’imaginer la magnificence et la richesse de ses décors. Et le final en beauté avec la construction du célèbre et éblouissant Taj Mahal érigé par le fils rebelle de Jahangir pour son épouse dont vous ferez la connaissance en lisant ce roman.
Au niveau du style, je n’ai rien à redire. Sauf peut-être que j’ai parfois été gênée par l’emploi des termes arabes. Ils sont certes expliqués lors de leur première évocation mais j’ai tendance à vite oublier, je pense qu’un lexique en fin d’ouvrage aurait été appréciable. En dehors de ça, l’écriture est des plus agréables. Indu Sundaresan a un vrai talent de conteur.

Je me dois de préciser tout de même que Le Festin de Roses est en réalité la suite d’un premier volume intitulé La vingtième épouse qui raconte la vie de Mehrunnisa de sa naissance à son mariage. Je dois reconnaître que si je n’avais pas surfé sur la toile à la recherche de critiques sur ce livre, je ne l’aurais su qu’en toute fin de lecture. L’auteur rappelle les événements précédents dans le récit avec naturel, ce qui fait que je ne m’étais rendue compte de rien.
A noter aussi, au début de chaque chapitre un extrait d’ouvrage authentique sur l’Histoire moghole (mémoires, récits de voyages …) et en fin de volume, un épilogue dans lequel l’auteur nous informe des libertés qu’elle a pu prendre avec l’Histoire ( très peu finalement).
Je pense que vous aurez compris que je sors de ma lecture totalement charmée, envoûtée. C’est un énorme coup de cœur et je vous le conseille plus que vivement.
Maintenant, je vais tout faire pour me procurer le tout dernier roman d’Indu Sundaresan : Princesse de l’ombre qui se penche cette fois sur l’histoire de la fille de Shah Jahan.
Et pour tout vous dire, j’ai une folle envie d’aller en Inde pour voir tout ça de mes yeux !


vendredi 7 octobre 2011

L'herbe rouge - Boris Vian



Quatrième de couverture :

Dans son style étonnant qui mêle la fantaisie et l’absurde, avec l’émotion la plus poignante, Boris Vian nous raconte dans L’herbe rouge les aventures d’un savant qui a inventé une machine pouvant lui faire revivre son passé et ses angoisses.
Sous le travesti de l’humour noir, ce sont ses propres inquiétudes que met en scène Boris Vian, avec la frénésie d’invention burlesque qui l’a rendu célèbre.

Mon avis :

C’est en fouinant dans la bibliothèque de mon doudou à la recherche d’un livre à me mettre sous les yeux que j’ai déniché ce recueil de nouvelles de Boris Vian.
Je n’avais lu de cet auteur que Et on tuera tous les affreux dont j’étais sortie pas totalement convaincue mais pas dégoûtée non plus. Alors je me suis dit voyons voir ce que ça donnera cette fois-ci.
En fait, j’ai dit « recueil de nouvelles » mais c’est un peu faux. Il y a dans ce livre un roman intitulé donc L’herbe rouge puis un recueil de nouvelles intitulé Les lunettes fourrées et comprenant 3 très courtes nouvelles : le rappel, les pompiers et le retraité.

Le roman L’herbe rouge raconte les aventures d’un ingénieur nommé Wolf ayant conçu et fabriqué pour d’obscures raisons une machine qui va lui permettre de revivre certains moments de son passé et surtout d’en faire une analyse. A chacun de ses voyages dans le temps, il est ainsi invité par plusieurs personnages différents à faire le point et à s’expliquer sur certains choix effectués dans sa vie concernant ses rapports avec sa famille, ses études, ses expériences en matière de religion, sa vie amoureuse et sexuelle etc …
A travers les dialogues entre Wolf et les personnes qui l’interrogent, ce sont plusieurs questions d’ordre philosophique que Boris Vian soulèvent.

« Pour la dernière fois, dit-il, je vous demande de ne pas faire l’enfant. Maintenant, c’est sérieux. Tous les parents se valent ! Vraiment ! Ainsi, parce que vous n’avez pas été gêné par les vôtres, vous n’en tenez aucun compte.
- Les miens étaient bons, d’accord, dit Wolf, mais avec des mauvais, on réagit plus violemment, et c’est plus profitable en fin de compte.
- Non, dit M. Perle. On dépense plus d’énergie, mais finalement, comme on est parti de plus bas, on arrive au même point ; c’est du gâchis. Evidemment, quand on a vaincu plus d’obstacles, on est tenté de croire qu’on a été plus loin. C’est faux. Lutter n’est pas avancer. »

En parallèle des voyages temporels de Wolf, d’autres évènements contés par Boris Vian poussent le lecteur à la réflexion. Notamment, cette requête curieuse d’un chien qui parle et qui demande à avoir un ouapiti assurant qu’une fois qu’il l’obtiendrait il serait enfin heureux et n’aspirerait à plus rien d’autre car ayant ainsi atteint la félicité perpétuelle. Or une fois son ouapiti obtenu, le chien entre dans une sorte de béatitude.

« « Tout va bien, dit Wolf. Tu sais, il est vieux.
- Il avait l’air si content d’avoir un ouapiti, répondit Lil, pleine de pleurs.
- Etre satisfait ou gâteux, dit Wolf, c’est bien pareil. Quand on n’a plus envie de rien, autant être gâteux.
- Oh ! dit Lil. Mon pauvre sénateur.
- Note bien, dit Wolf, qu’il y a deux façons de ne plus avoir envie de rien : avoir ce qu’on voulait ou être découragé parce qu’on ne l’a pas. »

A côté de tout ça, il y a aussi le collègue de Wolf nommé Lazuli victime d’hallucinations. A chaque fois qu’il s’apprête à honorer la femme qu’il aime, il aperçoit un homme en train de le dévisager. Ce qui a pour effet de lui couper tous ses moyens. Avec la persistance de ses apparitions, Lazuli en fait une obsession au point qu’il décide d’agir. Mais tout cela tournera au drame. En ce qui concerne cette partie du roman, je dois reconnaître que je n’ai pas du tout compris où Boris Vian voulait en venir.

Quant aux nouvelles des Lunettes Fourrées, elles sont tout aussi étranges et décalées. Je n’ai pas aimé Le rappel car je ne l’ai pas comprise, un homme se jette du haut d’un immeuble et, tout au long de sa chute, regarde ce qui se passe chez ses voisins par la fenêtre.
Celle des pompiers est très courte (à peine 5 pages) et très étonnante. J’en suis sortie complètement déconcertée.
Et enfin, j’ai été choquée par Le retraité et par la cruauté de trois adolescents ayant pris un vieil homme pour cible de leurs jeux ignobles. Mais encore une fois, la fin est surprenante.

Ce fut un bonheur de lire ce livre. Outre le fait qu’il fait réfléchir (et j’adore quand un livre fait réfléchir), le style de Boris Vian est unique, son univers fantaisiste et décalé ainsi que sa façon de jouer avec la langue française et ses expressions en font un régal de lecture.
Deuxième rencontre avec Boris Vian plutôt convaincante donc.
Ce roman restera d’autant plus cher à mes yeux qu’il a désormais pour moi une valeur sentimentale. Je remercie infiniment mon doudou de m’en avoir fait cadeau surtout en sachant quelle valeur ce livre a pour lui. J’en prendrai très grand soin.

jeudi 6 octobre 2011

Le Juste Milieu - Annabel Lyon



Résumé des Editions La Table Ronde :

Aristote était un être de chair et de sang, et Alexandre le Grand, un adolescent plein de doutes et d'arrogance. Lorsqu'en 342 avant Jésus-Christ, le philosophe devient précepteur du futur roi de Macédoine, la relation qui s'établit est aussi singulière et enrichissante pour l'un que pour l'autre. Par ses démonstrations très concrètes sur une table de dissection, comme par ses réflexions éthiques et métaphysiques, Aristote transmet à son jeune élève la notion de «juste milieu», point d'équilibre entre deux extrêmes, si difficile à atteindre. De son côté, le fougeux Alexandre, qui désire déjà ardemment «ouvrir la gueule pour avaler le monde entier», offre des perspectives au maître peu aventureux que son père lui a choisi.

Des cahutes enfumées aux chambres du palais, Annabel Lyon lève le voile sur deux hommes illustres dont l'admiration réciproque et l'intelligence ont transformé le monde. Au fil de dialogues incisifs et souvent très crus, elle explore avec finesse et jubilation des thèmes aussi universels que la transmission du savoir, les rapports filiaux, les conflits de génération, les jeux de pouvoir.

