mercredi 24 août 2011

Bienvenue à Oakland - Eric Miles Williamson



Voilà une lecture dont on ne sort pas indemne.
Bienvenue à Oakland est un livre qui dérange, qui parle cru, qui vous pend par les pieds et vous secoue comme un prunier, qui vous gifle toutes les 10 pages, vous insulte, vous malmène, vous fait culpabiliser, bref c’est un de ces romans anti-conformistes, provocateurs, politiquement incorrects. Si vous avez l’âme sensible et une tendance à la susceptibilité, passez votre chemin.
Bienvenue à Oakland c’est l’envers du décor, le négatif de l’American Dream, l’opposé de la jolie petite banlieue bien propre à la Desperate Housewives.
Bienvenue à Oakland c’est le contrepied des séries américaines qui envahissent notre petit écran, ces séries qui puent le consumérisme et le matérialisme bourgeois, qui font rêver les prolos avec de belles baraques et de belles bagnoles qu’ils ne pourront jamais s’offrir.
Bienvenue à Oakland c’est un coup de gueule, un cri de guerre contre ces bobos qui se pavanent dans leur petit confort bien tranquille pendant que d’autres pourrissent dans la crasse et triment comme des malades pour rembourser leurs dettes et avoir un toit au-dessus de leur tête.
Bienvenue à Oakland c’est une plongée dans la misère, dans les quartiers pauvres de la banlieue de San Francisco, ces quartiers où il ne fait pas bon se promener seul, ces quartiers qu’on ne voit jamais à la télé parce que c’est la honte, c’est pas beau, ça pue et c’est pas vendeur.
C’est T-Bird Murphy qui nous souhaite la bienvenue et qui nous sert de guide dans ce Oakland de la misère. Il nous raconte son enfance, entre une mère indigne qui passe son temps à taper sur ses gosses et à s’enfiler les mecs du quartier, un père qui n’est pas vraiment son père mais qui le prend sous sa protection tout en étant dur avec lui ( bah oui c’est pas son vrai fils alors faut pas pousser non plus), les petits boulots à travers lesquels il fait l’expérience des patrons pourris et la violence ambiante avec guerre des gangs, guerre des races, lutte des classes.
Oakland c’est la merde. Oui mais une belle merde, une belle merde dans laquelle tous pataugent et qui les unit, qui les rend solidaires. Il suffit de voir le sort réservé à FatDaddy Slattern par ses voisins, FatDaddy Slattern qui a trahi, qui a voulu se distinguer des autres, se croire au-dessus du lot.
Ce roman est d’une profonde noirceur mais pourtant j’ai ri. Et pour que je rie en lisant il en faut vraiment. Autant dire que ça ne m’arrive quasiment jamais, au plus j’esquisse un sourire et c’est tout. Mais là, non, j’ai ri, vraiment ! Comment rester de marbre face au personnage de Jorg et son terrible « Adresse » ? Ou encore lorsque T-Bird et son pote Ben encastrent leur voiture dans une baraque ? Et tout ça raconté dans ce style cru, ce langage fleuri que nous sert Eric Miles Williamson. Car oui, vous allez avoir votre dose de « gros mots » et vous allez vous-même en prendre pour votre grade. C’est bien la première fois que je me fais insulter par un livre !
Eric Miles Williamson ne fait effectivement pas dans la dentelle et si vous le lui reprochez voilà ce qu’il pourrait vous répondre :

« Ce dont on a besoin, c’est d’une littérature imparfaite, d’une littérature qui ne tente pas de donner de l’ordre au chaos de l’existence, mais qui, au lieu de cela, essaie de représenter ce chaos en se servant du chaos, dans une littérature qui hurle à l’anarchie, apporte de l’anarchie, qui encourage, nourrit et révèle la folie qu’est véritablement l’existence […].
Tu veux du parfait ? T’as qu’à lire les putains de bouquins de quelqu’un d’autre. Ce bouquin, si je le fais bien, sera tout sauf paaarrrfait. Je ne veux pas qu’après avoir tourné la dernière page tu t’étires sur ta chaise longue hors de prix avec un soupir plein d’autosatisfaction[…]. »

Vous voyez ? T-Bird s’adresse directement à vous, vous prend à partie, enfin … T-Bird ou Eric Miles Williamson ? Difficile de faire la part entre les deux voix. II semblerait bien que le livre contienne des éléments autobiographiques, ce qui ne peut qu’ajouter au réalisme du milieu décrit.
Mais tout de même, un bémol : quelle image de la femme ! Vénale, matérialiste, égoïste, faignante, négligée, de petite vertu … Pffffiou, ça sent le mâle misogyne qui a eu de mauvaises expériences… oups, j’avais bien dit de ne pas être susceptible ….

Alors voilà, Bienvenue à Oakland est une bombe qui explose selon le lecteur ou pas, un OVNI littéraire, un bouquin inclassable, hors norme, unique. Je n’avais encore rien lu de tel. On adore ou on déteste.
Moi qui aime les écrits engagés et enragés, je ne pouvais pas faire autrement qu’adorer et même j’en redemande.
Merci M. Williamson et merci au traducteur qui a fait un beau travail et enfin mille mercis à Newsbook et aux Editions Fayard de m’avoir offert ce partenariat et de m’avoir ainsi permis de découvrir une pépite.

D'autres avis : celui de Plume,  de Catherine, de Valeriane, de Bene


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire