dimanche 30 septembre 2012

A quoi rêvent les loups - Yasmina Khadra



4ème de couverture :

Alger - fin des années 80. Parce que les islamistes qui recrutaient dans l'énorme réservoir de jeunes gens vulnérables ont su l'accueillir et lui donner le sentiment que sa vie pouvait avoir un sens, parce que la confusion mentale dans laquelle il était plongé l'a conduit à s'opposer à ses parents, à sa famille, à ses amis et à perdre tous ses repères, parce que la guerre civile qui a opposé les militaires algériens et les bandes armées islamistes fut d'une violence et d'une sauvagerie incroyables, l'abominable est devenu concevable et il l'a commis.

Mon avis :

J’ai entendu et lu tellement de choses sur Yasmina Khadra ( et pas toujours des compliments) que j’ai longtemps hésité à le lire. Et puis je me suis enfin décidée avec ce titre A quoi rêvent les loups que j’ai choisi notamment à cause de son sujet. L’action se passe en Algérie pendant la sinistre décennie noire. On suit Nafa, un jeune homme de pauvre condition qui rêve de devenir acteur, dans sa marche progressive vers le terrorisme.

J’ai bien aimé ce roman. Mes premières craintes concernaient surtout le style de l’auteur. J’ai lu pas mal de critiques qui reprochaient à Khadra son style ampoulé tombant dans l’exagération avec usage de qualificatifs non appropriés ( aux dires des lecteurs), bref d’après eux, Khadra en fait trop, cherche à impressionner le lecteur par l’utilisation d’un vocabulaire peu commun.

Et bien moi, je n’ai rien eu à reprocher à ce style. Je n’ai pas trouvé que c’était exagéré et je n’ai remarqué aucune formulation biscornue ou quoi que ce soit du genre.
Au contraire, j’ai trouvé son style très imagé et j’ai en particulier beaucoup apprécié un passage où il décrit une Alger gangrenée par les mouvements islamistes. Ce passage est magnifiquement bien écrit, il y a de la force, du panache, de la violence même, la forme reflète parfaitement bien le fond.

Quand au sujet, je l’ai trouvé vraiment bien traité. Yasmina Khadra décortique tout le mécanisme qui a mené Nafa vers le terrorisme. Il nous décrit les conditions qui ont formé le terreau nécessaire à la naissance et l’expansion des mouvements islamistes ainsi que les procédés utilisés pour rallier la population. Il montre comment étaient organisés ces mouvements et illustre leur mode de fonctionnement, de gestion nous fournissant des détails sur l’organisation, l’intendance de ces groupes.
J’ai compris beaucoup de choses grâce à ce roman et notamment comment les islamistes ont pu prendre ainsi le contrôle d’un pays et aussi comment ils l’ont perdu.
J’ai été surprise par les multiples visages que se donnaient ces extrémistes. D’abord solidaires au point de ne jamais laisser tomber l’un des leurs, les luttes pour la tête du mouvement, l’arrivisme et la soif de gloire de certains dévoilent le mécanisme de règne par la terreur qui se cache derrière la façade dorée. Les discours semblent alléchants mais les actes sont répugnants et inhumains.

La seule chose que je déplore c’est que le roman soit trop court. Je n’arrive pas à me familiariser avec les personnages quand un roman fait moins de 400 pages. L’avantage c’est qu’on entre dans le vif du sujet assez rapidement et que l’auteur va droit au but mais j’aurais aimé encore plus de détails, plus de romanesque surtout et plus de sensations.

Finalement, je suis plutôt contente de cette première rencontre avec Yasmina Khadra qui m’aura fait oublier tous les avis négatifs que j’avais lus sur son compte jusqu’à présent.


dimanche 23 septembre 2012

Pain amer - Marie-Odile Ascher



4ème de couverture :

Ils étaient des milliers à avoir fui la révolution bolchevique et la guerre civile. En 1946, auréolé de sa victoire sur le nazisme, Staline les rappelle à la mère patrie : l’URSS. Ils seront quelque quatre à six milles « Russes blancs » exilés à suivre l’étoile rouge et les promesses du Petit Père des peuples.
Parmi eux, Marina qui, bien que se sentant française, suit les siens dans leur voyage de retour. Elle laisse Marc, son grand amour, certaine de revenir bientôt sur la Côte d’Azur, l’épouser. Pour l’instant, un long périple l’attend. Elle ne se doute pas qu’une fois arrivée, se dressera entre elle et ses rêves d’avenir le mur du totalitarisme.