Mon avis :

J’avais repéré ce livre bien avant sa sortie grâce au formidable travail de Ys sur le site News Book. Une fois arrivé sur les étals des librairies, je me contentais, à grand regret, de caresser sa couverture du bout des doigts en espérant qu’un jour peut-être je pourrais me plonger avec délice entre ses pages. Eh oui … mes finances ne me permettent pas souvent l’achat de livres brochés et la rentrée littéraire est, pour cette raison, toujours pour moi un moment d’intense frustration.
Mais voilà que Babelio lance son opération Masse Critique et là que vois-je ? Mon livre tant désiré est dans la liste. Ni une ni deux je postule. Et je ne postule que pour ce titre. Je le veux et je mise tout sur lui. Tant pis pour les autres titres qui m’intéressent aussi.
Quelques jours plus tard, alors que je rends visite à mon doudou d’amour, je consulte ma boîte mail et j’apprend à ma grande joie que ma candidature est retenue et que je vais donc recevoir Le juste milieu d’Annabel Lyon.

Mais pourquoi CE livre en particulier me demanderez-vous ?
Eh bien d’abord parce qu’il s’agit d’un roman historique et que je suis passionnée d’Histoire.
Et aussi parce qu’il traite (secondairement certes mais c’est toujours ça) de mon personnage historique préféré, adulé, chéri d’entre tous : Alexandre Le Grand.

Le juste milieu est en réalité une biographie romancée du célèbre Aristote se concentrant essentiellement sur la période qu’il a passée en Macédoine comme précepteur du jeune Alexandre. Le récit se fait à la première personne et nous happe totalement nous plongeant en pleine Macédoine antique.
Le style est agréable, posé, quelques fois ponctué de mots vulgaires que j’ai trouvé déplacés. Enfin … disons que mis dans la bouche des Macédoniens, je peux comprendre que l’auteur ait souhaité marquer le contraste entre le côté rustre et grossier des mœurs macédoniennes par opposition au raffinement et à la sophistication des mœurs grecques. Mais des grossièretés mises dans la bouche d’Aristote, ça m’a gênée. Mais je précise bien qu’elles sont très ponctuelles, c’est d’autant plus dérangeant car pas en accord avec le ton et le style employé dans la majorité du récit.
Je vous rassure, j’ai commencé par un point négatif mais c’est le seul reproche que j’ai à faire à ce roman.
En vérité, je l’ai adoré et ça a été un véritable coup de cœur.
Je craignais que l’auteur insiste trop sur les théories philosophiques d’Aristote mais il n’en est rien. Les passages où il donne des leçons à Alexandre sont finalement peu nombreux et très clairs et ne sont pas sans pousser le lecteur à la réflexion. L’essentiel du récit se concentre principalement sur la propre formation d’Aristote et sur sa vie privée. Le cadre évènementiel est très présent et bien expliqué, les descriptions des personnages et de leur caractère sont réalistes et en accord avec ce qu’en dit la recherche historique. J’ai apprécié que l’auteur précise en fin d’ouvrage les éléments purement fictionnels et les « aménagements » faits à l’Histoire pour les besoins du récit.
J’ai l’impression, à la sortie de cette lecture, de mieux connaître Aristote. Il n’est plus pour moi le simple philosophe que tout le monde connaît mais un être humain qui a vécut, grandit, ressentit, aimé.
J’ai vraiment apprécié de voir revivre sous la plume d’Annabel Lyon ces grands personnages de l’Histoire que furent Aristote, Philippe de Macédoine, Platon et bien sûr Alexandre. Elle a su recréer avec intelligence ce qu’ont pu être les rapports entre Aristote et le jeune futur conquérant ainsi que l’influence que le précepteur a pu avoir sur son prestigieux élève.

Un petit extrait :

« « Non, dis-je, un roi doit toujours s’exprimer clairement.
- Parler, parler, parler… J’en ai assez ! Assez des leçons, de la diplomatie, assez de rester au palais pour charmer les dignitaires de passage à la cour de mon père. Savez-vous ce que Carolus m’a appris ? Il m’a dit qu’il n’y avait jamais aucune vérité dans les mots, mais seulement dans le corps. Il dit aussi que dès qu’un personnage parle, c’est pour dissimuler ce qu’il veut vraiment dire. Les mots sont la surface sous laquelle il faut regarder. Il dit que les meilleurs acteurs sont ceux qui parlent avec leur corps, et qu’on se souvient davantage de leurs gestes que des mots qu’ils prononcent.
- J’imagine qu’il parlait du théâtre … »
J’imagine que ce qu’il voulait, c’était mettre le garçon à quatre pattes.
«  Il parlait de la vie. Nous sommes tous plus vrais par le corps que nous ne pourrons jamais l’être par la parole.
- J’aimerais beaucoup voir Carolus exprimer un théorème pythagoricien sans aucun recours à la parole …
- J’ai envie de me battre. »  »

Bref, je loue le remarquable travail de recherche et d’écriture qu’a effectué Annabel Lyon et je conseille vivement ce roman.

