mercredi 6 juillet 2011

Un enfant de Dieu - Cormac McCarthy



Le livre s’ouvre sur le récit d’une vente aux enchères, celle de la maison de Lester Ballard. Ce dernier, dépossédé alors de ses biens, se retrouve seul, sans toit, sans ressources. Il erre dans les montagnes à la recherche de nourriture et d’un abri tel un animal sauvage. Et un animal qui chasse. Lester traque des jeunes gens, les tue, les ramène dans son refuge pour faire subir à leur cadavre toutes sortes de choses que Cormac McCarthy nous suggère sans les expliciter dans le détail. Nous sommes loin du gore et des descriptions pénibles d’ « American Psycho » de Bret Easton Ellis ou encore du « Corps Exquis » de Poppy Z-Brite. Les amateurs du genre seront donc un peu déçus et resteront sur leur faim.
Ce livre est donc le récit du passage d’un homme civilisé à la vie sauvage, de son retour à l’état de nature. Certains y ont vu une métaphore de la déchéance de notre monde actuel et de notre civilisation. Je trouve cela exagéré, je ne crois pas que nous en soyons arrivés à cet extrême.
La psychologie de Lester Ballard est totalement passée sous silence. Tout ce que l’auteur veut bien nous laisser savoir c’est que Lester est issu d’une famille banale, qu’il a une enfance tout à fait normale, on ne peut donc imputer les pulsions meurtrières de Lester à rien de particulier. Il tue et c’est tout ce que l’on sait. Dire qu’il est devenu un simple animal est exagéré. Il est contraint de vivre comme un animal mais Lester pense, ressent, galère, pleure. Certes, c’est un assassin et c’est loin d’être un homme fréquentable mais il est humain et je pense que c’est là, tout le génie de McCarthy : nous montrer que l’homme est un être humain doué de sentiments, de pensée et cela même dans la pire des situations. C’est assez ambigu comme situation, j’ai presque ressenti de la pitié pour ce personnage.
Le roman est construit sous forme de très courts chapitres. Les points de vue divergent d’un chapitre à l’autre. On ne sait pas toujours qui parle. On se rend compte du changement de narrateur au langage employé, un des narrateurs s’exprime dans un langage très familier style argot de campagne. La plupart du temps, ces autres narrateurs sembleraient être des personnages même du roman, c’est à travers eux que l’on apprend un peu de la vie de Lester comme si on écoutait des commères.
Il n’y a aucun repère spatio-temporel comme pour encore plus souligner l’isolement de Lester. Il est impossible de dire à quelle époque se situe l’histoire (peut-être pendant la prohibition si l’on s’en tient à la mention du revendeur d’alcool à la sauvette) et impossible de dire où, le seul élément de géolocalisation que l’on ait est le décor montagnard. Il semblerait donc que nous soyons dans une petite ville perdue au fin fond des montagnes américaines. Les personnages décrits sont pour la plupart tous des laissés pour compte, des gens aux mœurs amorales : alcoolisme, inceste, contrebande …, tout ce qu’une société peut produire comme êtres marginaux. Bref le décor est à l’image du personnage, décalé, exclu du monde civilisé, de la société. C’est un sentiment de malaise que le lecteur ressent.
Le livre est court (170 p.) et heureusement je dirais. Toutefois, ce livre est assez étrange pour que je me pose encore des questions sur ce personnage de Lester Ballard et ce deux semaines après avoir refermé le livre.
Les différents avis que j’ai pu lire sur ce roman sont très partagés. Pour ma part, je n’ai pas été enthousiasmée voire même un peu déçue ( je m’attendais à du « American Psycho »). Mais je pense que la lecture vaut quand même la peine. Et puis, c’est à chacun de se faire sa propre opinion.

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