jeudi 19 janvier 2012

L'Empereur des Ming - Wu Han



4ème de couverture :

Au XIVème siècle, un certain Zhu Yuanzhang devint empereur de Chine. Il fonda une dynastie, celle des Ming, qui "éclaira" la Chine trois siècles durant.
C'est le destin de cet homme que fait revivre ici l'historien Wu Han, celui de ce gardien de troupeau qui devint chef de bande, puis généralissime des armées en lutte contre les troupes mongoles, avant de se proclamer empereur des Ming.
Trente et un ans de règne à force de massacres, de sadisme et de tortures: il inaugura l'un des régimes les plus tyranniques qu'ait connu la Chine. Conquérant ambitieux et cruel, il élimina ses ennemis : militaires, intellectuels, fonctionnaires, avant d'imposer un régime despotique et une politique de terreur dans toute la Chine.

Mon avis :

Je connais très mal l’Histoire de la Chine malgré plusieurs tentatives de m’y intéresser sérieusement, tentatives accompagnées de l’achat de quelques ouvrages sur le sujet. Je la savais très intéressante mais également très complexe. Ce livre de Han Wu traînait dans ma bibliothèque depuis un certain nombre d’années, il était temps que je l’en sorte.
Je pensais lire une biographie romancée mais il s’agit en fait d’une véritable biographie bien  qu’elle ne respecte pas les règles de rigueur dans tout travail historique ( notamment la nécessité de préciser ses sources ) mais ça a au moins le mérite d’alléger considérablement la lecture. Pensant qu’il était romancé, je m’étais dit que ce serait un moyen plus agréable de me replonger dans l’Histoire chinoise.
Pas de roman donc mais pas de déception non plus car cette biographie est claire et relativement bien écrite .

La première moitié du récit est consacrée à l’ascension de Zhu Yuanzhang. Han Wu nous explique ainsi comment le jeune homme de condition pauvre issu d’une famille de simples paysans parvint à s’emparer d’un immense territoire et à en faire son empire. Né sous le règne de la dynastie mongole des Yuan, Zhu Yuanzhang connaît la misère et les famines relatives à cette période. Il perd peu à peu toute sa famille. Menacé à son tour par la famine, il se réfugie dans un monastère qu’il quittera pour s’engager dans l’armée des Turbans Rouges, armée constituée de rebelles et paysans se révoltant contre le pouvoir en place.
Zhu Yuanzhang se montre brillant élément et peu à peu parvient à gravir la hiérarchie militaire.
Profitant de querelles internes, de ses précieux conseillers et de son sens de la stratégie, il réussit à éliminer tous ses adversaires et à se faire proclamer empereur d’un vaste territoire.
Cette première partie est finalement assez ennuyeuse puisque essentiellement tournée vers le récit de batailles. Je me suis un peu perdue entre les différents noms de villes, régions et chefs militaires.

La deuxième partie est beaucoup plus intéressante car dédiée au règne de l’empereur. Et là, je suis allée de stupéfaction en stupéfaction. Wu Han nous dresse le portrait d’un tyran sanguinaire et paranoïaque à nous glacer le sang, le tout appuyé de quelques exemples et anecdotes absolument incroyables. Zhu Yuanzhang tient absolument à ancrer sa dynastie et emploie tous les moyens pour ça : élimination de tous les opposants et de toute personne susceptible de le devenir, surveillance et contrôle étroit de toute la population. Tout le monde est épié et surveillé, chacun doit surveiller et rapporter tout ce que fait son voisin. Le système de gouvernement de l’empereur est basé sur la délation. Et il ne faut pas grand chose pour éveiller les soupçons. D’où le procès des mots. Un seul mot mal interprété et c’est la mort assurée. Avec l’empereur il n’y a pas de demi-mesure, c’est la vie sauve ou la mort … et c’est plus souvent la mort. Zhu Yuanzhang se complaît à inventer et à faire appliquer les pires supplices. Son obsession et sa certitude d’être entouré de comploteurs le conduit à réaliser de véritables purges. La mise en accusation d’un simple ministre conduit à l’exécution de plus de 80000 personnes.
Tout est codifié et régenté, ce que l’on doit faire, ce que l’on ne doit pas dire. Ce système de terreur forme de véritables machines humaines. J’en suis venue à me demander si la docilité du peuple chinois ne trouvait pas finalement son explication dans des siècles et des siècles de conditionnement.
J’ai donc beaucoup apprécié cette lecture très instructive et facile à lire car pas trop détaillée. Une première approche idéale.


