vendredi 29 juillet 2011

Îles à la dérive - Ernest Hemingway




Îles à la dérive est composé de trois récits qui semblent distincts au premier abord et qui pourraient être lus isolément mais qui finalement donne une cohérence à l’ensemble et apportent chacun les pièces nécessaires à la reconstitution du puzzle.
Dans la première partie intitulée Bimini, on fait la connaissance de Thomas Hudson peintre de renom, il vit sur un bateau sur l’île de Bimini dans les Bahamas. Thomas a été marié deux fois apparemment et il reçoit ses enfants en vacances pour l’été. C’est l’occasion de se remémorer des instants du passé, d’un passé heureux comparé au désœuvrement  qui semble caractériser la vie actuelle de Thomas .
Dans la deuxième partie, nous retrouvons Thomas à Cuba. Le contexte est celui de la seconde guerre mondiale. On y apprend qu’il travaille apparemment pour la marine militaire pour des missions secrètes dont on ne nous dit rien. A Cuba, lorsqu’il est à terre entre deux missions, il passe son temps à boire avec des amis. Il retrouve sa première femme, la seule qu’il est véritablement aimée mais doit la laisser subitement car rappelé pour son travail.
Là-dessus, on enchaîne sur la troisième partie intitulée En mer et nous retrouvons Thomas à bord de son bateau en compagnie de certains de ses amis dont nous avons fait la connaissance à Cuba. On apprend enfin la nature exacte des missions. En l’occurrence, dans ce récit, il est chargé de poursuivre les rescapés d’un sous-marin allemand.

Mon avis :

Il s’agit de ma toute première rencontre avec Hemingway, pas très convaincante au début, la troisième partie m’a tout de même encouragée à poursuivre ma découverte de l’œuvre d’Hemingway.
En effet, la première partie n’est pas très riche en événements. Les journées de Thomas s’organisent entre le bar de l’île, sa peinture, des soirées alcoolisées avec des amis qui dégénèrent en bagarres.
La vie de Thomas sur cette île se résume à une existence où le sentiment de solitude prédomine, l’alcool semble être son meilleur ami. On fait la connaissance du personnage de  Roger Davis, ami de longue date de Thomas. Roger est écrivain mais déteste ce qu’il écrit et rêve de produire un véritable roman digne de ce nom. Roger est bagarreur mais se désole à chaque fois de son comportement : « Etre contre le mal ne rend pas bon ».
Thomas reçoit ses enfants pour les vacances d’été. C’est l’occasion pour eux d’évoquer les souvenirs et des personnages prestigieux tels James Joyce ou le peintre Pacsin etc… ( est-ce une façon pour Hemingway de leur rendre hommage ? Les connaissait-il ? Il me faudrait me plonger plus en profondeur dans sa biographie).
Dans cette partie, on trouve de beaux passages sur les thèmes du mal et du bonheur, de la lutte, de la douleur, du suicide et aussi un épisode de pêche qui n’est pas sans rappeler le vieil homme et la mer ( qui à l’origine était inclus dans Îles à la dérive).
Bref, cette première partie, hormis les passages que j’ai mentionnés, est assez ennuyeuse . Ce qui a pour effet d’accentuer l’effet de choc ressenti lorsque l’on apprend une terrible nouvelle pour Thomas à la toute fin de cette partie. Cette nouvelle amorce la partie suivante que j’ai trouvée très sombre et glauque.
Dans la deuxième partie, présentée d’un seul tenant (sans chapitres), on retrouve Thomas à Cuba. Cette partie m’a profondément ennuyée. Thomas ne nous parle que de ses chats, des femmes et de l’alcool. L’essentiel du récit se concentre en dialogues et monologues intérieurs
Je pense que l’obsession de Thomas pour les chats doit être en rapport avec le chat de son fils qu’il évoque à plusieurs reprises. L’arrivée d’une femme que Thomas semble bien connaître m’a laissée tout d’abord perplexe. J’ai eu l’impression de déranger. Oui, ça peut paraître étrange mais Hemingway a bien pris son temps avant de nous révéler l’identité de cette femme et tout est écrit de façon à faire sentir au lecteur qu’il est un peu en position de voyeur. C’est un peu lorsque vous êtes avec un ami et que cet ami en rencontre un autre qu’il ne vous présente pas et qu’ils se mettent à parler entre eux de sujets qui ne vous concernent pas, je me sens toujours gênée dans ce genre de situation et j’ai ressenti le même malaise durant ma lecture. Mais on finit par apprendre qui est cette femme et on obtient enfin les réponses à certaines questions qu’on avait été amené à se poser lors de la première partie. Cette partie-ci s’achève sur le départ de Thomas qui laisse la femme en plan ( c’est tout à fait ça, je n’exagère rien).
Enfin la troisième partie, celle qui m’a totalement enthousiasmée, nous narre la traque de rescapés allemands suite au torpillage de leur sous-marin par Thomas et ses compagnons.
On est véritablement plongés au cœur de cette chasse. L’alcool est passé à la trappe, les souvenirs aussi. Cette partie se lit à toute vitesse, cela fait un gros contraste avec les deux parties précédentes.
D’une façon générale, l’ensemble des 3 récits transpire la mélancolie et la nostalgie d’un passé heureux perdu. Généralement, on boit pour oublier mais dans le cas de Thomas c’est le contraire, boire fait remonter les souvenirs à la surface. Thomas vit dans ses souvenirs dans les deux premières parties puis pour les oublier et se concentrer sur sa mission, il stoppe sa consommation.
Difficile de rester de marbre face à la lecture d’Îles à la dérive, j’en suis sortie presque déprimée. On est loin, très loin, de l’image paradisiaque que l’on se fait des îles. Ici, c’est la mort, la tristesse qui planent tout au long du récit.