Mon avis :

Bien que d’une façon générale je déteste l’Histoire contemporaine, je porte tout de même un grand intérêt à tout ce qui concerne l’Histoire de l’URSS et à sa terrible expérience du communisme. Aussi lorsque je suis tombée par hasard sur Pain amer, le résumé m’a tout de suite attirée.

Pain amer raconte l’histoire d’une famille d’exilés russes ayant fuit la révolution de 1917 et qui décide de repartir s’installer au pays sur l’appel de Staline en 1946. Bien entendu à l’époque, la propagande soviétique battait son plein et faisait tout pour faire croire à son modèle paradisiaque de société égalitaire.
C’est là qu’a été ma principale difficulté en lisant ce livre. Sachant pertinemment ce qui attendait cette malheureuse famille une fois de retour en Russie, je n’arrivais pas à prendre le recul nécessaire pour les comprendre et je ne pouvais pas m’empêcher de pester contre leur crédulité.
Oui mais voilà … n’aurais-je pas fait pareil à leur place ? N’aurais-je pas voulu revoir les paysages dans lesquels j’ai grandi ? Retrouver mes racines, les quelques membres de ma famille restés là-bas ?

Pour ma défense, il faut savoir que toute l’histoire est racontée par Marina qui, elle, a grandi en France, ne parle absolument pas le russe et ne connaît quasiment rien de sa culture d’origine. Aussi par l’emploi de la première personne pour la narration, le lecteur s’identifie obligatoirement à elle et adopte inconsciemment son point de vue. Et on ne peut donc que pester contre la naïve obstination des parents et le comportement de la mère qui, anéantie, se laisse complètement aller.
Quant à Marina elle-même, elle est le personnage typique de l’adolescente héroïne qu’on rencontre dans de nombreux romans, elle est intelligente et en plus, elle est forte au point qu’elle prend sa famille en charge à la place de sa mère.
Bref, en ce qui concerne les personnages, je n’ai pas réussi à les prendre en sympathie malgré ce qui leur arrive.

Ce qui m’a finalement le plus intéressée ce sont les descriptions de la vie quotidienne sous le régime stalinien : le froid, la faim, la lutte pour survivre, le fait de constamment se méfier des autres et de contrôler ses moindres paroles et ses actes, être confronté à un système qui se prétend égalitaire mais qui privilégie les membres du parti etc… La famille en est réduite aux pires extrêmes, se contenter d’eau chaude comme simple repas pendant des jours et des jours, aller mendier des croutons de pain rassis, se contenter de hérisson bouilli comme seule viande, ne pas pouvoir se laver pendant des mois. Le tableau brossé par l’auteur est vraiment abominable et pourtant la famille se bat et s’adapte. Elle s’adapte d’ailleurs tellement bien qu’elle finit par s’en sortir assez bien et j’ai trouvé ça assez étonnant voire décevant comme fin. Mais leur exemple montre bien que pour s’en sortir au mieux dans un tel système est d’y obéir aveuglément et de « respecter les règles du jeu ». Il ne faut cependant pas oublier que le cas de la famille de Marina est une exception et que la plupart des exilés rentrés n’ont pas survécu à leur première année sur le territoire russe.
En parallèle de tout ça, j’ai aussi trouvé que l’histoire d’amour perdu n’apportait pas grand chose à l’ensemble. C’est touchant certes mais pas assez fort encore pour susciter en moi quelque émotion. Surtout que face à la dureté des conditions de vie décrites, il est difficile de se laisser attendrir par une amourette.