dimanche 15 janvier 2012

Un bon musulman - Tahmima Anam



Quatrième de couverture :

Décembre 1971. La guerre de libération du Bangladesh vient de prendre fin.
A présent que le pays est indépendant, mille défis restent à relever, que Sohail Haque et sa soeur Maya, vont aborder de manières diamétralement opposées. Médecin engagé, Maya aide résolument les femmes à conquérir leur liberté. Quant à Sohail, extrêmement affecté par les traumatismes de la guerre, il s'enferme peu à peu dans la religion, un islam intolérant et sectaire qui l'éloigne de ses anciens amis d'université, de sa soeur et même de son propre fils.
Très perturbée par la métamorphose de son frère, auquel elle est profondément attachée, Maya quitte la maison de son enfance. A son retour, dix ans plus tard, le fossé s'est encore creusé. Lorsque Sohail décide d'envoyer son fils dans une madrasa, Maya se sent contrainte d'agir, quitte à provoquer le déclenchement, longtemps retardé, d'une inéluctable tragédie.
Histoire d'une famille et d'un pays guetté par le fondamentalisme à l'ombre persistante d'une guerre dont les blessures peinent à se refermer, Un bon musulman est une plongée aussi inédite que bouleversante au coeur même de l'intégrisme tel qu'il se vit, s'exprime ou se combat au quotidien, chez des hommes et des femmes de chair et de sang dont il confisque douloureusement le destin.

Mon avis :

C’est encore une pépite que nous proposent là les Editions Actes Sud à travers ce roman fort, bouleversant et dramatique.
Tahmima Anam nous fait vivre le destin d’une famille marquée par la guerre d’indépendance. Chacun tente à sa manière de panser ses blessures psychologiques. La décision de Sohail de se chercher réconfort dans la religion est très mal vécue par sa sœur Maya. Seulement Maya ignore beaucoup de choses. Son ignorance et son entêtement la conduiront à faire elle-même de mauvais choix. Le destin de cette famille est parsemée de drames et la tension psychologique s’accroit au fur et à mesure de la lecture.
Ce roman m’a permis de me pencher sur l’Histoire du Bangladesh et notamment sur la période de guerre qui a mené à l’indépendance. Il illustre très bien les tensions qui ont régné au sein de la population ne serait-ce que par l’exemple de Maya. Comment accepter que son frère s’enferme dans une religion qui est à la source de la guerre et a donc fait couler tant de sang et au nom de laquelle tant d’atrocités ont été commises ?
Peu à peu le dialogue entre le frère et la sœur devient impossible jusqu’à l’incident qui pousse Maya à s’enfuir pour un long exil de 7 ans. A son retour chez elle, elle reconnaît difficilement la maison de sa jeunesse pleine d’inconnues voilées de la tête aux pieds.
Le roman alterne entre les deux périodes essentielles de la vie de Maya : on la suit donc en 1971 au lendemain de la guerre guettant le retour de son frère du front, et en 1984 à son retour après ses 7 années d’absence.
Cette construction est habilement menée, cette alternance permet au fur et à mesure la mise en place des pièces du puzzle et tout s’éclaircit progressivement tout en montant en intensité.
L’auteur parvient avec justesse à nous faire ressentir les émotions de Maya, son impuissance et son sentiment de révolte face à la rigidité et la froideur de son frère, son combat pour faire condamner les criminels de guerre impunis ainsi que les traumatismes de toute une population.
J’ai adoré cette plongée dans un Bangladesh torturé et en quête d’identité. Ce roman m’a beaucoup touchée, parfois horrifiée. J’espère seulement qu’il ne servira pas à alimenter le débat islamophobe. L’Islam n’est pas celui décrit dans ce livre et je souhaite que les lecteurs fassent bien la part des choses.
Je ressors donc de cette lecture perturbée et troublée par son intensité dramatique. Bien qu’à présent je sache pourquoi Sohail s’est réfugié dans une version trop stricte de la religion, son comportement demeure pour moi inexplicable. Je ne peux malheureusement vous en exposer les raisons sans spoiler. Mais je répondrais volontiers à toute sollicitation de lecteurs.
Un coup de cœur donc que je dois encore aux Editions Actes Sud qui, en plus de nous offrir de si beaux récits, s’appliquent à faire de leurs livres de très beaux objets.
Ce roman serait le deuxième volet d’une trilogie, ce que j’ignorais avant de débuter ma lecture. Mais sachez que cela ne la gêne en rien. En tout cas, je vais partir en quête du premier volet et attendrai avec impatience la sortie du troisième.