Je remercie infiniment Babelio et les Editions La Table Ronde pour m'avoir permis cette découverte.

mardi 4 octobre 2011

Le Moine - Matthew G. Lewis



Quatrième de couverture :

« De moment en moment, la passion du moine devenait plus ardente, et la terreur d’Antonia plus intense. Elle lutta pour se dégager ; ses efforts furent sans succès et, voyant Ambrosio s’enhardir de plus en plus, elle appela au secours à grands cris. »
Pour mettre en scène le combat d’une sainteté qui se défend contre les puissances des ténèbres, Matthew G. Lewis déploie, avec un art consommé de la gradation dans l’horrible, une multitude de récits d’une audace et d’une cruauté rares.
Sade et Breton, entre autres, plaçaient très haut ce chef d’œuvre du roman gothique, dont Antonin Artaud –qui en a réalisé une « copie »- disait : «  Je continuerai à tenir pour une œuvre essentielle Le Moine, qui bouscule cette réalité à pleins bras, qui traîne devant moi des sorciers, des apparitions et des larves avec le naturel le plus parfait, et qui fait enfin du surnaturel une réalité comme les autres. »

Mon avis :

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce roman ne se focalise pas uniquement sur l’histoire d’un moine luttant contre les tentations du Malin mais se compose d’une multitude de récits tous plus ou moins du même genre ( une histoire d’amour qui finit mal) et tous plus ou moins liés. Il n’y a donc pas vraiment de personnage principal dans ce roman mais plusieurs personnages dont les péripéties nous sont relatées.
Le Moine c’est un peu une tragédie à la Shakespeare (ça m’a beaucoup fait penser à Macbeth par moments) par le style théâtral et par certaines éléments en eux-mêmes. Il ne s’agit pas seulement d’un roman gothique mais aussi d’un roman fantastique. Que les amateurs du genre ne s’enthousiasment pas trop vite. Le côté fantastique est très décevant et exagéré, on n’y croit pas une seconde. L’auteur a beau nous assommer de fantômes vêtus de blanc mais tâchés de sang ( que c’est original !), de caveaux souterrains, de crânes, d’ossements et de larves sortant de restes en putréfaction, on reste de marbre. Je n’ai rien ressenti à cette lecture, pas d’angoisse, pas de montée d’adrénaline, rien.

Quant à ce fameux moine, là aussi j’ai été déçue. Ambrosio est un moine adulé par tout Madrid pour ses vertus. Il est le champion de la lutte contre les tentations du monde. En même temps, c’est un peu facile de ne pas succomber aux dites tentations lorsque l’on n’y a jamais été confronté. Car en effet, Ambrosio a passé toute sa vie entière entre les murs d’un monastère sans jamais en sortir. Bref, il est la perfection humaine même jusqu’à l’arrivée d’un jeune moine qui se révèle être une femme et pire encore. Cet être va le conduire sur les pentes glissantes du péché. Et je ne vous en dit pas plus.
Je me contenterai de dire que la plupart des événements et rebondissements de ce roman sont le plus souvent téléphonés, et même si l’auteur nous ménage quelques passages à suspense, la majorité du récit et le dénouement final restent sans surprise aucune puisque des éléments présentés dès le début du roman nous mettent la puce à l’oreille.
Enfin, avec ce roman, les ordres monastiques en prennent pour leur grade, on sent bien la volonté de l’auteur de dénoncer les abus et la fourberie des religieux.

Donc voilà, globalement déçue car je m’attendais vraiment à autre chose. J’aurais aimé que le personnage d’Ambrosio soit plus important et que sa progressive déchéance soit plus détaillée, que ses sentiments et son combat intérieur soient plus travaillés et étudiés.
Le côté fantastique m’a semblé trop grotesque. Je n’ai trouvé aucun personnage particulièrement intéressant à part peut-être Mathilde (celle qui conduit Ambrosio à sa chute) pour des raisons que je ne peux vous expliquer sans dévoiler l’essentiel du récit.
Je pensais regarder le film sorti récemment pour comparer mais la lecture de critiques m’en a découragée. Peut-être plus tard … Quant à la version d’Antonin Artaud, j’hésite. Peut-être y trouverai-je ce qui m’a manqué ici. C’est à voir.