mercredi 27 février 2013

La fausse maîtresse - Honoré de Balzac



Je n’aurais probablement jamais lu cette nouvelle si Céline n’avait pas lancé cette lecture commune et ça aurait été vraiment dommage. Très courte, je l’ai lu en à peine 2 heures ( avec des interruptions ) et malgré ça, Balzac a encore réussi à me surprendre.

Après un premier tiers du récit consacré à la présentation des personnages et à l’exposition par Balzac de ses vues sur la situation politique de la Pologne à son époque et sur l’accueil fait aux polonais exilés en territoire français, le lecteur fait la connaissance du principal protagoniste resté dans l’ombre jusque-là non seulement pour le lecteur mais également pour les autres personnages.
Je m’explique : le capitaine Paz, descendant de la célèbre lignée des Pazzi, dont le comte Adam Laginski a sauvé la vie à plusieurs reprises pendant la guerre, lui est resté tout dévoué et consacre sa vie à gérer la fortune et les biens de son ami et sauveur à forte tendance dépensière. Lorsqu’Adam rencontre Clémentine du Rouvre, c’est le choc pour Thaddée de Paz qui tombe éperdument amoureux de celle qui devient l’épouse de son meilleur ami. Afin de ne pas trahir ses sentiments, Thaddée vaque à ses occupations tout en restant invisible aux yeux de la belle. Mais celle-ci finit par souhaiter d’être présentée. Sentant qu’une relation traître pourrait bientôt naître s’il ne faisait rien, Paz s’invente une maîtresse afin d’éloigner Clémentine. Le stratagème fonctionne à merveille mais …. Je n’en dirai pas plus !

J’ai beaucoup aimé ce récit qui se trouve être une très belle ode à l’amitié. Jusqu’au bout, Thaddée sera fidèle à son ami Adam même si cela signifie qu’il doive en souffrir et renoncer à son amour, à son bonheur et même à l’estime de celle qu’il aime. Il se contente de faire en sorte qu’elle ne manque de rien. La voir heureuse lui suffit. Autant d’abnégation est remarquable et très touchant.
A l’inverse, le comte Laginski fait plutôt pâle figure à côté, assez frivole et faible, il cède à tous les caprices de son épouse Clémentine que j’ai trouvée fort antipathique, égoïste et superficielle.
Je me suis aussi beaucoup amusée à lire les passages faisant intervenir Malaga, la fausse maîtresse, qui ne comprend absolument pas ce qui lui arrive, qui se retrouve sortie de la misère par un homme qu’elle ne connaît pas et pour des raisons qu’elle est très loin d’imaginer.
Je craignais le pire quant à la fin de ce triangle amoureux impossible mais Balzac a su m’étonner par une pirouette optimiste laissant au lecteur la possibilité d’imaginer la suite qu’il souhaite.

D’après ce que j’ai lu dans Wikipédia, il semblerait qu’une partie de cette histoire se continue dans La cousine Bette. C’est infernal avec Balzac, dès qu’on en lit un, on est poussé à en lire plein d’autres. Toujours d’après la même source, Balzac aurait écrit cette nouvelle alors qu’il fréquentait déjà Madame Hanska (d’où les références à la Pologne) à laquelle il se devait de cacher son amour en s’inventant de fausses aventures. Je ne peux malheureusement pas en dire plus, il faudrait vraiment que je lise une biographie de Balzac, j’en ressens de plus en plus le besoin car j’ai l’impression de passer à côté de pas mal de choses. Si vous en avez une bonne à me conseiller, je suis preneuse ( je pensais à celle écrite par Stefan Zweig, n’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé si vous l’avez lue).


dimanche 24 février 2013

Opium Poppy - Hubert Haddad



4ème de couverture :

C’est l’histoire d’Alam. Celle d’un petit paysan afghan, pris entre la guerre et le trafic d’opium. A travers ses yeux , nous découvrons les choix terribles qui s’imposent à l’enfant soldat . A travers ses aventures d’immigré clandestin, nous sont dévoilés dans toute leur absurde crudité les chemins de la drogue, du producteur de pavot à l’héroïnomane parisien.


Mon avis :

Intriguée par le résumé, je me suis laissée tenter par ce petit ouvrage qui me permettait, par la même occasion, de découvrir Hubert Haddad dont j’avais entendu tant de bien.
Et effectivement, l’auteur est un grand écrivain à la plume magnifique de poète. De ce côté là, je ne suis donc pas déçue, de très belles pages m’ont été offertes à la lecture.

Concernant le sujet, j’en attendais plus. Et je me rends de plus en plus compte que j’ai beaucoup de mal avec les romans de moins de 200 pages. Je suis restée sur ma faim.
Le récit est sombre, le fait qu’Hubert Haddad ait choisi un enfant comme personnage principal attendrit le lecteur mais ce n’est pas suffisant. Je suis restée assez extérieure à l’histoire d’Alam. Vous savez, c’est un peu comme au journal télévisé, on nous montre les atrocités de la guerre à l’autre bout du monde. Alors oui, ça nous chagrine, nous révolte mais voilà … on ne se sent pas vraiment concerné. J’ai eu cette même impression à la lecture d’Opium Poppy. Je mets ça sur le compte de la brièveté du récit.