mercredi 11 janvier 2012

Jane Eyre - Charlotte Brontë



4ème de couverture :

Le destin dramatique de Charlotte Brontë transparaît dans l'histoire de son héroïne Jane Eyre, en rupture avec le puritanisme victorien de son époque.
Orpheline maltraitée, sans fortune et sans beauté, Jane entre comme gouvernante au manoir de Thornfield, pour s'éprendre du ténébreux Rochester, le maître des lieux. Entraînés par une passion sensuelle et une égale exigence morale, ils envisagent bientôt le mariage. Mais une présence mystérieuse hante ce domaine perdu entre landes et bruyères. Qui est cette femme, cette « folle » recluse dans une mansarde de Thornfield, qui menace leur union ?
En plein XIXe siècle, dans l'Angleterre victorienne qui voit s'éteindre les sombres lumières du roman gothique et s'étioler les vapeurs du spleen romantique, Charlotte Brontë incarne l'audacieux combat des femmes prêtes à se battre pour leur indépendance et leur liberté.

Mon avis (riche en spoiler donc attention !) :

Il est mitigé, partagé en deux car autant j’ai adoré la première moitié, autant j’ai détesté la seconde. Je m’explique :
Toute la première partie du roman consacrée à l’enfance de Jane m’a beaucoup plu. J’ai adoré voir cette enfant se rebeller contre son ignoble tante, j’ai adoré la voir tenir bon au pensionnat de Lowood. Et puis à partir de son arrivée à Thornfield, ça ne va plus. Je n’ai pas été touchée par cette histoire d’amour entre Jane et Rochester. J’ai trouvé les débordements d’affection de Rochester à la limite du ridicule et, à l’inverse, Jane m’a paru beaucoup plus froide. Malgré ce que Charlotte Brontë pouvait écrire, je n’y ai pas cru. Et puis ensuite, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, la fuite de Jane. Comment peut-on délibérément quitter un homme qu’on aime et qui nous aime passionnément ? Tout ça pour une question de dignité ou d’honneur ?
Alors oui je sais, c’est à replacer dans le contexte et la mentalité de l’époque mais vraiment j’ai haï Jane d’avoir fait ça. Et le pire c’est qu’à aucun moment elle regrette d’avoir agi ainsi ! Elle a brisé un homme et elle ne se sent même pas coupable ! Il y a un passage vers la fin qui m’a franchement choquée où c’est limite si elle ne le traite pas de vieux débris, mais où est l’amour là-dedans ? Tout ce que Charlotte Brontë a pu ajouter de mièvrerie ensuite n’a pas effacé pour moi ce passage-là. Et personne ne lui en veut, personne ne lui reproche rien. Je pensais que les domestiques allaient l’accueillir froidement mais non … rien ! Pour moi, c’est incompréhensible !
Bon et ensuite que de coïncidences ! Jane recueillie comme par hasard par ses cousins … Et le coup de l’oncle, je l’avais vu venir bien longtemps avant. Le comble lorsque Charlotte Brontë estime nécessaire d’expliquer le tout à son « Lecteur » parce que oui le lecteur est un demeuré il n’avait pas compris tout seul !
Autre chose qui m’a choquée : l’attitude de Rochester à l’égard de sa première femme. Elle est folle d’accord mais c’est une maladie, elle n’y est pour rien la pauvre femme ! Cela illustre bien la place qui était accordée aux aliénés mentaux au XIXème siècle !
Quant au personnage de Saint-John, en voilà un qui m’a laissée perplexe. Tout comme Jane je n’ai pas compris son obstination à vouloir se marier surtout s’il n’était pas amoureux et que le mariage n’était vraiment pas indispensable.
Donc voilà, c’est dommage car j’avais bien aimé le fait que ce roman se situe à la frontière entre le gothique et le romantique. Les éléments fantastiques qu’on y trouve donnent du piment au récit sans être trop farfelus. L’atmosphère de mystère créée autour de Grace Poole et de Berthe Mason est intelligemment travaillée.
Mais sinon, je suis complètement passée à côté de ce roman. J’avais adoré Les Hauts de Hurlevent que j’avais trouvé extrêmement fort et juste au niveau du rendu des sentiments et des émotions mais ça n’a pas du tout été le cas ici.
Je note quand même que j’ai été agréablement surprise par le ton et le style légers de Charlotte Brontë, ce qui étonne toujours quand on lit un classique.
Je remercie Arcaalea d’avoir organisé cette LC et de m’avoir permis de combler une lacune de ma culture littéraire.