« Au cours de la traversée vers l’est sur l’Île-de-France, Thomas Hudson apprit que l’enfer ne ressemble pas nécessairement à ce qu’a décrit Dante ou l’un des grands peintres de l’enfer, mais qu’il pouvait être un bateau confortable, agréable et très apprécié, vous emportant vers un pays dont vous vous êtes toujours approché avec impatience. Il avait plusieurs cercles et ils n’étaient pas formés comme ceux du grand égotiste florentin. En y réfléchissant maintenant, il savait qu’il était monté tôt à bord pour fuir la ville où il avait craint de rencontrer des gens qui lui auraient parlé de ce qui s’était produit. Il pensait que sur le bateau il pourrait parvenir à un accommodement avec sa douleur, ne sachant pas encore qu’il n’y a pas d’accommodement avec la douleur. Elle peut être guérie par la mort et elle peut être émoussée ou anesthésiée par plusieurs choses. Le temps est censé la guérir aussi. Mais si elle guérie par quoi que ce soit de moindre que la mort, il y a fort à parier qu’il ne s’agit pas d’une vraie douleur. »

D’après certaines critiques, Îles à la dérive serait pour une partie autobiographique à travers les personnalités de Thomas et de Roger. En effet, Thomas a beaucoup voyagé et son penchant pour les femmes et l’alcool ainsi que celui de Roger pour la bagarre et l’écriture ne sont pas sans rappeler quelques défauts de l’auteur lui-même. Les blessés de guerre de la troisième partie sont un thème récurrent chez Hemingway (lui-même ayant été blessé à la guerre). Les thèmes de la paternité, du suicide et de la perte d’un être cher peuvent aussi être mis en rapport avec la vie privée de l’auteur.
A noter que Îles à la dérive est un écrit posthume donc publié après la mort de l’auteur.

Le style est très simple, épuré, pas de superflu, Hemingway se contente des faits et de l’essentiel. Il y a beaucoup de dialogues.
En conclusion, j’aurais encore beaucoup de choses à dire mais ma chronique serait trop longue, j’ai beaucoup apprécié cette lecture malgré mes impressions d’ennui par moments mais tout s’explique au fur et à mesure, tout devient cohérent, les pièces s’emboîtent. On sent qu’Hemingway connaît très bien les lieux qu’il décrit ainsi que la mer et les activités qui lui sont liées. Toutefois, à ne pas lire si vous avez le moral au plus bas.

Une anecdote :
Le bar où Thomas a ses habitudes se nomme le Ponce de Leon. Juan Ponce de Leon est un explorateur qui a découvert les iles Bimini. Son nom est lié à une légende très connue, il s’agit de celle de la fontaine de Jouvence qui se trouverait sur Bimini.


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