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vendredi 29 août 2014

Amkoullel, l'enfant peul - Amadou Hampâté Bâ



J’ai lu ce livre de Amadou Hampâté Bâ il y a 4 mois déjà, j’avais tellement apprécié ma lecture, j’avais tant de choses à en dire que je n’arrivais pas à écrire mon article au point même que j’y avais renoncé.
Mais voilà que je décide de vous en parler quand même, maintenant que j’ai plus de recul, que cet enthousiasme paralysant s’est atténué avec le temps. Et surtout je voulais vraiment partager avec vous cette lecture enrichissante et cet auteur qui mérite amplement d’être lu.

Amadou Hampâté Bâ était un écrivain et un ethnologue malien qui a consacré une partie de sa vie à travailler à la promotion du patrimoine linguistique africain. Grand défenseur de la tradition orale africaine, c’est toutefois par l’écrit que cet homme d’une grande sagesse a transmis son amour pour la civilisation peule à travers ses divers écrits dont les Contes initiatiques peuls ainsi qu’à travers ses propres mémoires dont Amkoullel l’enfant peul constitue le 1er tome. Il a également honoré la mémoire de deux personnes marquantes dans sa vie : Tierno Bokar, son maître spirituel duquel il suivra les enseignements jusqu’à son intégration à l’école française, mais aussi Wangrin, un drôle de coquin qui se sera amusé à arnaquer et plumer les fonctionnaires coloniaux.

Dans Amkoullel, l’enfant peul, Amadou Hampâté Bâ retrace son enfance jusqu’à sa prise de poste dans l’administration coloniale française. Mais il ne s’arrête pas là  puisque, bien avant d’aborder sa propre vie, c’est une large partie de l’histoire du Mali et de ses peuples qu’il reprend à travers les destins et origines de ses ancêtres. On découvre alors les empires peuls et toucouleurs dont les territoires englobaient le Mali actuel et s’étendaient jusqu’à la côte Atlantique suivant le cours du Niger. Ses rives constituaient un véritable foyer de peuplement et abritaient les principales villes de la région.
Amadou Hampâté Bâ décrit leur histoire, leurs modes de vie, leurs traditions et croyances montrant ainsi l’incroyable diversité des peuples maliens et nous offre une véritable étude sociologique évoquant la place des femmes, le système de castes et le rôle des waaldés, sortes de confréries autonomes gérées par les enfants eux-mêmes. On s’étonne de constater l’incroyable harmonie et tolérance entre les différentes confessions, différences qui ne sont jamais prétextes à conflits.
Amkoullel, surnom donné par sa waaldé au petit Amadou, symbolise l’union des deux ethnies dominantes et pourtant adverses, sa mère est issue d’une longue lignée de nobles peuls. Il sera ensuite adopté par le second mari de sa mère, lui d’origine toucouleure. C’est pendant son enfance qu’un événement bouleverse la géopolitique de la région : l’arrivée des colons français. Amadou Hampâté Bâ nous délivre alors de savoureuses pages et anecdotes sur les rapports entre maliens et français. Les « blancs-blancs » sont une grande source de curiosité et d’étonnement par leur politique, leur couleur ( surtout ce rouge lorsqu’ils se mettent en colère ) et leurs différences culturelles, de quoi stimuler l’imagination fertile des maliens.

C’est alors un autre monde auquel est confronté Amkoullel, surtout lorsqu’il est amené, contre son gré, à intégrer l’école française. Ses excellents résultats le font rapidement évoluer et l’oblige à s’éloigner mais la distance d’avec sa famille le pèse. En 1914, la première guerre mondiale éclate. Amadou Hampâté Bâ montre alors comment cet événement a été perçu par les africains qui ne comprenaient pas vraiment pourquoi les « blancs-blancs » se faisaient la guerre entr’eux et ce que, eux, avaient à voir là-dedans. L’autre drame de l’époque est la grande famine qui sévit dans une grande partie du territoire. Des villages entiers sont dépeuplés et des destinées bouleversées.
Après avoir refusé d’entrer à l’école Normale de Gorée pour ne pas être séparé de sa mère, Amkoullel est envoyé en poste à Ouagadougou très loin de sa famille. Son expérience de l’administration coloniale et le reste de sa vie constituent le deuxième volume de ses mémoires.

