mercredi 10 juillet 2013

Souvenirs d'un pas grand-chose - Charles Bukowski



Encore Bukowski ? Eh oui, il faut croire que j’ai eu un coup de foudre littéraire.
Je poursuis donc ma découverte de cet incroyable auteur avec Souvenirs d’un pas grand-chose, roman autobiographique retraçant l’enfance et l’adolescence de Charles Bukowski alias Henry Chinaski.
Ce que j’avais soupçonné dans Journal d’un vieux dégueulasse se confirme donc ici. C’est un récit très touchant que nous confie Bukowski, beaucoup plus soft, les âmes sensibles peuvent se rassurer : point d’attentat aux bonnes mœurs cette fois-ci (ou alors juste un peu). Ce roman explique et donne sens à quelques-unes des nouvelles du Journal d’un vieux dégueulasse qui n’en prennent qu’une dimension encore plus forte.

Récit touchant donc et même bouleversant, on y comprend comment l’auteur s’est forgé sa personnalité et son caractère.
Il nous dévoile sa découverte de l’alcool et du sexe, initiée par des défis de gamin et des interrogations de petit garçon tout à fait classiques et porte un regard critique sur la société, d’abord restreinte à sa famille et son environnement scolaire puis élargie de façon progressive et plus globale lorsqu’il entre dans l’adolescence puis la vie active.

L’apprentissage de la dureté de la vie, le petit Henry l’a commencé très tôt. Et il se rend bien compte que l’injustice fait partie régnante de cette société dans laquelle il vit. Ne recevant rien d’autrui, il n’accepte plus qu’on exige quoique ce soit de lui. Il trouve peu à peu dans l’alcool réconfort et oubli de cette existence qui le déçoit tant. Existence quasiment toute tracée pour tout le monde, le même schéma classique famille-travail dont la plus horrible des représentations est incarnée par son père, modèle à ne pas suivre.
On assiste aussi à la genèse d’un écrivain : ses premiers contacts avec l’écriture et la lecture, les ouvrages qui l’ont marqué ( et que je vais m’empresser de lire à mon tour)…

Bref, Souvenirs d’un pas grand-chose est un texte très émouvant, parfois dur et parfois bourré d’humour. Certains passages sont à mourir de rire ( comme lorsqu’un camarade lui explique comment se font les bébés ou encore lorsque sa grand-mère tente de le soigner de son acné), d’autres suscitent la colère ou encore la tristesse. Parmi les meilleurs sont ceux où Bukowski parle vrai, nous jette au visage ce qu’il pense vraiment du système, un système absurde que tout le monde semble suivre aveuglément et dont il cherche à s’échapper.
C’est le roman d’une demi-vie ( car la suite est narrée dans Factotum) désabusée avec tout ce que cela peut comporter. On voit Bukowski sous un autre jour et il n’en devient que plus attachant encore.

« C'était dur à croire. La récré une fois finie, j'allai m'asseoir en classe et je réfléchis à tout ça. Ainsi donc, ma mère, elle avait un trou et mon père une bite qui crachait du jus. Mais comment pouvaient-ils avoir des trucs pareils et continuer à se balader comme si tout était normal ? On parle de choses et d'autres, on fait ça et on n'en dit rien à personne ? J'eus vraiment envie de dégueuler lorsque je songeai que c'était le jus de mon père qui m'avait fait démarrer. »

« La route que j'avais devant moi, j'aurais presque pu la voir. J'étais pauvre et j'allais le rester. L'argent, je n'en avais pas particulièrement envie. Je ne savais pas ce que je voulais. Si, je le savais. Je voulais trouver un endroit où me cacher, un endroit où il n'était pas obligatoire de faire quoi que ce soit. L'idée d'être quelque chose m'atterrait. Pire, elle me donnait envie de vomir. Devenir avocat, conseiller, ingénieur ou quelque chose d'approchant me semblait impossible. Se marier, avoir des enfants, se faire coincer dans une structure familiale, aller au boulot tous les jours et en revenir, non. Tout cela était impossible. Faire des trucs, des trucs simples, prendre part à un pique-nique en famille, être là pour la Noël, pour la Fête nationale, pour la Fête des Mères, pour... les gens ne naissaient-ils donc que pour supporter ce genre de choses et puis mourir ?»

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire