dimanche 3 février 2013

Lawrence d'Arabie - Michel Renouard



Mes parents étant « fatigués de voir toujours les mêmes vieux clous à la télé », je suis passée à côté de nombreux films cultes dont le célèbre « Lawrence d’Arabie » avec Peter O’Toole et Omar Shariff. De l’homme en question, je ne savais pratiquement rien si ce n’est qu’il avait dirigé la révolte arabe contre l’empire ottoman pendant la première guerre mondiale. J’ai heureusement eu l’occasion d’en apprendre plus grâce à cette biographie par Michel Renouard.

Résumé de la biographie en quelques lignes ( passez à la prochaine ligne en bleu si vous ne souhaitez pas le lire)

Thomas Edward Lawrence méritait effectivement un film tellement sa vie est hors du commun et lui-même était un personnage hors-norme. Par sa famille déjà, il est issu de l’amour interdit entre son père et une gouvernante, il héritera d’ailleurs du patronyme de son grand-père maternel ( son père était un Chapman). Thomas Edward aura une enfance nomade puisque sa famille déménagera à de nombreuses reprises. Plus tard, il gardera son goût des voyages, fera le tour de la France en bicyclette pour en visiter et dessiner les châteaux forts, parcourra la Syrie seul et par ses propres moyens. Brillant étudiant, Lawrence est un surdoué, il est passionné d’Histoire, de littérature, de langues, de dessin, de photographie, de mécanique et de vitesse. Seulement il est allergique à toute discipline et toute forme de règlement. C’est un solitaire qui aimerait vivre retiré du monde à tel point qu’il en aura le projet de fonder une abbaye et que, plus tard, il décidera de s’engager dans la RAF pour y vivre dans son cocon militaire à l’abri du monde extérieur.

Il est bien vite repéré pour ses capacités par celui qui sera son mentor et auquel il devra son avenir : David George Hogarth brillant archéologue mais aussi agent de renseignement au service de Sa Majesté. Voilà Lawrence envoyé en Turquie sur le site hittite de Karkemish afin d’y procéder à des fouilles. Comme par hasard, tout proche du site, les turcs s’activent à la construction d’une voie ferrée permettant de relier Berlin à Bagdad. Plus tard, c’est en Egypte que Lawrence est envoyé chargé d’effectuer des relevés topographiques.

D’agent de renseignement, il devient leader de la révolte arabe. Doué en psychologie, il s’entoure des meilleurs : Fayçal, le fils du roi Hussein, mais aussi Jaafar Pacha et Auda Abu Tayi qui seront ses meilleurs chefs militaires. Lawrence parvient à fédérer les nombreuses tribus arabes dont certaines sont pourtant en guerre depuis des siècles et pour cela, il en paie parfois le prix fort contraint d’arbitrer les querelles et de prendre des mesures extrêmes. Lawrence et ses compagnons s’illustrent par leurs faits d’armes : bataille du rail, prise d’Aqaba. Malheureusement ils échouent à Deera où Lawrence est fait prisonnier par les Turcs, torturé et violé. Cet épisode restera pour lui un traumatisme. Jérusalem tombe aux mains des britanniques puis toute la Syrie. La main mise britannique sur cet espace est une réussite et Lawrence en est l’un des principaux responsables.

La première guerre mondiale terminée, l’empire ottoman est démembré, Lawrence est accueilli en héros par les plus grands noms de la politique anglaise dont le roi George V. Mais Lawrence refusera d’être anobli et décoré. Il préfère intégrer la RAF mais incognito en tant que simple soldat. Il se verra confier d’autres missions ( même en Inde) jusqu’à son retour définitif sur le sol britannique où il travaillera à la rédaction de plusieurs ouvrages dont le plus célèbre Les sept piliers de la sagesse , œuvre autobiographique, mais aussi La matrice, ouvrage sur les débuts de la RAF, grâce à sa maîtrise du grec ancien il sera chargé également de traduire L’Odyssée.
Un tragique accident de moto privera l’empire d’un de ses plus brillants sujets.

Fin du résumé

J’avoue avoir été sous le charme de cet incroyable personnage qu’était Thomas Edward Lawrence avec lequel je me suis trouvée des points communs. Je ne reviendrais pas sur les accusations d’homosexualité ou de masochisme que je trouve fondées sur du vent. Certes, Lawrence avait un rapport particulier au corps qu’il détestait, préférant s’en détacher, il aurait aimé se résumer à une entité purement spirituelle.
Volontiers provocateur, il n’en faisait qu’à sa tête et se moquait éperdument de la hiérarchie. Petit exemple :

« Louis Massignon ajoute : « Ayant une grande cour à traverser sous les yeux des officiers, je fis signe à Lawrence de rattacher sa patte d’épaule gauche :  « Pensez-vous que j’aie pour ces gens la moindre considération ? » dit-il ; et il fit à ce moment-là, le geste d’ouvrir son pantalon pour uriner face à l’état-major. »


C’est un magnifique ouvrage que nous propose Michel Renouard. Le style est limpide, agréable, non sans humour. Le récit est truffé d’anecdotes croustillantes tant concernant notre sujet principal mais aussi sur plein d’autres sujets. On apprend par exemple que Lewis Carroll avait un loisir que la morale réprouve, que Auda Abu Rayi cassa volontairement son dentier ( de fabrication turque) pour le remplacer par un dentier britannique, que le frère de Thomas Edward ( réputé pour sa grande beauté) a servi de modèle pour une statue exécutée par l’épouse du célèbre explorateur Robert Scott, que le petit-fils d’Abdel Kader ( oui oui celui qui résista contre les français en Algérie) était un traître et bien d’autres choses encore.

Michel Renouard parvient à retracer brillamment le contexte géopolitique, pourtant très complexe, ainsi que les enjeux de pouvoir entre les grandes puissances occidentales mais aussi toute l’ambiance de cette époque : on y croise les plus grands écrivains, hommes politiques et autres personnages emblématiques de l’empire britannique.

Il base son travail sur une abondante bibliographie ( que l’on retrouve en fin de volume) et cite intelligemment Lawrence lui-même à travers des extraits des Sept piliers de la sagesse.
Il revient sur la construction du mythe autour de Lawrence, nous explique le rôle des journalistes dans la naissance de cette légende et démontre finalement que Thomas Edward n’était pas le « Lawrence d’Arabie » image fabriquée par les médias et le cinéma.

Autre plus de cet ouvrage : une chronologie récapitulative ainsi que de nombreuses photos, certaines prises par Lawrence lui-même.
Seul bémol : l’absence de cartes qui auraient vraiment été très utiles.

J’ai appris énormément grâce à ce livre qui rend un bel hommage en toute objectivité à cet homme exceptionnel qu’était Thomas Edward Lawrence. Moi qui suis un peu frileuse face aux biographies que je trouve généralement trop austères, noyées dans des détails et des notes de bas de pages, celle-ci fait exception par sa clarté et sa grande fluidité de lecture. Je vous la recommande chaudement.

Un grand merci au forum Livraddict ainsi qu'aux Editions Folio pour ce partenariat très enrichissant.

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