La condition des femmes en Afghanistan, Nadia Hashimi n’est
pas la première à l’évoquer et on se demande bien ce qu’on pourrait apprendre
de plus et d’où pourrait venir l’originalité d’un roman sur le sujet. Eh bien,
Nadia Hashimi a su la trouver cette originalité.
La Perle et la
Coquille met en parallèle le destin de deux afghanes liées par le sang à un
siècle d’intervalle.
Rahima est une jeune femme qui nous est contemporaine.
Durant son enfance, sa famille lui a fait prendre le statut de bacha posh : lorsqu’une famille n’a
pas de descendants mâles, on déguise une des filles en garçon. Ce procédé a de
multiples avantages dans une société patriarcale où la femme reste cantonnée à
la maison et à ses tâches ménagères. La petite fille ainsi transformée en petit
garçon peut accéder à l’instruction en allant à l’école, peut courir et jouer
librement dans la rue, peut effectuer les courses au marché pour sa mère, bref,
en tant que bacha posh, Rahima goûte
et savoure une liberté dont ses sœurs et sa mère sont privées.
Le destin bascule le jour où Rahima n’a plus l’âge de
continuer à jouer cette comédie dont personne n’est dupe au village mais sur
laquelle tout le monde ferme les yeux. C’est aussi ce moment que choisit son
père pour la donner en mariage au seigneur de guerre pour lequel il travaille.
Rongé par l’opium et condamné à la pauvreté, le père de Rahima se débarrasse
ainsi de ses filles qu’il voit comme autant de bouches inutiles à nourrir.
Rahima devient alors la quatrième épouse d’un homme violent,
sans cœur pour qui les femmes ne sont que des procréatrices et des esclaves
domestiques. Au sein même du groupe des femmes de la maison, la jalousie et les
brimades sont le quotidien de Rahima. Elle ne trouve son unique source d’apaisement
et d’espoir que dans le récit que lui fait sa tante de la vie de son aïeule
Shekiba. Un récit qui pour Rahima se révélera salutaire à plus d’un titre.
En effet, les destins des deux femmes comportent de
multiples points communs malgré l’écart entre leurs époques. Les similitudes se
retrouvent jusque dans la description des traditions religieuses et du statut
de la femme en Afghanistan. J’ai longtemps pensé que le régime des Talibans n’avait
été qu’une « nouveauté » dans l’histoire afghane, que l’islam
rigoriste et extrémiste imposé par le régime atteignait pour la première fois
de telles proportions. Mais le récit de Shekiba nous apprend qu’au XIXème
siècle, les traditions barbares et le mépris du genre féminin officiaient déjà.
Le port de la burka par exemple était déjà de mise alors que dans mon esprit il
était une innovation des Talibans. La lapidation publique de la femme adultère
faisait là aussi déjà partie des peines encourues et froidement appliquées.
Dans ce roman, la cruauté, l’injustice, la violence que
subissent ces femmes nous nouent la gorge. Le style n’est certes pas des plus
remarquables. On peut aussi lui reprocher d’être moins dans l’émotion que les
romans de Khaled Hosseini. Pas de pleurs, d’apitoiement suscités chez le
lecteur mais une profonde et sourde colère avec une étincelle d’espoir. Un
espoir porté par ces quelques femmes qui osent parler et affronter les hommes de leur entourage,
ces autres qui ont le courage de dénoncer les magouilles politiques et la
corruption d’un parlement simulacre mais signe des premiers pas du pays vers la
démocratie.
J’ai compris grâce à ce roman que le régime des Talibans n’était
qu’un retour à d’anciennes traditions et pratiques, que l’Afghanistan des années
70 n’avait été qu’un court répit mais qu’il avait été possible. Tout comme
avait été possible la réforme apportée par la montée au pouvoir du shah
Amanullah Khan dont l’épouse a osé pour la première fois ôter son voile en
public.
La Perle et la
Coquille est donc un magnifique roman dont la lecture nous apprend
énormément. L’histoire de Shekiba nous transporte dans le temps dans un
Afghanistan aux airs des Mille et Une Nuits. Par chapitres alternés, le sort de
Rahima répond à celui de son ancêtre et modèle. L’exemple de ces femmes au
courage extraordinaire, l’importance de l’instruction, la volonté d’hommes à l’esprit
ouvert constituent la base d’un possible changement. L’Histoire l’a prouvé, ce
changement peut se reproduire de nouveau.
Je ne peux donc que vous conseiller ce roman porteur d’espoir
et qui offre une autre vision originale de l’Afghanistan, de sa culture et de
ses mœurs, de sa vie politique. Vous plongerez dans le quotidien cruel et
misérable des femmes afghanes, vous connaîtrez l’enfermement, vous arpenterez
les couloirs du palais du Shah, vous assisterez aux séances parlementaires, et surtout vous remercierez Dieu/la chance/le
destin/le hasard de vous avoir fait naître en occident.
Un grand merci à Babelio et aux édition Milady pour ces
belles heures de lecture.
Ca me fait bien evidemment penser tout de suite a mille soleils splendides dont j'avais enormement aime la lecture mais qui etait tres dure emotionnellement parlant (tu dis justement les larmes et bien j'etais parfois une vraie fontaine). Remercier le ciel d'etre ne en occident, ca je n'en doute pas. Du coup tu m'as convaincue, d'autant qu'il est a prix reduit sur Kindle alors je viens de le prendre ;-)
RépondreSupprimerJ'espère que tu vas aimer !
SupprimerJe n'ai toujours pas lu Mille soleils splendides mais comme c'est le seul Hosseini qui me reste à lire, je le garde en réserve ! ^^
J'avais vu un documentaire à la télé sur ces bacha posh. Il y avait des destins poignants.
RépondreSupprimerTerrible d'être obligée de se déguiser en garçon pour avoir un peu de liberté. Le pire c'est que personne n'est dupe, quelle hypocrisie ...
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