Concernant l’histoire en elle-même, elle est intéressante mais aurait mérité d’être plus développée. Je n’ai pas su m’attacher à ce petit garçon. Mais peut-être est-ce un « fait exprès » de l’auteur pour insister sur le peu de cas qui a été fait de ce petit être qui n’a pas eu de vie ni même de nom, que la guerre a dépossédé de tout, d’un toit, d’une famille, de la subsistance, d’une identité. Il ne comprend pas le monde qui l’entoure, il ne comprend pas ce qu’on attend de lui. Il suit alors ce qu’il connaît, la filière de l’opium, des champs de pavots de son père en passant par les transporteurs et aboutit aux bas-fonds de la banlieue parisienne parmi les drogués et les petits dealers.
L’ennui, c’est que justement, ce trajet a été un peu trop survolé. Après un trajet caché au fond d’un camion, on retrouve Alam dans les égouts de Rome et il atterrit en France dans un centre d’accueil on ne sait pas trop comment.
Il faut dire qu’Hubert Haddad a choisit un récit alterné, entre les chapitres situant l’action en Afghanistan et ceux se déroulant en France. Ce qui fait qu’au final, il manque des pièces au puzzle et ça m’a gêné.
Néanmoins les passages relatifs à l’Afghanistan sont très intéressants par leur évocation de la vie quotidienne dans un pays en guerre, par le joug des barons de l’opium sur les communautés villageoises, par le sort réservé aux femmes qui osent braver les interdits, par la terreur inspirée par les troupes rebelles mais aussi par celles des troupes occidentales.

J’ai lu de nombreuses critiques qui reprochaient à Hubert Haddad d’exagérer dans l’accumulation de malheurs. Je ne suis pas du tout de cet avis. A quelques reprises, l’auteur nous laisse espérer une sortie de secours pour Alam mais le destin s’acharne, c’est vrai. Mais d’un autre côté, vivre dans un pays en guerre et choisir l’immigration clandestine, ce n’est pas Disneyland ! L’histoire d’Alam se rapproche de près de l’histoire de nombreux réfugiés. Ce qui m’aurait choquée, moi, c’est que l’auteur nous fasse justement une happy end , le petit afghan adopté par un gentil couple français. Ça, ça n’aurait pas été très crédible à mes yeux même si c’est meilleur pour le moral.

Au final, je retiens de cette lecture un récit violent et sombre mais très réaliste servi par un style descriptif des plus poétiques et imagés rendant les scènes très vivantes. Malheureusement, j’aurais voulu que ce soit plus long car je ressors avec le sentiment que la vie d’Alam a été insignifiante alors qu’elle a été marquée de l’horreur de la guerre et de l’exil.
Un texte qui fait réfléchir sur le sort qu’on réserve bien souvent aux réfugiés dans les pays d’accueil.
En tout cas, je relirai à coup sûr Hubert Haddad et pourquoi pas avec son dernier roman Le peintre d’éventail qui semble conquérir nombre de lecteurs.

Merci à Livraddict et aux éditions Folio pour ce beau partenariat.

dimanche 3 février 2013

Lawrence d'Arabie - Michel Renouard



Mes parents étant « fatigués de voir toujours les mêmes vieux clous à la télé », je suis passée à côté de nombreux films cultes dont le célèbre « Lawrence d’Arabie » avec Peter O’Toole et Omar Shariff. De l’homme en question, je ne savais pratiquement rien si ce n’est qu’il avait dirigé la révolte arabe contre l’empire ottoman pendant la première guerre mondiale. J’ai heureusement eu l’occasion d’en apprendre plus grâce à cette biographie par Michel Renouard.

Résumé de la biographie en quelques lignes ( passez à la prochaine ligne en bleu si vous ne souhaitez pas le lire)

Thomas Edward Lawrence méritait effectivement un film tellement sa vie est hors du commun et lui-même était un personnage hors-norme. Par sa famille déjà, il est issu de l’amour interdit entre son père et une gouvernante, il héritera d’ailleurs du patronyme de son grand-père maternel ( son père était un Chapman). Thomas Edward aura une enfance nomade puisque sa famille déménagera à de nombreuses reprises. Plus tard, il gardera son goût des voyages, fera le tour de la France en bicyclette pour en visiter et dessiner les châteaux forts, parcourra la Syrie seul et par ses propres moyens. Brillant étudiant, Lawrence est un surdoué, il est passionné d’Histoire, de littérature, de langues, de dessin, de photographie, de mécanique et de vitesse. Seulement il est allergique à toute discipline et toute forme de règlement. C’est un solitaire qui aimerait vivre retiré du monde à tel point qu’il en aura le projet de fonder une abbaye et que, plus tard, il décidera de s’engager dans la RAF pour y vivre dans son cocon militaire à l’abri du monde extérieur.