J’ai véritablement adoré cette lecture très riche et instructive. Amadou Hampâté Bâ construit son récit à la manière d’un conte n’hésitant pas à y introduire des éléments du domaine du merveilleux relatifs à certaines croyances des ethnies qu’il rencontre. Il ordonne ses souvenirs autour d’événements et de personnages marquants, souvent liés à un lieu particulier. Il nous fait ainsi voyager avec lui à travers l’ancien Soudan français et le long de la boucle du Niger. On devient incollable sur la géographie de la région !
C’est aussi une lecture pleine de sagesse et d’enseignement, une plongée au sein d’une pluralité de cultures qui se retrouvent néanmoins autour de valeurs communes telles la solidarité, l’honneur, le respect et la tolérance.

Amadou Hampâté Bâ base son texte sur ses propres souvenirs mais aussi sur ceux de ses ancêtres, tous rapportés grâce à la tradition orale. Lorsque Nicolas Sarkozy affirmait que le continent africain n’avait pas d’histoire, il raisonnait avec une mentalité d’occidental qui veut que notre histoire soit transmise et étudiée exclusivement par l’écrit. En Afrique, le passé revit oralement de génération en génération et la culture locale se perpétue ainsi.

C’est donc dans la grande tradition des maîtres maliens qu’Amadou Hampâté Bâ transmet son héritage et celui de tout un peuple tout en embarquant le lecteur pour un fabuleux voyage riche en péripéties. Son talent de conteur est remarquable et envoûtant.

J’espère pouvoir bientôt ( enfin … bientôt … euh … disons dans un certain temps encore indéterminé) lire le 2ème volume ainsi que d’autres récits de cet homme admirable, tous devenus des classiques emblématiques de la littérature et de la culture africaine. Je ne peux que vous encourager à les découvrir vous aussi !


1ère lecture de mon challenge Afrique
comptant pour le Mali






lundi 17 mars 2014

Challenge Afrique



 Sur une idée d’une membre du forum auquel je participe, j’ai décidé de me lancer dans un challenge perso à la découverte de la littérature et du continent africains.
Mon objectif est de visiter le maximum de pays et donc le maximum d’auteurs. Je donnerai la priorité aux genres romanesques et autobiographiques ainsi qu’aux auteurs originaires des pays concernés. Cependant, je me réserve la possibilité de lire également quelques essais et pourquoi pas des récits d’auteurs occidentaux ( je pense en particulier aux explorateurs).
Je ne me fixe aucun délai ni aucune limite de temps. Je souhaite que ce voyage reste un plaisir et non une contrainte.
Je compléterai au fur et à mesure de mes lectures la liste ci-dessous et j’ai déjà inscrit quelques titres que j’ai prévu de lire. Pour certains pays, il me faudra faire des recherches et j’espère faire de belles découvertes. Si vous avez des suggestions à me faire, elles sont évidemment les bienvenues !
Pour ma première étape, j'ai choisi le Mali avec Amkoullel, l'enfant peul d'Amadou Hampatê Bâ.


Maroc

Algérie

Tunisie

Libye

Égypte

Sahara Occidental

Iles du Cap Vert

Mauritanie

Mali

Niger

Tchad

Soudan

Erythrée

Sénégal

Gambie

Guinée-Bissau

Guinée

Sierra Leone

Libéria

Côte d’Ivoire
Ahmadou Kourouma - En attendant le vote des bêtes sauvages

Burkina Faso

Ghana

Togo

Bénin

Cameroun
Leonora Miano - 

Nigéria
Sefi Atta - Le meilleur est à venir

République Centrafricaine

Ethiopie

Djibouti

Somalie

St Tomé et Principe

Guinée équatoriale

Gabon

Congo

République démocratique Congo
Alain Mabanckou – Verre cassé

Ouganda

Kenya

Burundi

Rwanda
Scholastique Mukasonga - 

Tanzanie

Angola

Zambie

Malawi

Namibie

Botswana

Zimbabwe

République des Seychelles

Mozambique

Madagascar

Afrique du Sud
Nelson Mandela - Un long chemin vers la liberté

Swaziland

Lesotho

dimanche 22 avril 2012

Noir Négoce - Olivier Merle



4ème de couverture :

Bercé par les récits des voyages de Bougainville, Jean-Baptiste Clertant vit à dix-huit ans un rêve éveillé : diplômé de la prestigieuse Ecole d’hydrographie du Havre, il s’apprête à embarquer pour la Guadeloupe comme second lieutenant à bord de l’Orion.
La traversée, qu’il espère formatrice et riche d’expériences, va faire grandir le jeune homme au-delà de tout ce qu’il pouvait imaginer. Car le deux-mâts qui l’accueille est un navire négrier. Et obéir aux ordres devient vite un cauchemar lorsqu’il faut côtoyer l’horreur.