mardi 10 janvier 2012

Suite(s) impériale(s) - Bret Easton Ellis



Cette fois-ci pas de résumé ni de 4ème de couverture.
Suite(s) impériale(s) c’est la suite de Moins que zéro. On retrouve donc Clay, devenu écrivain, et quelques-uns de ses amis 20 ans après et toujours dans la Cité des Anges.
Je suis un peu déçue par cette suite. Elle n’a pas du tout la puissance d’évocation qu’avait Moins que zéro. La forme, le style sont différents. C’est un peu normal me direz-vous, Moins que zéro était le premier roman de BEE et cette suite a été écrite 20 ans après, l’écrivain a mûri, son style évolué.
Ceux qui s’étaient ennuyés en lisant Moins que zéro ont certainement dû prendre plus de plaisir à la lecture de celui-ci. Plus rythmé, plus haletant, le roman est construit comme un thriller. Certains ont crié au scandale quant à certaines scènes jugées choquantes. Ceux-là n’ont pas dû lire American Psycho et je leur en déconseille donc fortement la lecture car Suite(s) Impériales(s) à côté c’est Disneyland.
Je ne sais pas quoi dire d’autre, peut-être n’aurai-je pas du enchaîner les deux livres ainsi et laisser un peu de temps s’écouler entre les deux.
Je pense que je suis passée à côté, j’en suis même certaine car je n’avais pas vraiment focalisé sur le narcissisme de Clay comme l’explique BEE dans cette vidéo.
En fait, je m’attendais à ce que Clay franchisse la ligne et qu’il devienne une sorte de Patrick Bateman et ce n’est pas le cas. Certes, il n’est pas un ange non plus mais voilà, j’imaginais à tort une sorte de American Psycho nouvelle version. Finalement, ce que BEE a fait est beaucoup plus intelligent que ce que moi j’avais imaginé mais vous savez ce que c’est, quand on se fait un film et que la réalité est toute autre …

samedi 7 janvier 2012

Moins que zéro - Bret Easton Ellis



4ème de couverture :

Clay, jeune étudiant sur la côte Est, revient à Los Angeles pour les vacances de Noël. Fils de bonne famille, il a tout pour être heureux : l’argent, les filles, l’accès à tous les plaisirs de la vie…et pourtant il est désabusé. Pendant quatre semaines, il va errer avec ses amis de fêtes luxueuses en boîtes de nuit branchées, s’enivrant de sensations fortes, consumant sa vie par les deux bouts… Mais il constate amèrement que rien ne peut masquer le mal-être propre à sa génération qui a déjà tout …mais qui ne se satisfait de rien.

Mon avis :

Beaucoup de personnes n’ont pas aimé ce livre. Et c’est vrai qu’avec Bret Easton Ellis, on aime ou on déteste, difficile d’avoir un avis mitigé. En ce qui me concerne j’ai aimé. J’ai aimé car ce livre m’a conforté dans ma conviction que l’argent ne fait pas le bonheur. J’ai aimé car, tout au long de ma lecture, je me suis rendue compte que ma vie à moi, aussi plate et insignifiante soit-elle, est tout simplement géniale et que je suis une grande chanceuse.

Clay est ce que l’on appelle un « gosse de riche », ses parents sont extrêmement fortunés, il ne manque de rien. Il a 18 ans, il a tout, peut tout faire, et pourtant il ne vit pas.
Son monde se résume aux sorties, en boîte, au cinéma, dans des bars, à des soirées people. Son entourage se compose de parents divorcés, de deux sœurs frivoles, et de ses amis. Enfin … peut-on vraiment parler d’amis ? Ils sont bien sûr du même milieu que Clay, sont livrés à eux-mêmes par des parents absents qui les ignorent, passent leur temps aux mêmes activités, se droguent, dealent et s’envoient en l’air avec tout ce qui bouge.