Je ne voudrais pas décourager les personnes qui voudraient lire Pain amer et ça m’attriste de constater que de mon avis ressort plutôt un sentiment négatif. Je pense que je n’aurais pas du lire ce roman juste derrière Folie d’une femme séduite. Ce qui fait que je suis plutôt mitigée. J’aurais certainement plus apprécié ma lecture dans d’autres circonstances car ce roman est un bon roman par son sujet, par le style et par le réalisme historique. Donc j’aurais plutôt tendance à le conseiller. Dommage que, pour ma part, je n’ai pas accroché plus que ça.


dimanche 16 septembre 2012

Folie d'une femme séduite - Susan Fromberg-Schaeffer



4ème de couverture :

La redécouverte d'un livre-culte qui a marqué des générations de lectrices. Un roman psychologique d'une émotion poignante, une inoubliable peinture de l'obsession amoureuse doublée d'un portrait de femme du siècle dernier aussi troublant que Tess d'Uberville ou Les Hauts de Hurlevent. Ayant quitté sa ferme natale, Agnès Dempster découvre du haut de ses seize ans la vie citadine. Quand Frank Holt, tailleur de pierres de son état, fait irruption dans sa vie, elle s'en éprend sur-le-champ. Abandonnant travail, amis et même l'enfant qu'elle porte, elle se donne corps et âme à cet homme fruste qu'elle pare de toutes les couleurs du héros romantique et de l'artiste d'exception, jusqu'à perdre sa propre identité. Quand Frank, effrayé par cet amour suffocant, s'échappe dans les bras d'une autre, Agnès perd pied. Contrainte à un geste fatal, elle devra répondre de ses actes face à l'opinion publique et aux médecins de l'asile.

Mon avis :

Plus qu’un coup de cœur, ce roman m’a complètement retournée, il m’a possédée, hypnotisée, séduite. Un coup de foudre ! Une passion ! 1110 pages (édition France Loisirs) englouties en 2 jours. Impossible de le lâcher, même la nuit !
La crainte qu’on pourrait avoir avant de se plonger dans Folie d’une femme séduite, ce serait d’avoir affaire à un de ces romans à l’eau de rose mièvre et niais. Mais, on en est très loin.

Le roman se présente sous la forme d’une longue lettre écrite par une Agnès âgée à celle qui l’aura accompagnée dans les moments pénibles de sa vie : son amie Margaret.
Elle y livre en quelque sorte ses Mémoires et reprend toute son histoire depuis le début, nous décrit son enfance, sa famille, le milieu dans lequel elle a grandit et nous dévoile ainsi les raisons qui l’ont poussée à fuir sa famille pour s’installer en ville.
Viennent ensuite le récit de sa relation avec Frank puis le drame et ses conséquences.
Le procédé de la lettre permet l’utilisation de la première personne du singulier en guise de narrateur, on entre ainsi dans la tête d’Agnès. Je me suis beaucoup identifiée à elle, nous trouvant nombre de points communs ce qui explique que j’ai pu être aussi bouleversée par cette lecture.

Susan Fromberg Schaeffer a écrit ce roman dans les années 1980 se basant sur un fait divers ayant défrayé la chronique à la toute fin du XIXème siècle. Elle nous transporte dans cette époque et on jurerait lire un roman classique digne des sœurs Brontë.
Elle nous dépeint le quotidien et la condition des femmes du siècle dont le destin et l’horizon se résument au mariage et aux enfants. Les femmes de la famille d’Agnès vont toutes vouloir se révolter contre cette fatalité et cet avenir qu’elles rejettent. Elles ont soif de liberté, de se sortir d’une « prison » dont elles ne veulent pas. Seule Agnès aura l’audace de vraiment s’en échapper encouragée par les exemples des vies désabusées de sa mère et sa grand-mère. Toutes sont en quête du bonheur. Mais quel est-il ce bonheur ? Comment être heureuse dans cette société qui laisse si peu de place aux femmes ?

A travers sa fuite, Agnès se cherche aussi. Elle veut s’affranchir de cet héritage identitaire que lui ont légué les femmes de sa famille. Sa rencontre avec Frank représente pour elle la possibilité d’une autre voie. Mais son amour se transforme vite en passion voire en dévotion. Et on assiste impuissant à la progressive perte de contrôle d’Agnès. Son amour pour Frank est si fort qu’elle en fait son unique raison de vivre jusqu’à s’oublier elle-même. Elle va jusqu’à vouloir fusionner avec l’objet de sa passion, lui confiant plus que son cœur, toute son âme.


