mardi 22 janvier 2013

Illusions Perdues - Honoré de Balzac



Ce roman est d’une richesse incroyable, il nous brosse un tableau des plus précis de la vie aussi bien parisienne que provinciale au tout début du XIX ème siècle.
Balzac tire à boulets rouges sur la presse, le monde du spectacle, la banque, la justice et les tout débuts du système capitaliste. Et encore une fois, à travers des personnages magnifiquement bien campés, il expose aux yeux du lecteur toute l’étendue des bassesses dont l’homme est capable.
A travers le personnage de Lucien et ceux de sa famille, il illustre la question de l’ascension sociale à cette époque et nous en montre les redoutables obstacles.

Le roman se compose de 3 parties (selon mon découpage personnel). La première présente la famille de Lucien, son environnement provincial et relate son introduction dans la haute société angoumoisine. Dans la deuxième partie, Lucien vise plus haut encore et débarque dans ce Paris qui le fait tant rêver et lui semble si prometteur mais qui ne sera pour lui que désillusions. Dans la troisième partie, c’est le retour à Angoulême avec une plongée dans les affaires de la petite imprimerie familiale aux prises avec ses concurrents et l’espionnage industriel.

Ce qui rend ce roman extrêmement réaliste et vivant, c’est que Balzac s’est inspiré de sa propre expérience et qu’il y parle de ses propres désillusions. Comment ne pas faire le rapprochement entre l’auteur et Lucien qui souhaite à tout prix devenir un écrivain reconnu et qui se heurte à un milieu difficile, fermé et surtout soumis au bon-vouloir de la presse ? Même chose lorsque Lucien embrasse la profession de journaliste.
Bref on sent que Balzac maîtrise à fond son sujet nous offrant des pages incroyablement détaillées sur le monde de l’imprimerie, de la banque et de la justice ( il y est même allé un peu fort là, je n’ai rien compris du tout …)
Plus que ça encore, Balzac était quand même plutôt visionnaire. C’est incroyable de constater qu’au tout début du XIXème siècle, il a pu sentir la dimension que prendrait le pouvoir de la presse et ses propos sonnent de façon très actuelle :

« Le Journal au lieu d’être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis ; de moyen, il s’est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l’on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S’il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n’est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. »

L’intrigue est magistralement menée du début à la fin, on va de rebondissements en rebondissements, on s’apitoie sur le pauvre Lucien pour mieux pester contre lui quelques pages plus loin.
Les personnages de Balzac sont véritablement représentatifs de la nature humaine, aucun n’est tout blanc ou tout noir, on les voit changer, évoluer, se comporter différemment en fonction de leur situation.
On retrouve aussi de vieilles connaissances rencontrées dans Le Père Goriot ou La Duchesse de Langeais et on réalise qu’on s’est probablement mépris sur certains d’entre eux ( n’est-ce pas Eugène ?). Une surprise attend le lecteur à la fin ( d’où l’intérêt de lire  Le Père Goriot avant) et qui me rend impatiente de savoir ce qu’il adviendra dans Splendeur et misère des courtisanes.

Beaucoup de thèmes sont donc abordés à travers ce roman qui constitue apparemment une sorte de concentré de ce que Balzac a pu écrire dans ses autres textes. Autant dire qu’on y trouve de tout et qu’on ne peut absolument pas s’ennuyer : amours déçus, trahisons, célébrité, déchéance, misère, jalousies en tout genre, égoïsme, amour familial, amitié, pardon, chantage, passion, fièvre et acharnement du chercheur et j’en oublie !
J’ai aussi adoré les descriptions de Paris ( celle de la Galerie des Bois ) où vraiment Balzac retranscrit l’atmosphère, l’ambiance du lieu à un point qu’on s’y croirait.

Voilà, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus sans trop en dévoiler. J’avais très peur de me lancer dans cette lecture, je m’imaginais un sujet plutôt austère et le nombre de pages m’intimidait aussi. Mais je suis ô combien heureuse d’avoir tenté l’aventure tout de même car Illusions perdues est, pour l’instant, le meilleur classique qu’il m’ait été donné de lire.



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