Tous les personnages que l’on croise dans ce roman se ressemblent : cheveux blonds coupés court, bronzage. Il y a beaucoup de personnages et j’ai eu parfois des difficultés à me remémorer qui était qui. Et puis il y a cette atmosphère lourde, pesante et malsaine. Il fait chaud en Californie, Clay souffre de cette chaleur, BEE insiste beaucoup sur ce détail et fait de nombreuses allusions au feu ou à des incendies faisant ainsi rapprocher le décor qu’il construit à l’Enfer lui-même : les petits-anges blonds qui ont tout pour réussir se retrouvent déchus et se débattent dans les flammes de la géhenne. Et le pire c’est que Clay a parfaitement conscience de tout ça, il l’avoue lui-même, il ne souhaite plus rien, ne s’intéresse à rien, n’a envie de rien, comme s’il avait baissé les bras et ne pouvait plus que se contenter de subir et de rester passif.

Certaines scènes sont un peu dures et choquantes, d’autres assez étranges. BEE parvient avec talent à décrire et à transmettre au lecteur ce désarroi et ce mal-être. Je me suis sentie aussi mal que Clay à certains endroits et j’avoue avoir ressenti de la pitié pour lui même si je me suis parfois interrogée à son sujet, notamment sur sa manie qu’il avait, plus jeune, de collectionner les articles de faits divers violents et sanglants. Je m’attendais alors à chaque instant à un dérapage, à ce qu’il franchisse la ligne mais au contraire, quand l’occasion se présente il refuse. J’ai donc eu tendance à mettre ça sur le compte de l’adolescence et de l’inévitable attrait que constitue parfois ce genre de choses pour les ados.

Ne lisez pas ce livre si vous voulez de l’aventure et des tas de rebondissements. Non, ce n’est pas ce genre de romans là. Certains se sont ennuyés, je peux les comprendre. Mais c’est justement l’axe de ce roman : l’ennui. Clay s’ennuie, ne trouve aucun sens à sa vie. Je l’ai déjà dit , il peut tout avoir et tout faire sauf qu’il ne peut pas rêver, il ne peut pas avoir d’objectifs, de projets, il sait d’avance qu’il lui suffit de s’y mettre pour réussir. Comment concevoir son existence sans lui donner un sens ? Ce qui finalement nous fait avancer et lever chaque matin n’est-il justement pas le fait que l’on a des défis à relever, des buts à atteindre ?
Mais à ces jeunes-là, ces anges blonds, que leur reste-t-il ? Si ce n’est la découverte de sensations fortes : la drogue d’abord, le sexe jusqu’au viol et la prostitution, la fascination pour un cadavre trouvé dans une ruelle …
Moins que zéro : en-dessous du niveau zéro le monde des enfers.
Moins que zéro : la température dans l’espace, dans le vide interstellaire.
Moins que zéro : le récit du vide de l’existence et de l’enfer sur Terre.

Quelques mots sur le style : un style clair, précis mais efficace parfois cru. BEE donne dans le détail c’est-à-dire qu’il raconte chaque geste que fait Clay (pas systématiquement non plus je vous rassure) mais à certains passages ça m’a marqué. Comme si BEE voulait ainsi combler le vide de l’existence de Clay. Les dialogues aussi m’ont surprise. Là où on pourrait voir des répliques inutiles, j’ai trouvé qu’au contraire BEE parvenait à nous retranscrire les dialogues tels qu’ils auraient réellement pu avoir lieu. Des platitudes, là encore pour combler le silence, le vide.

Aussitôt après avoir terminé ma lecture de ce livre, j’ai couru à la librairie me procurer la suite : Suite(s) impériale(s). J’ai hâte de voir ce qu’est devenu Clay.
Alors je vous laisse momentanément et vous donne rendez-vous très bientôt.

jeudi 5 janvier 2012

Seul dans le noir - Paul Auster



4ème de couverture :

 Contraint à l’immobilité par un accident de voiture, August Brill, critique littéraire à la retraite, s’est installé dans le Vermont chez sa fille Miriam, qui ne se remet pas d’ un divorce  vieux de cinq ans. Elle vient de recueillir sa propre fille, Katya, anéantie par la mort en Irak d’un jeune homme parti pour Bagdad juste après leur rupture…
 Pour échapper aux inquiétudes du présent et au poids des souvenirs, peu glorieux, qui l’assaillent, Brill se réfugie dans des fictions diverses dont il agrémente ses innombrables insomnies. Cette nuit-là, il met en scène un monde parallèle où le 11 Septembre n’aurait pas eu lieu et où l’Amérique ne serait pas en guerre contre l’Irak mais en proie à une impitoyable guerre civile. Tandis que la nuit avance, imagination et réalité en viennent peu à peu à s’interpénétrer comme pour interroger la responsabilité de l’individu vis-à-vis de sa propre existence et vis-à-vis de l’Histoire. Allégorie puissante et inspirée, Seul dans le noir établit un lien entre les désarrois de la conscience américaine contemporaine et le questionnement de Paul Auster quant à l’étrangeté des chemins qu’emprunte l’invention romanesque.