Il est bien vite repéré pour ses capacités par celui qui sera son mentor et auquel il devra son avenir : David George Hogarth brillant archéologue mais aussi agent de renseignement au service de Sa Majesté. Voilà Lawrence envoyé en Turquie sur le site hittite de Karkemish afin d’y procéder à des fouilles. Comme par hasard, tout proche du site, les turcs s’activent à la construction d’une voie ferrée permettant de relier Berlin à Bagdad. Plus tard, c’est en Egypte que Lawrence est envoyé chargé d’effectuer des relevés topographiques.

D’agent de renseignement, il devient leader de la révolte arabe. Doué en psychologie, il s’entoure des meilleurs : Fayçal, le fils du roi Hussein, mais aussi Jaafar Pacha et Auda Abu Tayi qui seront ses meilleurs chefs militaires. Lawrence parvient à fédérer les nombreuses tribus arabes dont certaines sont pourtant en guerre depuis des siècles et pour cela, il en paie parfois le prix fort contraint d’arbitrer les querelles et de prendre des mesures extrêmes. Lawrence et ses compagnons s’illustrent par leurs faits d’armes : bataille du rail, prise d’Aqaba. Malheureusement ils échouent à Deera où Lawrence est fait prisonnier par les Turcs, torturé et violé. Cet épisode restera pour lui un traumatisme. Jérusalem tombe aux mains des britanniques puis toute la Syrie. La main mise britannique sur cet espace est une réussite et Lawrence en est l’un des principaux responsables.

La première guerre mondiale terminée, l’empire ottoman est démembré, Lawrence est accueilli en héros par les plus grands noms de la politique anglaise dont le roi George V. Mais Lawrence refusera d’être anobli et décoré. Il préfère intégrer la RAF mais incognito en tant que simple soldat. Il se verra confier d’autres missions ( même en Inde) jusqu’à son retour définitif sur le sol britannique où il travaillera à la rédaction de plusieurs ouvrages dont le plus célèbre Les sept piliers de la sagesse , œuvre autobiographique, mais aussi La matrice, ouvrage sur les débuts de la RAF, grâce à sa maîtrise du grec ancien il sera chargé également de traduire L’Odyssée.
Un tragique accident de moto privera l’empire d’un de ses plus brillants sujets.

Fin du résumé

J’avoue avoir été sous le charme de cet incroyable personnage qu’était Thomas Edward Lawrence avec lequel je me suis trouvée des points communs. Je ne reviendrais pas sur les accusations d’homosexualité ou de masochisme que je trouve fondées sur du vent. Certes, Lawrence avait un rapport particulier au corps qu’il détestait, préférant s’en détacher, il aurait aimé se résumer à une entité purement spirituelle.
Volontiers provocateur, il n’en faisait qu’à sa tête et se moquait éperdument de la hiérarchie. Petit exemple :

« Louis Massignon ajoute : « Ayant une grande cour à traverser sous les yeux des officiers, je fis signe à Lawrence de rattacher sa patte d’épaule gauche :  « Pensez-vous que j’aie pour ces gens la moindre considération ? » dit-il ; et il fit à ce moment-là, le geste d’ouvrir son pantalon pour uriner face à l’état-major. »


C’est un magnifique ouvrage que nous propose Michel Renouard. Le style est limpide, agréable, non sans humour. Le récit est truffé d’anecdotes croustillantes tant concernant notre sujet principal mais aussi sur plein d’autres sujets. On apprend par exemple que Lewis Carroll avait un loisir que la morale réprouve, que Auda Abu Rayi cassa volontairement son dentier ( de fabrication turque) pour le remplacer par un dentier britannique, que le frère de Thomas Edward ( réputé pour sa grande beauté) a servi de modèle pour une statue exécutée par l’épouse du célèbre explorateur Robert Scott, que le petit-fils d’Abdel Kader ( oui oui celui qui résista contre les français en Algérie) était un traître et bien d’autres choses encore.

Michel Renouard parvient à retracer brillamment le contexte géopolitique, pourtant très complexe, ainsi que les enjeux de pouvoir entre les grandes puissances occidentales mais aussi toute l’ambiance de cette époque : on y croise les plus grands écrivains, hommes politiques et autres personnages emblématiques de l’empire britannique.

Il base son travail sur une abondante bibliographie ( que l’on retrouve en fin de volume) et cite intelligemment Lawrence lui-même à travers des extraits des Sept piliers de la sagesse.
Il revient sur la construction du mythe autour de Lawrence, nous explique le rôle des journalistes dans la naissance de cette légende et démontre finalement que Thomas Edward n’était pas le « Lawrence d’Arabie » image fabriquée par les médias et le cinéma.

Autre plus de cet ouvrage : une chronologie récapitulative ainsi que de nombreuses photos, certaines prises par Lawrence lui-même.
Seul bémol : l’absence de cartes qui auraient vraiment été très utiles.

J’ai appris énormément grâce à ce livre qui rend un bel hommage en toute objectivité à cet homme exceptionnel qu’était Thomas Edward Lawrence. Moi qui suis un peu frileuse face aux biographies que je trouve généralement trop austères, noyées dans des détails et des notes de bas de pages, celle-ci fait exception par sa clarté et sa grande fluidité de lecture. Je vous la recommande chaudement.

Un grand merci au forum Livraddict ainsi qu'aux Editions Folio pour ce partenariat très enrichissant.