vendredi 20 juillet 2012

Du côté de chez Swann - Marcel Proust



J’ai mis longtemps à me décider à me lancer dans Proust. Evidemment, la réputation d’un style difficile qu’on lui attribue y était pour beaucoup dans mes réticences.
Et puis Marie s’est lancée le défi de relire toute la Recherche et j’ai décidé de l’accompagner, à la différence que, pour moi, il s’agissait d’une complète découverte.
Après m’être renseignée sur comment aborder le premier volume de cette œuvre « difficile », j’ai pris l’initiative de ne pas lire les trois parties dans l’ordre de présentation mais de commencer par la 2ème partie intitulée « Un amour de Swann » .

Pourquoi commencer par là ?
Tout simplement parce que j’ai pu lire que ce récit était le plus célèbre et le plus étudié de ce premier tome de la Recherche et aussi voire surtout, parce qu’il y est question de jalousie amoureuse. Moi qui suis d’une jalousie et d’une possessivité maladive, je voulais voir comment Proust traitait le sujet.
Et j’ai donc découvert certes un style assez lourd au premier abord mais auquel on finit par s’habituer y trouvant même une certaine musicalité. Le récit est parfois plein d’humour et je me suis surprise à rire par endroits.
Swann est un homme à femmes, je dirais même un « consommateur » de femmes. Cela jusqu’à ce qu’il rencontre Odette de Crécy, qu’il trouve tout d’abord quelconque mais dont il finit par tomber fou amoureux, fou au point d’en éprouver une jalousie sans bornes. Swann ne supporte plus les moments passés sans Odette se torturant l’esprit à imaginer les endroits où elle peut se trouver, ce qu’elle y fait et surtout avec qui. Car Swann apprend que sa chère Odette a tendance à batifoler à droite et à gauche.
Et Proust de décrire avec une incroyable justesse les sentiments et les tourments de Swann. Je me suis complètement reconnue dans ces descriptions et cette analyse psychologique d’une incroyable finesse et pleine de poésie de la souffrance que peut endurer une personne jalouse, de ses tiraillements entre paranoïa et tentative de se rassurer et de se raisonner.
Proust a un talent immense pour exprimer des choses toutes simples. Moi-même j’ai beaucoup de difficultés à expliquer ce que je ressens lors d’une crise de jalousie, colère, souffrance, frustration, sentiment d’abandon mais Proust, lui, le fait avec tant de facilité que c’en est un régal de lecture.

J’ai poursuivi ma lecture avec « Combray », la première partie. J’y ai fait connaissance avec le narrateur, sa famille, la maison de son enfance. Et c’est fou à quel point j’ai été transportée en cet endroit, presque à y ressentir des odeurs de bois. Les souvenirs du narrateur ont ravivé les miens. Bref les odeurs de la maison de ma grand-mère me sont revenues et c’est un peu ironique dans un sens. Car là où le souvenir d’une odeur a réveillé ma mémoire, chez le narrateur il s’agit en fait du goût. Eh oui, le célèbre passage de la madeleine ! Là encore, Proust est parvenu à mettre en mots d’une façon très fine des sensations qu’il est pourtant difficile de décrire. Je ne résiste pas à l’envie de vous faire profiter de ce passage que j’ai trouvé sublime :

« Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »

De même que les descriptions de la maison, l’évocation des longues promenades en famille à travers la campagne m’ont également rappelé les miennes ainsi que l’évocation des aubépines (qui me fascinaient tant lorsque j’étais gosse). Proust a réussi à me faire revivre, à travers son narrateur, des épisodes quasi oubliés de ma propre enfance.
J’ai adoré aussi ses différents personnages très fouillés, la vieille tante et ses manies, Françoise la domestique qui peut être aussi gentille que cruelle ( et qui m’a vraiment laissée perplexe !), Legrandin et ses airs supérieurs…
Je n’ai pas regretté mon choix de lire les parties dans le désordre. En effet, j’ai apprécié de pouvoir comprendre certaines des allusions que fait le narrateur au sujet de Swann, allusions qui me seraient restées totalement hermétiques si j’avais lu « Combray » en premier. Et d’autre part, j’ai aussi eu la surprise d’apprendre ce qu’il en était de la situation familiale de Swann et de ce qu’il était advenu de sa relation avec Odette, seulement après avoir lu « Un amour de Swann ». J’aime le suspense et du coup, en procédant ainsi, le suspense était conservé.

Enfin, la troisième partie ne m’a laissé que peu de souvenirs en comparaison des deux autres. On y assiste à la naissance des premiers émois amoureux du narrateur. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler. J’ai quand même bien hâte de connaître la suite.

En résumé, j’ai plus que savouré cette lecture. J’en avais très peur au départ mais, une fois habituée au style, ce fut un vrai bonheur. Comment ne pas être séduite par cette plume si poétique, délicate et pleine de justesse dans le rendu des sentiments ? Comment rester insensible à cette plongée en douceur dans les méandres de la psychologie humaine ?
Proust, c’est comme sa madeleine, ça se déguste, ça se savoure tout doucement. C’est une lecture exigeante mais qui offre à celui qui en fait l’effort des moments de lecture exquis.

Et l'avis de Marie, c'est ici.

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