mercredi 22 juillet 2015

La Perle et la Coquille - Nadia Hashimi





La condition des femmes en Afghanistan, Nadia Hashimi n’est pas la première à l’évoquer et on se demande bien ce qu’on pourrait apprendre de plus et d’où pourrait venir l’originalité d’un roman sur le sujet. Eh bien, Nadia Hashimi a su la trouver cette originalité.
La Perle et la Coquille met en parallèle le destin de deux afghanes liées par le sang à un siècle d’intervalle. 

Rahima est une jeune femme qui nous est contemporaine. Durant son enfance, sa famille lui a fait prendre le statut de bacha posh : lorsqu’une famille n’a pas de descendants mâles, on déguise une des filles en garçon. Ce procédé a de multiples avantages dans une société patriarcale où la femme reste cantonnée à la maison et à ses tâches ménagères. La petite fille ainsi transformée en petit garçon peut accéder à l’instruction en allant à l’école, peut courir et jouer librement dans la rue, peut effectuer les courses au marché pour sa mère, bref, en tant que bacha posh, Rahima goûte et savoure une liberté dont ses sœurs et sa mère sont privées.

Le destin bascule le jour où Rahima n’a plus l’âge de continuer à jouer cette comédie dont personne n’est dupe au village mais sur laquelle tout le monde ferme les yeux. C’est aussi ce moment que choisit son père pour la donner en mariage au seigneur de guerre pour lequel il travaille. Rongé par l’opium et condamné à la pauvreté, le père de Rahima se débarrasse ainsi de ses filles qu’il voit comme autant de bouches inutiles à nourrir.
Rahima devient alors la quatrième épouse d’un homme violent, sans cœur pour qui les femmes ne sont que des procréatrices et des esclaves domestiques. Au sein même du groupe des femmes de la maison, la jalousie et les brimades sont le quotidien de Rahima. Elle ne trouve son unique source d’apaisement et d’espoir que dans le récit que lui fait sa tante de la vie de son aïeule Shekiba. Un récit qui pour Rahima se révélera salutaire à plus d’un titre.

En effet, les destins des deux femmes comportent de multiples points communs malgré l’écart entre leurs époques. Les similitudes se retrouvent jusque dans la description des traditions religieuses et du statut de la femme en Afghanistan. J’ai longtemps pensé que le régime des Talibans n’avait été qu’une « nouveauté » dans l’histoire afghane, que l’islam rigoriste et extrémiste imposé par le régime atteignait pour la première fois de telles proportions. Mais le récit de Shekiba nous apprend qu’au XIXème siècle, les traditions barbares et le mépris du genre féminin officiaient déjà. Le port de la burka par exemple était déjà de mise alors que dans mon esprit il était une innovation des Talibans. La lapidation publique de la femme adultère faisait là aussi déjà partie des peines encourues et froidement appliquées.

Dans ce roman, la cruauté, l’injustice, la violence que subissent ces femmes nous nouent la gorge. Le style n’est certes pas des plus remarquables. On peut aussi lui reprocher d’être moins dans l’émotion que les romans de Khaled Hosseini. Pas de pleurs, d’apitoiement suscités chez le lecteur mais une profonde et sourde colère avec une étincelle d’espoir. Un espoir porté par ces quelques femmes qui osent parler  et affronter les hommes de leur entourage, ces autres qui ont le courage de dénoncer les magouilles politiques et la corruption d’un parlement simulacre mais signe des premiers pas du pays vers la démocratie. 

J’ai compris grâce à ce roman que le régime des Talibans n’était qu’un retour à d’anciennes traditions et pratiques, que l’Afghanistan des années 70 n’avait été qu’un court répit mais qu’il avait été possible. Tout comme avait été possible la réforme apportée par la montée au pouvoir du shah Amanullah Khan dont l’épouse a osé pour la première fois ôter son voile en public.
La Perle et la Coquille est donc un magnifique roman dont la lecture nous apprend énormément. L’histoire de Shekiba nous transporte dans le temps dans un Afghanistan aux airs des Mille et Une Nuits. Par chapitres alternés, le sort de Rahima répond à celui de son ancêtre et modèle. L’exemple de ces femmes au courage extraordinaire, l’importance de l’instruction, la volonté d’hommes à l’esprit ouvert constituent la base d’un possible changement. L’Histoire l’a prouvé, ce changement peut se reproduire de nouveau. 

Je ne peux donc que vous conseiller ce roman porteur d’espoir et qui offre une autre vision originale de l’Afghanistan, de sa culture et de ses mœurs, de sa vie politique. Vous plongerez dans le quotidien cruel et misérable des femmes afghanes, vous connaîtrez l’enfermement, vous arpenterez les couloirs du palais du Shah, vous assisterez aux séances parlementaires,  et surtout vous remercierez Dieu/la chance/le destin/le hasard de vous avoir fait naître en occident.

Un grand merci à Babelio et aux édition Milady pour ces belles heures de lecture.


4 commentaires:

  1. Ca me fait bien evidemment penser tout de suite a mille soleils splendides dont j'avais enormement aime la lecture mais qui etait tres dure emotionnellement parlant (tu dis justement les larmes et bien j'etais parfois une vraie fontaine). Remercier le ciel d'etre ne en occident, ca je n'en doute pas. Du coup tu m'as convaincue, d'autant qu'il est a prix reduit sur Kindle alors je viens de le prendre ;-)

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    1. J'espère que tu vas aimer !
      Je n'ai toujours pas lu Mille soleils splendides mais comme c'est le seul Hosseini qui me reste à lire, je le garde en réserve ! ^^

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  2. J'avais vu un documentaire à la télé sur ces bacha posh. Il y avait des destins poignants.

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    1. Terrible d'être obligée de se déguiser en garçon pour avoir un peu de liberté. Le pire c'est que personne n'est dupe, quelle hypocrisie ...

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