La folie et la violence ( pas uniquement physique mais aussi psychologique) sont sous-jacentes durant tout le récit. On les sent à l’état latent lors de l’enfance d’Agnès. On les voit à l’œuvre chez sa grand-mère et sa mère. La personnalité d’Agnès est profondément fouillée, le doute s’insinue parfois, est-elle vraiment folle ou simplement très naïve ? Peut-être les deux ? La frontière est parfois très ténue entre l’amour-passion et l’amour-folie. Le lecteur s’embrouille, tour à tour Agnès agace le lecteur  ou suscite sa compassion.

Chaque personnage est parfaitement dépeint, on ne peut que s’attacher à eux. Susan Fromberg Schaeffer les fait évoluer dans des décors magnifiques et tellement réalistes. On s’y croirait !
Les descriptions des paysages sous la neige sont sublimes, cette neige qu’on retrouve souvent tout au long du récit, celle qui gèle l’activité et les mouvements des hommes les emprisonnant chez eux tout comme Agnès s’enferme dans son amour pour Frank.

Les parties relatant le procès et l’internement d’Agnès sont tout aussi passionnantes. On fait la connaissance de Maître Kingsley, l’avocat chargé de la défense d’Agnès, ainsi que du Dr Train qui sera amené à décrire le cas d’Agnès comme exemple d’une nouvelle forme de folie qu’il nommera la « Folie de la femme séduite ».
On a ainsi de belles pages sur la justice et l’état des recherches et des thérapies psychiatriques trop peu développées encore à cette époque.

Je n’ai trouvé aucun défaut à ce roman, tout sonne juste, les dialogues sont vivants, le style est limpide et agréable, les pages se tournent toutes seules.
Ce roman raconte la difficulté d’une femme à se trouver elle-même et à trouver sa place. Il est aussi l’illustration de la sempiternelle lutte entre l'amour-passion et l’amour-raison et pose la question de déterminer quel est le meilleur chemin vers le bonheur. Il n’y répond pas forcément mais en montre plusieurs exemples.

Un roman magnifique qui m’aura beaucoup marquée et que je garde en première place dans mon cœur. Je n’avais encore jamais été à ce point bouleversée par un roman.
Je ne peux que le recommander !

mercredi 12 septembre 2012

Peste & Choléra - Patrick Deville



4ème de couverture :

Parmi les jeunes chercheurs qui ont constitué la première équipe de l’Institut Pasteur créé en 1887, Alexandre Yersin aura mené la vie la plus mouvementée. Très vite il part en Asie, se fait marin, puis explorateur. Découvreur à Hong Kong, en 1894, du bacille de la peste, il s’installe en Indochine, à Nha Trang, loin du brouhaha des guerres, et multiplie les observations scientifiques, développe la culture de l’hévéa et de l’arbre à quinquina. Il meurt en 1943 pendant l’occupation japonaise.
Pour raconter cette formidable aventure scientifique et humaine, Patrick Deville a suivi les traces de Yersin autour du monde, et s’est nourri des correspondances et documents déposés aux archives des Instituts Pasteur.


Mon avis :

Une rentrée littéraire où sont parus plus de 600 nouveaux titres, pourtant cette année, très peu ont attiré mon attention. Parmi ceux-là, ce nouvel opus de Patrick Deville, auteur que je ne connaissais pas, rend hommage à un scientifique que la postérité a quelque peu oublié bien que sa contribution à la médecine fut, elle, inoubliable.
C’est donc en me plongeant dans Peste & Choléra que j’ai fait la connaissance de cet homme incroyable, ce touche-à-tout autodidacte à la personnalité bien trempée qu’était Alexandre Yersin.

Je dois bien avouer que j’ai été au départ très mitigée sur cette lecture. Le style m’a surprise et de façon assez désagréable : un style haché, des phrases sans verbes. Je m’attendais aussi à une biographie romancée classique avec du romanesque, des dialogues, des sentiments, de la vie quoi ! Mais au lieu de ça, j’avais un récit très factuel, dénué d’émotions. Patrick Deville ne laisse pas la place à l’imagination. Il s’en est tenu à ce qu’il savait de Yersin et n’a pas cherché à broder, à inventer des choses là où il n’y en a pas.

Passé quelques pages, ce style a fini par m’apprivoiser. Toute résistance s’est évanouie et je me suis laissée porter par les mots. J’ai trouvé certains passages d’une incroyable beauté. La description des paysages d’Asie m’ont fait rêver et Patrick Deville a réussi à me faire voyager en peu de mots là où d’autres auraient eu besoin de plusieurs pages.
J’ai eu la surprise aussi de rencontrer quelques lignes pleines d’humour encourageant l’imagination du lecteur à se créer des scènes d’un burlesque qui, pour ma part, m’ont fait éclater de rire.

