mardi 5 juillet 2011

Fort comme la mort - Guy de Maupassant



Olivier Bertin, artiste peintre renommé et très prisé de la haute société parisienne, tombe follement amoureux d’une de ses modèles la comtesse Anne de Guilleroy, déjà mariée bien sûr.
Ils entretiennent tous deux une liaison passionnée pendant près de 20 ans grâce aux soins minutieux de la comtesse, très jalouse, qui veille à éloigner tous les dangers potentiels susceptibles de menacer son idylle et de la priver de son unique amour.
Tout se passe donc très bien jusqu’à l’arrivée à Paris de la fille de la comtesse qui avait jusque là grandi à la campagne auprès de sa grand-mère.
Pour le vieux peintre, c’est le choc. La fille ressemble comme deux gouttes d’eau à la mère lorsqu’il l’avait rencontrée.
Des sentiments amoureux qui s’étaient quelque peu endormis avec le temps se réveillent alors.
C’est une véritable confusion  qui submerge Olivier. Est-il amoureux de la fille ou son amour pour la mère se retrouve-t-il renouvelé à travers la fille ?
Ajouté à ce dilemme, il se rend compte peu à peu du poids de l’âge, il n’est plus un peintre à la mode, de nouvelles tendances se font jour, il devient « un artiste dépassé ».
Quant à la comtesse, la venue de sa fille exacerbe sa jalousie. Elle n’est plus celle que l’on admire et que l’on complimente. A ses yeux, sa fille a pris sa place. C’est elle qu’on compare au tableau de sa mère peint par Olivier il y a 20 ans et c’est elle qu’on couvre d’éloges.
Anne devient alors obnubilée par son aspect physique, elle se voit vieille, traque la moindre ride dans le miroir. Elle perd sa jeunesse, elle perd sa valeur aux yeux des autres, elle perd l’homme qu’elle aime.

On retrouve dans ce roman tout le charme des romans de Maupassant. Il y analyse le monde de la haute société, ses rites, ses faux-semblants, ses futilités, sa superficialité. Il y traite de nombreux thèmes : la vieillesse, l’amour, la renommée, la perte d’un être cher etc… et y décrit à merveille les sentiments des personnages.
La jalousie de la comtesse est traitée magnifiquement dans un passage que je ne peux m’empêcher de vous retranscrire ici :

    " Chez elle, au contraire, grandit sans cesse l’attachement passionné, l’attachement obstiné de certaines femmes qui se donnent à un homme pour tout à fait et pour toujours. […]
Mais à partir du moment où la comtesse se fut donnée ainsi, elle se sentie assaillie de craintes sur la constance d’Olivier Bertin. Rien ne le tenait que sa volonté d’homme, qu’un caprice, qu’un goût passager pour une femme rencontrée un jour, comme il en avait déjà rencontré tant d’autres ! Elle le sentait si libre et si facile à tenter, lui qui vivait sans devoirs, sans habitudes et sans scrupules, comme tous les hommes ! Il était beau garçon, célèbre, recherché, ayant à la portée de ses désirs vite éveillés toutes les femmes du monde dont la pudeur est si fragile, et toutes les femmes d’alcôve ou de théâtre prodigue de leurs faveurs avec des gens comme lui. Une d’elles, un soir, après souper, pouvait le suivre et lui plaire, le prendre et le garder.
     Elle vécut donc dans la terreur de le perdre, épiant ses allures, ses attitudes, bouleversée par un mot, pleine d’angoisse dès qu’il admirait une autre femme, vantait le charme d’un visage, ou la grâce d’une tournure. Tout ce qu’elle ignorait de sa vie la faisait trembler, et tout ce qu’elle en savait l’épouvantait. A chacune de leurs rencontres, elle devenait ingénieuse à l’interroger, sans qu’il s’en aperçût, pour lui faire ses opinions sur les gens qu’il avait vus, sur les maisons où il avait dîné, sur les impressions les plus légères de son esprit. Dès qu’elle croyait deviner l’influence possible de quelqu’un, elle la combattait avec une prodigieuse astuce, avec d’innombrables ressources.
     Oh ! Souvent elle pressentit ces courtes intrigues, sans racines profondes, qui durent huit ou quinze jours, de temps en temps, dans l’existence de tout artiste en vue.
    Elle avait, pour ainsi dire, l’intuition du danger, avant même d’être prévenue de l’éveil d’un désir nouveau chez Olivier, par l’air de fête que prennent les yeux et le visage d’un homme que surexcite une fantaisie galante.
     Alors elle commençait à souffrir, elle ne dormait plus que des sommeils troublés par les tortures du doute. Pour le surprendre, elle arrivait chez lui sans l’avoir prévenu, lui jetait des questions qui semblaient naïves, tâtait son cœur, écoutait sa pensée, comme on tâte, comme on écoute, pour connaître le mal caché dans un être."

Rarement, un livre m’a autant émue, rarement un livre m’a fait versé autant de larmes.
Peut-être est-ce le rapprochement que j’ai pu faire entre Anne, sa conception de l’amour, un amour possessif, exclusif et moi-même. Je me suis retrouvée dans cette femme.
Bref ce roman m’a bouleversé, je le conseille à tous les amoureux du XIXème siècle et de la littérature romantique caractéristique de cette époque.

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