Mon avis :

Comme on dit « jamais deux sans trois » je m’attendais à un troisième coup de cœur. Eh bien non, c’est raté. Enfin je ne dis pas que je n’ai pas aimé mais j’ai été déçue.

Pourtant ça partait très bien. J’ai retrouvé pour un temps le Paul Auster que j’ai aimé dans mes deux précédentes lectures, son talent de conteur, sa façon de surprendre le lecteur et de toujours trouver ce petit quelque chose d’original qui fait que je n’arrive plus à me séparer de mon livre et surtout ce procédé d'histoire dans l'histoire. Tout ça je l’ai bien retrouvé à la lecture des deux premiers tiers du roman, c’est-à-dire la partie où August, seul dans sa chambre plongée dans l’obscurité, imagine une histoire, un monde parallèle au nôtre et un personnage qui fait la navette entre les deux mondes au point qu’on se demande si la fiction ne va pas prendre le dessus sur le réel et où, encore une fois, on laisse libre cours à son imagination. Voilà, c’est ça que j’aime chez Auster, sa capacité à nous faire participer à l’effort de création en même temps que lui (enfin là je parle pour moi notamment, je ne sais pas si c’est le cas pour tout le monde). Mais quand je le lis, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer une suite probable ou de nouvelles péripéties. Bref je construis ma propre histoire dans ma tête. Et ce qui m’a étonnée avec Seul dans le noir, c’est que d’habitude, Auster laisse son récit en suspens or que là pas du tout. Ce qui fait que là où précédemment je pouvais rester avec mes suppositions, mes hypothèses et ma suite imaginaire, ici je n’ai pas pu car Auster nous sert une fin à cette histoire imaginée par Brill et une fin à laquelle je ne m’attendais absolument pas. J’ai été bluffée !

Mais le soufflé n’a pas tenu car le tiers restant du livre m’a déçue.
Cette partie est consacrée à August Brill et à sa vie, notamment les malheurs qui ont frappé ses proches. Il nous rapporte également trois petites histoires qui lui avaient été contées par des amis. On retrouve tout au long du livre et à travers ces petites histoires la guerre comme thème récurrent : d’abord la guerre civile dans l’histoire imaginée par August, les différentes guerres dans lesquelles sont intervenus les USA à travers la vie d’August (bien qu’il n’ait participé à aucune d’entre elles), la seconde guerre mondiale et la guerre froide à travers les petites histoires, et bien sûr la guerre en Irak. On sent également une certaine critique à l’égard de la politique belliciste de George W.Bush.
Et puis on retrouve aussi de nombreux éléments biographiques de Paul Auster : le divorce, le séjour en France, le fait qu’Auster ait échappé à la guerre du Viêt-Nam comme Brill, le base-ball, le cinéma etc…
De plus, August Brill est handicapé, victime d’un accident de voiture, il a perdu l’usage d’une de ses jambes. Si je me souviens bien, le personnage principal de La nuit de l’oracle aussi a été victime d’un accident. Pourtant je n’arrive pas à trouver dans la biographie d’Auster d’éléments se rapportant à un accident. Et je n’arrive pas à penser qu’il s’agisse d’une coïncidence.
Pour conclure, ce fut une lecture agréable et enthousiasmante pour une partie, décevante pour l’autre car trop « banale » à mon goût. J’aime quand Auster me surprend et m’envoie dans des directions toujours plus inventives et originales. Alors quand il fait dans le « classique » et qu’il met de côté cette recette qui me fait tant saliver, forcément je suis déçue.
J’ai d’ailleurs cru comprendre, en lisant certaines critiques, que Brooklyn Follies était justement un livre plus « traditionnel » , ce qui me fait hésiter à le lire.
Mais la question ne se pose pas pour l’instant car le prochain Auster sur la liste est Le voyage d’Anna Blume. En espérant y retrouver le Auster que j’aime …