Finalement, j’ai compris que l’écriture de Patrick Deville reflétait parfaitement bien le personnage d’Alexandre Yersin. Pourquoi faire du romanesque et du sentimental alors que Yersin était un scientifique entièrement dévoué à son travail ignorant les choses du cœur et celles de l’Art ? Yersin ne fait pas dans le sentimentalisme, il ne se sent bien que dans son havre de paix sur la côte indochinoise, loin du monde, loin des gens et loin de « toute cette  saleté de la politique ».

J’ai appris énormément de choses grâce à cette lecture et pas uniquement sur son sujet principal. Car Patrick Deville fait revivre aussi toute une époque allant du Second Empire à la Seconde Guerre Mondiale. On en suit et remarque ainsi les bouleversements et l’évolution à travers la construction du récit qui fait alterner plusieurs périodes de la vie de Yersin. D’habitude, ce procédé a tendance à me perturber mais ce ne fut pas le cas cette fois car les chapitres sont courts et donnent du rythme. Le lecteur n’a pas le temps d’oublier ce qu’il a lu ni de se perdre.

J’ai donc fini par dévorer ce roman et je l’ai terminé fascinée par ce personnage qu’était Alexandre Yersin. Je suis choquée que le prix Nobel et l’Histoire l’aient ainsi oublié et c’est un bel hommage que lui rend Patrick Deville.
Basé sur la correspondance et les visites de l’auteur à travers le monde sur les traces de son personnage, Peste & Choléra n’est peut-être pas une biographie historique au sens « scientifique » du terme mais un récit qui sonne juste sans anachronismes ni autres écueils que l’on rencontre souvent dans les biographies romancées.
Cela m’encourage à me tourner vers les précédents romans de Patrick Deville ( il y a Equatoria qui me tente beaucoup sur Pierre Savorgnan de Brazza).

Un coup de cœur donc que je recommande chaudement !

Vous pouvez vous procurer ce livre sur Priceminister que je remercie pour m'avoir permis l'acquisition de ce livre et je remercie également Oliver pour sa disponibilité.


dimanche 9 septembre 2012

Au-delà du mal - Shane Stevens



4ème de couverture :

A dix ans, accusé d’avoir assassiné sa mère, Thomas Bishop est placé en institut psychiatrique. Quinze ans plus tard, il s’en échappe avec une soif de vengeance sans bornes, et entame un long périple meurtrier à travers les Etats-Unis. Très vite, une chasse à l’homme s’organise : la police, la presse et la mafia sont aux trousses de cet assassin hors norme, remarquablement intelligent, méticuleux, amoral. Bishop sème la mort sans répit, n’ayant de cesse de changer d’identité et laissant sur sa route davantage de cadavres que d’indices. Au fur et à mesure de ce carnage sans précédent, l’Amérique entière plonge dans la paranoïa et l’hystérie. Les destins croisés des protagonistes, en particulier celui d’Adam Kenton, journaliste dangereusement proche du tueur, vont finir par dévoiler un inquiétant jeu de miroir …



Mon avis :

J’étais curieuse de découvrir ce roman précurseur du genre thriller avec tueur en série qui aurait inspiré les James Ellroy et Thomas Harris. Je peux comprendre ce qu’il avait d’original à l’époque mais il faut reconnaître qu’aujourd’hui, le genre fait fureur et, entre les romans et les séries TV, il devient difficile de surprendre le lecteur. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai lâché ce type de lecture dont j’étais pourtant très friande il y a dix ans.
Mais bon … là il s’agit du pionnier alors j’ai voulu voir ce que ça donnait.

