jeudi 21 juillet 2011

Le tunnel - Ernesto Sàbato



Juan Pablo Castel est un artiste peintre argentin renommé.  Misanthrope et nihiliste, il rejette le monde qui l’entoure et se sent incompris, seul.
Pourtant, lors d’un Salon à Buenos Aires où sont exposées ses œuvres, il remarque alors une jeune femme qui semble intriguée par un point de détail sur une de ses toiles, détail auquel personne n’avait jusqu’alors fait attention.
Enthousiasmé de savoir qu’enfin une personne puisse le comprendre véritablement, il fait de Maria, la jeune femme, une obsession et met tout en œuvre pour la retrouver.
Il la retrouvera, une histoire d’amour naîtra et pourtant Juan Pablo tuera Maria.
C’est de sa prison qu’il entreprend son récit et tente de justifier son acte dans l’espoir de trouver un lecteur qui le comprendra.

Mon avis :

J’ai acheté ce livre par hasard, la quatrième de couverture m’ayant intriguée et je remercie le destin de m’avoir permis cette découverte.
Je ne connaissais pas du tout ce roman, et pourtant Le tunnel d’Ernesto Sàbato a une renommée mondiale et a été encensé par de grands écrivains tels que Albert Camus ou encore Graham Greene.
Il ne s’agit pas d’un roman policier mais d’un roman noir, très noir. C’est le récit d’une passion destructrice, l’histoire d’un homme rongé par la solitude et par un autre démon : la jalousie.
Juan Pablo réfléchit et analyse tout, sans arrêt. Le moindre geste, la moindre phrase, l’intonation de cette phrase, tout est passé à la loupe.
Et cette tendance s’accentue d’autant plus lorsqu’il apprend que Maria est mariée et qu’elle ne lui en avait rien dit.
La jalousie de Juan Pablo prend des dimensions effrayantes à la limite du harcèlement. Tout ce que Maria peut dire ou faire est interprété dans un unique sens : elle le trompe. Assailli de doutes, son orgueil l’amène à chaque fois à la même conclusion. Il veut à tout prix avoir raison et fait tout pour en avoir la preuve.
J’ai parlé d’orgueil et voilà le fond du problème. Juan Pablo est vaniteux, il n’aime personne, personne ne trouve grâce à ses yeux excepté Maria et pourquoi ? Parce qu’elle a pu saisir le sens d’un détail de son tableau. A partir de là, Juan Pablo est persuadé que Maria est son âme sœur mais surtout son autre Moi. C’est lui-même qu’il cherche et aime à travers elle. Il en fait sa bouée de secours, celle qui le sort de sa solitude.
Le personnage de Maria reste quant à lui insaisissable. On ne sait rien de sa personnalité, on ne saura jamais si elle a véritablement trompé Juan Pablo ou non. Ses réactions et son comportement sont difficiles à interpréter d’où toute l’ambigüité. Elle semble désemparée face à ces attaques mais en même temps elle reste si sereine qu’on comprend l’agacement du narrateur.
Tout le récit est construit autour du narrateur puisque c’est lui qui parle, il annonce son intention à l’objectivité mais c’est illusoire. Le lecteur n’a que son point de vue à lui et, quelque part, il devient même son complice.
J’avoue avoir été choquée parfois de me sentir aussi proche de ce narrateur. Etant moi-même sujette à la jalousie (pas dans de telles proportions heureusement), ayant moi-même cette tendance à interpréter toujours dans le sens négatif des détails pourtant insignifiants et à me faire tout un film à partir de rien, j’ai été effrayée de me reconnaître ainsi en lui.
Juan Pablo a raconté son histoire dans l’espoir qu’un lecteur le comprenne. L’ai-je compris ?
Je crois que oui et ça m’en effraie d’autant plus. Je l’ai pourtant moi-même jugé à la limite de la folie furieuse mais je l’ai compris.
J’ai aussi très bien compris cette métaphore du tunnel. Ce tunnel dans lequel il avance, isolé du reste du monde, ce monde qui s’amuse et avec lequel il ne peut interagir sauf à de fugaces exceptions comme avec Maria. Jamais il n’aura connu avec elle d’instants de parfaite osmose, de fusion, ces instants qui font qu’une relation amoureuse est pleine et entière.
Il a cru que Maria le sortirait de sa solitude mais elle ne l’y a enfoncé que davantage. C’est pour cela qu’il l’a tuée, parce qu’elle l’avait laissé seul.
Ce thème de la solitude est le thème central de cette œuvre. L’auteur y est particulièrement attaché. Grand scientifique avant d’avoir embrassé la carrière littéraire, il est conscient des dangers de l’évolution technologique et de la transformation du monde en un monde froid, matérialiste et individualiste. Il veut dénoncer cette solitude de l’homme et en particulier celle de l’artiste. A noter qu’à l’époque de la rédaction du Tunnel, l’Argentine est en proie à des violences endémiques et connaît la dictature, notamment celle du général Peron qui, il faut le souligner, avait parmi ces thèmes de campagne : «  Des espadrilles oui, des livres non ». Tout un programme … Et on comprend d’autant plus le désarroi et le sentiment de  solitude de l’auteur.
Ce roman m’a touché à plus d’un titre comme j’ai déjà pu le dire. Il est remarquablement écrit. Le sentiment de jalousie y est décortiqué magnifiquement, Ernesto Sàbato a su mettre en mots des sensations qui me sont si familières.
Bref, cette lecture fut pour moi un gros coup de cœur. Je renouerai très certainement avec cet auteur pour ces deux autres romans L’ange des ténèbres et Héros et tombes. Romans qui avec celui-ci forment la trilogie argentine.
J’ai critiqué ce livre en étant moi-même non objective puisque je suis une jalouse et que je me sens pleinement concernée par cette sensation de solitude et de mise à l’écart par rapport au reste du monde. J’aimerais beaucoup avoir le point de vue de personnes différentes, non sujettes à la jalousie.
140 pages c’est très court alors lisez-le et n’hésitez pas à venir exprimer votre avis quel qu’il soit.



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