Mon avis :

Il y a des romans qui vous marquent à vie par leur sujet, leur style et les émotions qu’ils vous procurent. Noir négoce est de ceux-là et je ressors de ma lecture totalement bouleversée.
Le sujet est dur, épineux et prête à polémique : la traite négrière.
A travers les yeux de Jean-Baptiste, Olivier Merle vous fait vivre le quotidien à bord d’un navire négrier, de son départ de France jusqu’en Afrique où il se procure sa « cargaison » puis vers la Guadeloupe, lieu de vente des esclaves contre des marchandises diverses avant le retour en France.

En embarquant à bord de l’Orion, le jeune homme ignore totalement la nature réelle du commerce auquel il va participer contre son gré mais contre lequel il va aussi se révolter. Peu à peu, le voile se lève et Jean-Baptiste prend conscience de l’infamie qui se déroule sous ses yeux. Parmi l’équipage, il trouvera des alliés mais aussi de fervents défenseurs du système esclavagiste. Olivier Merle résume dans la bouche de ses personnages les principaux arguments utilisés par les défenseurs de la traite et de l’esclavage de l’époque mais exprime aussi le point de vue de ses opposants. Cette bataille d’arguments ne peut laisser le lecteur de marbre et l’amène fortement à réfléchir sur le sujet. La solide documentation sur laquelle s’est appuyé Olivier Merle pour l’écriture de son roman le rend extrêmement riche d’enseignements. Tout est détaillé et rien n’est oublié : le contexte géopolitique de l’époque avec la concurrence à laquelle se livraient les pays européens pour le marché des esclaves, les descriptions de la présence coloniale sur place qui, en fait, ne tenait qu’à de petits forts incapables de se défendre et qui passaient de main en main, les modalités des tractations commerciales et des négociations entre le capitaine négrier et les représentants locaux, bien entendu les détails liés au transport des esclaves à bord du navire, les détails de leur vente, et enfin l’analyse de la société guadeloupéenne de l’époque, le tout appuyé des extraits des réglementations en vigueur à l’époque ( Code Noir etc…).

Ecrit à la première personne du singulier, ce roman implique son lecteur et le prend à témoin. Et non seulement l’auteur a travaillé le côté historique de son intrigue avec une grande rigueur mais il régale également son lecteur par ses talents de conteur et sa plume magistrale de laquelle sort un texte écrit dans une langue fine et posée qui représente bien l’époque sans assommer le lecteur de termes de vieux français et de tournures de phrases alambiquées.
Les personnages sont attachants, je pense principalement à Bonicart, le canonnier plein d’humanité et philosophe qui m’a beaucoup touchée, mais aussi à Mbagnik, l’esclave affranchi dont Jean-Baptiste parviendra à capter l’amitié. J’ai eu en horreur le lieutenant Criquot esclavagiste convaincu, foncièrement mauvais et cruel. Et je laisse les autres personnages à votre découverte.

Bien sûr, le roman ne s’arrête pas à ce que je viens d’exposer, il y a une intrigue dont je ne dévoilerai rien si ce n’est qu’elle m’aura fait verser de chaudes larmes. Je ne dirai pas si ces larmes étaient de joie ou de tristesse. Et si je fais ma mystérieuse, ce n’est pas pour rien mais pour vous encourager à lire ce roman magnifique dont je m’étonne de ne pas trouver plus souvent la trace sur la blogosphère.
Un grand merci et toute mon admiration à Olivier Merle pour son grand talent et ce bonheur de lecture qui, à défaut du navire, aura fait chavirer mon cœur de lectrice.

Note :
A la suite de ce roman, j’ai voulu aller plus loin dans le sujet et j’ai entamé la lecture de l’ouvrage d’Olivier Pétré-Grenouilleau Les traites négrières, ouvrage qui a fait couler beaucoup d’encre par certaines de ses affirmations qui prêtent à polémique. En dehors des dites affirmations « litigieuses », je retrouve dans cet essai nombre d’informations techniques données dans le roman d’Olivier Merle qui a sans doute du l’utiliser lors de ses recherches. J’ai tenu à souligner ce fait pour montrer à quel point le roman d’Olivier Merle est d’une grande justesse historique et qu’on peut s’y plonger sans la crainte d’y trouver des contre-vérités (ce qui est ma hantise lorsque je lis un roman historique).
Il est vrai qu’Olivier Merle donne, en fin d’ouvrage, la liste des auteurs qu’il a abordés durant ses recherches. Néanmoins j’aurais apprécié qu’il précise également les titres des ouvrages qu’il a consultés, je sais que la liste est longue mais au moins les plus importants m’auraient été utiles.