J’ai beaucoup aimé la première partie, l’enfance de Thomas Bishop, son internement, son évasion. Mais 900 pages mes amis … c’est long, surtout quand il n’y a pas de rebondissements.
Ce roman fonctionne selon le procédé que j’appelle Colombo : c’est-à-dire qu’on connaît déjà l’identité de l’assassin et on regarde les enquêteurs se dépatouiller avec leurs indices, leurs raisonnements etc … Sauf que Colombo, lui, a du nez et s’intéresse toujours en premier au coupable. Ici, ce n’est pas le cas, oh que non. La police ne s’en sort pas au point qu’elle demande à la pègre de l’aider. Même les journalistes s’y mettent. Rien à faire ! Normal, car dès le début ils écartent tous LA piste numéro un. Bah oui, il faut bien faire durer le suspense ! Pourtant si j’ai bien appris un truc avec toutes les séries et tous les polars que j’ai vues/lus, c’est bien qu’il ne faut jamais négliger une seule piste. Bref … ça a eu le don de m’énerver …
Donc voilà notre tueur en série qui se promène à travers les Etats-Unis en toute tranquillité.
Le roman alterne plusieurs points de vue de cette chasse à l’homme, celui des policiers, des journalistes, celui du tueur. Heureusement car ajouté au style rythmé de l’auteur, ça permet de tromper un peu l’ennui.

On a donc des policiers pas très futés, un journaliste plutôt intelligent mais qui met 700 pages à découvrir l’identité du tueur … et le tueur dans tout ça ? Ben … quand on connaît Patrick Bateman, plus rien ne nous impressionne. Parce que oui, il tue notre Thomas Bishop mais on est loin, très loin, de frémir d’horreur et de faire la grimace de dégoût. Les scènes de meurtre sont plutôt fades et vite traitées. Les âmes sensibles apprécieront. Même si l’auteur nous dévoile toutes les pensées secrètes et les névroses de Bishop, je suis restée sur ma faim car c’est finalement très répétitif et pas vraiment original ( enfin … ça l’était sûrement à l’époque mais plus maintenant).

Et parce qu’il faut bien avoir des choses à raconter pendant ces 900 pages, Shane Stevens assaisonne son œuvre d’intrigues politiques. Et ça, désolée, mais je déteste les thrillers politiques. L’avantage c’est qu’on a, grâce à ça, une assez belle description de l’ambiance des Etats-Unis des années 70, on retrouve la montée en puissance des journalistes d’investigation (bêtes noires de Nixon), on est témoin des « arrangements » entre grands industriels et pouvoir politique. On a des réflexions très intéressantes sur la question de la peine de mort. Finalement, l’atmosphère de l’époque ressort assez bien.

Ce qui ressort assez bien aussi, c’est la misogynie de l’auteur. Ce monsieur a une vision de la femme vraiment ignoble, je pense que son Thomas Bishop a du lui servir d’exutoire à sa haine du sexe opposé. Il l’avoue d’ailleurs lui-même en disant qu’assassiner des femmes est le fantasme classique d’une grande majorité d’hommes. S’il n’avait mis de tels propos que dans la bouche de son tueur en série, j’aurais compris qu’il s’agissait de la mentalité du personnage , sauf que ce genre de propos apparaît aussi venant des policiers, des journalistes, bref de tous les protagonistes. D’ailleurs, ils sont exclusivement masculins. Les femmes sont quasi absentes sauf pour servir de victimes ou de prostituées d’occasion.

Donc voilà, je suis plutôt déçue par ce roman. Je pense que je suis trop influencée par American Psycho qui, pour moi, est un chef d’œuvre du genre dont je n’ai pas trouvé d’équivalent jusqu’à présent.

mercredi 5 septembre 2012

Chroniques martiennes - Ray Bradbury



4ème de couverture :

Les Martiens de l'An 2000 de Bradbury ne sont pas très différents des Terriens. Mais ils sont télépathes... parfois sans le savoir. C'est ainsi que, tandis que la première expédition terrestre s'achemine vers Mars, une femme se met à fredonner un air d'une musique inconnue, et des paroles qu'elle ne comprend pas, « Plaisir d'amour ne dure qu'un moment ». Troublé par cette petite chanson obsédante, jaloux des rêves qui l'accompagnent, son mari accueille la fusée une arme à la main... et c'est la fin de la première expédition terrestre. Qu'advint-il des autres ? C'est avec ces « Chroniques martiennes » que Ray Bradbury donna un ton nouveau à la science-fiction et en devint l'un des maîtres.

Mon avis :

Après ma lecture du célèbre Fahrenheit 451 que j’avais bien aimé sans que ce soit pour autant un coup de cœur, j’étais curieuse de connaître les autres écrits de Ray Bradbury.
L’organisation par Stellade d’une lecture commune m’a donc donné l’occasion de découvrir les Chroniques martiennes.

