dimanche 6 novembre 2011

El Sexto - José Maria Arguedas



4ème de couverture :

Le jeune Gabriel est incarcéré au pénitencier El Sexto, au centre de Lima, dans le cadre de la répression des mouvements d’opposition étudiants. Là, il va rencontrer des représentants des partis politiques qui luttent contre le pouvoir despotique. Il découvre les hiérarchies de la prison, où en fonction des étages se côtoient en haut les politiques, puis les droits communs et les délinquants sexuels, et enfin, au rez-de-chaussée, les clochards. Les politiques se divisent entre partisans de l’APRA (de gauche) et communistes, considérés comme “vendus à l’étranger”.
Les droits communs font régner leur loi, distribuent la drogue et forcent les homosexuels à la prostitution. Les maîtres de cet infra-monde, Estafilade, Maravi et Rosita, l’homosexuel à la voix d’ange, luttent pour le pouvoir,  s’affrontent à mort, ce qui révèle la totale malhonnêteté des autorités légales.

Ce roman a été inspiré à l’auteur par son expérience de la prison politique en 1938. J. M. Arguedas avait manifesté en 1938 contre l’arrivée à Lima d’un représentant de Mussolini. Il définit El Sexto comme, à la fois, une école du vice et une école de la générosité.
Un grand classique de la littérature latino-américaine.

Né en 1911, José Maria Arguedas s'est suicidé en 1969 d'une balle dans la tête dans les toilettes de l'université où il enseignait. Il était l'une des figures majeures du mouvement indigéniste latino-américain, un écrivain connu pour son engagement politique et ses prises de position.


Mon avis :

Il ne faut pas lire ce roman comme on lirait n’importe quel autre roman. Celui-ci est un parfait spécimen de la littérature engagée et il faut s’y plonger en ayant bien à l’esprit le contexte politique au Pérou dans les années 30 et aussi le vécu de l’auteur.
José Maria Arguedas dénonce dans El Sexto la dictature de Benavides caché dans le roman derrière le personnage du « Général ».

El Sexto était un centre pénitencier situé au cœur de Lima, il n’existe plus à présent et on trouve à son emplacement un hôtel de luxe. Une idée plutôt de mauvais goût lorsqu’on découvre avec horreur les conditions dans lesquelles étaient enfermés les prisonniers d’El Sexto.
Les prisonniers politiques y côtoient les prisonniers de droit commun selon une hiérarchie stricte. Chaque catégorie a son étage et les relations entre ces étages sont évitées au maximum. Celui qui enfreint les règles s’expose à la colère de ses co-détenus et à d’éventuelles représailles. Ce dont Gabriel, le personnage principal, fait l’expérience. Car Gabriel est, à l’instar d’une poignée d’autres prisonniers, un électron libre. Il ne s’identifie à aucun parti et passe pour un petit bourgeois idéaliste et trop sentimental.

On retrouve à l’intérieur de la prison une sorte de reproduction de la société péruvienne de l’époque que ce soit sur le plan politique ou sur le plan social. On trouve le tyran et ses partisans, ici Estafilade et ses sbires, et les deux principaux partis qui s’opposent : l’APRA dont la doctrine n’est pas clairement définie et est soupçonnée de marcher main dans la main avec les dirigeants mais prétend revendiquer un Pérou libre débarrassé des « gringos » qui exploitent le peuple et le laissent vivre dans la misère, et le parti communiste qui souhaite lui aussi libérer le peuple de l’oppression impérialiste mais qui est accusé par les apristes d’œuvrer pour le compte d’autres impérialistes étrangers que sont les russes.
Le roman s’attarde donc sur les conflits entre les deux partis mais montre en même temps leur possible entente face à un objectif commun : éliminer le tyran. Je dis bien « possible entente » car ces deux forces en présence peuvent aussi malheureusement se neutraliser l’une l’autre. La solution peut alors venir d’ailleurs.

En lisant El Sexto, on est nous aussi enfermé dans cette prison. J’ai suffoqué en même temps que ces occupants et été dégoûtée par certaines scènes surtout quand on réalise que c’est du vécu et que ça se passait donc réellement comme ça. On assiste à la déchéance totale de l’être humain, de sa réduction à l’état de bête et même pire encore si c’est possible. J’ai été révoltée par tant d’injustice, par le cas de cet homme emprisonné uniquement par jalousie, de ce petit garçon accusé à tort de vol par sa patronne et de me rendre compte à quel point l’arbitraire règne. Les « autorités carcérales » ferment les yeux sur tout ce qui se passe à l’intérieur, excepté quelques gardes. Ouf ! Un soupçon d’humanité dans cet enfer !

Je ne m’amuserai pas à critiquer le style ni à étudier les personnages car ce n’est vraiment pas là le plus important dans ce roman. Je l’ai lu comme j’aurais lu le J’accuse de Zola. El Sexto est un cri de révolte poignant. Ignoré à sa sortie par les critiques et les intellectuels, il a circulé au sein de la population et est devenu un symbole de la littérature péruvienne et indéniablement un lieu de mémoire du patrimoine culturel péruvien.
Moi qui ne connaissait absolument rien à l’Histoire du Pérou, j’ai beaucoup appris grâce à ce livre.
A découvrir donc absolument.

Je remercie infiniment le site Newsbook et les Editions Métailié pour m'avoir offert ce partenariat.

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