Je dois bien avouer que les premières pages ne m’avaient pas vraiment emballée, je me disais que si c’était comme ça pendant tout le roman, j’allais certainement abandonner.
Et puis, il s’est passé quelque chose : Bradbury m’a surprise alors que je ne m’y attendais pas du tout. Il m’a même fait rire. J’ai finalement poursuivi ma lecture avec un intérêt et un enthousiasme croissants au point qu’une fois la dernière page tournée j’étais totalement emballée. Les Chroniques martiennes sont un coup de cœur et je les préfère de très loin à Fahrenheit 451.

Les Chroniques martiennes sont ce que l’on appelle un fix-up c’est-à-dire un ensemble de nouvelles qui peuvent être indépendantes mais qui ensemble forment un tout cohérent et racontent une histoire.

L’histoire ici racontée est celle de la colonisation de Mars par les terriens. Bradbury nous narre, non sans humour, les déboires des premières expéditions terriennes sur la planète rouge ainsi que l’accueil pas toujours chaleureux que leur réservent les martiens.
S’en suivent des nouvelles traitant de l’installation des premiers colons qui, pourtant n’oublient pas leur bonne vieille planète d’origine en proie à des guerres incessantes et dévastatrices poussant de plus en plus de personnes à vouloir partir.

A travers toutes ces nouvelles, Bradbury traite de nombreux thèmes qui participent tous à une critique de l’humanité et de sa force de destruction.
L’arrivée massive des colons terriens amenant avec eux le virus de la varicelle décime la population martienne, on y voit là une analogie avec l’arrivée des colons espagnols en Amérique et ce qui est advenu des populations amérindiennes.
On ressent aussi fortement le traumatisme des guerres du XXème siècle. En effet, dans les Chroniques martiennes, la Terre est en guerre perpétuelle, une guerre qui aboutit à son entière destruction comme l’illustre une des nouvelles dans une grande métaphore. Bradbury fait le récit de la destruction de la dernière maison encore debout sur Terre comme s’il s’agissait de la planète elle-même.
L’auteur critique également le racisme et la ségrégation dont sont victimes les populations noires d’Amérique à l’époque d’écriture du recueil.
On retrouve aussi le thème majeur de Fahrenheit 451 dans la nouvelle intitulée Usher II, référence aux nouvelles d’Edgar Allan Poe : la défense de la littérature, de la liberté d’expression et la critique de la censure. Dans cette nouvelle, Bradbury rend hommage à de grands auteurs et donne une bonne « leçon de littérature » au représentant de l’ « Hygiène Morale ».

Bien que les aspects scientifiques ne soient pas du tout crédibles (les connaissances sur Mars à l’époque n’étaient pas les nôtres), Bradbury construit un univers entier avec force descriptions dans lequel on finit par s’immerger complètement et avec plaisir.

J’ai adoré ce recueil pour son humour, son univers magique, sa richesse et pour les messages qu’il diffuse.
C’est un chef d’œuvre de la SF qui restera assurément parmi mes préférés et dont je recommande chaudement la lecture !
Un grand merci à Stellade !


lundi 3 septembre 2012

La Femme qui lisait trop - Bahiyyih Nakhjavani



4ème de couverture :

Téhéran, seconde moitié du XIXe siècle : la cour du shah fourmille d'intrigues de palais, complots et autres tentatives d'assassinat plus ou moins abouties, sous l'ironique et cruel regard de la mère du souverain persan... Voici que cette fois, pourtant, ce très ancien royaume va se trouver ébranlé non tant par les menées factieuses des uns ou des autres (menées qu'observe l'ambassadeur de Sa Royale Majesté la reine d'Angleterre) mais par l'irruption inattendue d'une poétesse fort lettrée dont, d'un bout à l'autre du territoire, les vers et les propos semblent agir sur quiconque en prend connaissance comme de puissants catalyseurs d'énergies "subversives" - voire "hérétiques" : entre ces deux adjectifs, que certains sont tentés de rendre synonymes, reste à savoir qui, de la poésie ou de la violence, va trancher... A travers la figure historique de la poétesse Tahirih Qurratu'l-Ayn, à laquelle la postérité se montra si peu soucieuse de rendre justice, et qui osa, en femme libre et en exceptionnelle rhétoricienne, affronter au péril de sa vie les tenants du pouvoir tant séculier que théologique de son temps, Bahiyyih Nakhjavani met en scène les enjeux éternels - et plus incandescents que jamais aujourd'hui - de la liberté d'expression dès lors qu'elle s'affronte aux puissants comme aux dogmes religieux. Ecrit dans une langue étincelante, qui croise subtilement les fils de l'Histoire, de la religion, de l'art et la question de la condition féminine, ce roman propose, sur le mode d'une fiction historique, une réflexion d'une indéniable actualité.

Mon avis :

Après lecture de la 4 de couv, je me faisais une joie de découvrir le destin de cette femme qui osa braver les interdits et la domination des mollahs.
Mais finalement, tout ce qu’il y avait à retenir est contenu dans les 5 pages que constituent la post-face et la chronologie présentée en fin d’ouvrage.

Je me suis terriblement ennuyée pendant cette lecture qui a été longue et pénible. La première chose qui m’ait perturbée est le fait qu’aucun des personnages n’est nommé par son nom. L’auteur utilise à la place des qualificatifs tels que «  l’épouse du maire », « la fille de la poétesse », « la mère du shah », jamais ces personnes ne sont nommées directement. Heureusement qu’il y a la chronologie à la fin pour savoir de qui on parle exactement (tout le monde n’est pas forcément au point sur l’Histoire de l’Iran !). Parfois, je ne m’y retrouvais absolument plus, je ne savais plus de qui l’auteur parlait, j’étais obligée de revenir plusieurs lignes en arrière et de relire, parfois sans succès.
Je ne comprends pas du tout pourquoi l’auteur a procédé ainsi. En plus, elle utilise le discours indirect en abondance ou le discours direct libre mais il n’y a aucun dialogue clairement marqué. Tout ceci contribue à une lourdeur et à une sensation de manque de relief. Ce récit ne vit pas , aucune émotion n’est transmise.

La construction est elle aussi très étrange. Le roman se découpe en 4 parties, chacune consacrée à évoquer une même histoire mais du point de vue d’une femme différente. La première partie est consacrée à la vision de la mère du shah, la deuxième à celle de l’épouse du maire, la troisième à celle de la sœur du shah et la dernière à la fille de la poétesse (quoique …). Et dans chaque partie, on a droit à des flash-backs incessants, il faut vraiment être bien concentré pour suivre !

Je m’attendais donc à une biographie romancée de Tahiri Qurratu’l-Ayn mais finalement seule la dernière partie du roman lui est véritablement consacrée. Les trois autres ne font que relater les déboires de la famille du shah avec la présence de la poétesse en toile de fond.
Alors certes, on a une description de la vie en Iran au XIXème siècle mais uniquement du point de vue des femmes et surtout des femmes de haut rang. Finalement, le portrait que l’auteur fait de la Perse de l’époque est d’une incroyable noirceur. Il n’y a rien de positif, à l’en croire, l’Iran de l’époque des shahs n’est que violence, complots, intrigues, médisances, mesquineries, mariages forcés, tortures, massacres, famines, assassinats et émeutes. On est loin des Mille et Une nuits et de la magie orientale. Que je suis contente d’être née en France au XXème siècle !!

J’aurais tout de même appris des choses grâce à cette lecture et notamment un pan de l’Histoire de l’Iran au XIXème siècle et surtout l’existence de Tahiri Qurratu’l-Ayn, du courage de cette femme, figure du féminisme en Orient, elle qui a osé retirer son voile en public, elle qui s’est battue pour que les femmes aient accès à l’instruction, qu’elles apprennent à lire, à écrire et à être enfin reconnues comme des êtres pensants et capables de réflexion à égalité avec les hommes. C’était une femme remarquable et son souvenir subsiste encore au sein du peuple iranien bien que l’Histoire officielle l’ait « oubliée ». La question du statut de la femme étant toujours d’actualité dans certaines contrées, les problématiques de ce roman en font un plaidoyer très moderne.

Mais bien que l’objectif et l’intention de cette œuvre soient très louables, le traitement trop confus et décousu du sujet n’a pas été à la hauteur de mes espérances. Dommage …