Affichage des articles dont le libellé est Fantastique. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Fantastique. Afficher tous les articles

lundi 17 novembre 2014

La Symphonie des spectres - John Gardner



D’abord écrivain adulé et respecté par ses pairs, John Gardner commet à leurs yeux l’irréparable en publiant un essai dans lequel il expose sa conception de l’art d’écrire et de la littérature et se permet de critiquer ouvertement ses coreligionnaires qui ne le lui pardonneront pas.
Incompris, l’écrivain se renferme sur lui-même, se réfugie dans l’alcool. Il divorce, se remet en couple avec une jeune femme qui pourrait être sa fille. Malgré les bonnes ventes de ses premiers ouvrages, John Gardner est sans cesse sans le sou et se retrouve dans le collimateur de l’IRS. Hanté par la mort de son petit-frère dont il se croit responsable, il parvient néanmoins à vaincre un cancer et à poursuivre ses activités littéraires. Il se jette à corps perdu dans un dernier roman qu’il veut être le symbole et la démonstration de sa propre vision de la littérature. Il s’y implique jusqu’à faire de son personnage principal son alter ego.
« Mickelsson, c’est moi, dira Gardner. Mais je ne crois pas être aussi fou. »
A sa sortie, La Symphonie des spectres passera inaperçu. Son auteur trouve la mort peu après dans un accident de moto.


Peter Mickelsson est un professeur de philosophie réputé qui a connu le succès et la reconnaissance grâce à de nombreux ouvrages qu’il a publiés. Son divorce lui fait tout perdre : son foyer, sa renommée, ses amis et collègues, sa prestigieuse université.
Il parvient néanmoins à trouver un poste dans une petite faculté. Bien qu’il n’y soit pas contraint, Mickelsson reverse la quasi intégralité de son salaire à son ex épouse qui continue à mener grand train. Le peu d’argent qui lui reste part dans l’alcool. Les ennuis financiers commencent et Mickelsson survit grâce à ses chèques en bois et la confiance des commerçants locaux. Lassé du taudis qui lui sert d’appartement, il va même jusqu’à acheter une maison à retaper, une très belle maison à l’écart dans les montagnes. Mais des bruits circulent au sujet de cette maison. Dans le pays, on la prétend hantée.
Mickelsson entre alors dans une danse avec ses fantômes. Sa belle vie passée revient le hanter, les souvenirs d’enfance, de ses parents, ses obsessions : l’alcool, les femmes, l’IRS le tourmentent, il cherche désespérément à trouver un sens à sa nouvelle existence dans de nombreuses réflexions philosophiques sur lesquelles plane l’ombre de Martin Luther et Nietzsche. Peu à peu, grâce à ses nouvelles relations et ses échanges avec les étudiants, il se remet en question. Pensant être un homme exemplaire à l'éthique irréprochable, ses principes et convictions s’ébranlent et s'effritent. 

La Symphonie des spectres est un roman monumental que je n’hésite pas là à qualifier de chef d’œuvre. C’est un roman extrêmement riche et complexe. Riche par la pluralité de thèmes qu’il aborde. Le contexte est celui des élections présidentielles opposant Carter à Reagan. John Gardner retranscrit l’atmosphère de ce moment particulier évoquant les attentes et les craintes de la population ainsi que les grands enjeux politiques, économiques et sociaux. On retrouvera alors la grande question de l’énergie nucléaire à travers le fils de Mickelsson, militant écologique, et également des déchets toxiques à travers le problème des décharges sauvages. Sur le plan social, c’est le sujet de l’avortement qui est mis sur la table ainsi que les problèmes de cohabitation entre les différentes communautés. J’ai appris ainsi pas mal de choses notamment sur les Mormons. A l’université, les marxistes font entendre leur voix et demandent à ériger la sociologie en science indépendante d’autres disciplines. La querelle entre les départements de sociologie et de philosophie fait rage.
C’est aussi la description de la vie dans une petite ville de montagne avec la mentalité de ses habitants, leur comportement vis-à-vis de l’étranger, leurs superstitions, les légendes et croyances. Ainsi vous croiserez des sorciers, des ovnis, le bras armé d’une secte et des serpents à sonnette.
Roman fantastique, social, La Symphonie des spectres est aussi un thriller. Le précédent propriétaire de la maison de Peter est mort dans d’étranges circonstances. Mickelsson apprend qu’il menait une enquête et va vouloir en savoir un peu plus. Mais quand la curiosité pointe son nez, les cadavres s’amoncellent.

Et à travers ce contexte fourmillant, Peter Mickelsson dont le comportement suscite de plus en plus d’interrogations. Qu’en est-il de ses fantômes dans sa maison ? Sont-ils dus à ses hallucinations liées à la consommation excessive d’alcool ? Ou bien à un don de préscience ? Ou Mickelsson ne serait-il pas tout simplement fou ?
John Gardner, s’identifiant partiellement à son personnage, nous invite à une véritable dissection psychologique. Dans les remerciements, il mentionne Joyce Carol Oates dont on connaît le talent et la profondeur psychologique qu’elle donne à ses personnages. John Gardner ne procède pas autrement et va encore plus loin. Il pousse son personnage au-delà des frontières qu’il s’est fixées à lui-même, celles de la moralité. Le résultat est bluffant et digne d’un roman de Dostoievski ( et je n’exagère absolument pas !)
Quant au style, j’ai souvent pensé à Philip Roth. John Gardner est un tantinet aussi bavard mais quelle plume ! Quelle précision !
Bourré de références littéraires et philosophiques, la lecture de La Symphonie des spectres n’est pas facile, parfois déroutante en particulier lors de longues digressions dont on ne semble pas voir le bout. Les profanes en philosophie comme moi risquent de s’y perdre notamment lorsque l’auteur nous invite à assister aux cours du professeur Mickelsson et aux débats qu’il engage avec ses étudiants. Mais quel régal lorsqu’on a la force de tenir et de poursuivre son chemin ! Quel choc de voir ce personnage s’embourber dans ses problèmes, d’assister ainsi, impuissant, à sa propre autodestruction.
Le lecteur est prisonnier du cerveau torturé de Mickelsson, on s’y perd complètement et on ne sait plus que croire. Le personnage nous laisse perplexe tant il semble s’obstiner dans le malheur alors que les solutions sont à portée de main. Mickelsson nous entraîne avec lui, malgré nous, dans cette danse macabre.

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de ce roman magistral à l’atmosphère si troublante et dont on ressort complètement envoûté. 


« Mickelsson s’enterrait volontairement dans les dettes et le chaos financier. Cela entrait dans sa colère contre l’ensemble du monde, contre die Welt, dans le sens particulier à Heidegger : la société, les valeurs et les exigences traditionnelles. Que cela lui plût ou non, il se sentait pareil à Gulliver chez les Lilliputiens. Il avait daigné se comporter comme monsieur Tout-le-monde, achetant ce que la télévision lui disait d’acheter, donnant à sa femme ce que sa position d’épouse de professeur exigeait, et le résultat était qu’il se retrouvait pareil à un géant ligoté par des ficelles. Plutôt que de couper ces liens un à un, avec une patience de fourmi, il préférait mourir sur place et pourrir sur la colline à laquelle il était attaché, en espérant que sa douce puanteur chasserait les Lilliputiens de leur île. »



vendredi 23 août 2013

Cristallisation secrète - Yoko Ogawa



4ème de couverture :

L'île où se déroule cette histoire est depuis toujours soumise à un étrange phénomène : les choses et les êtres semblent promis à une sorte d'effacement diaboliquement orchestré. Quand un matin les oiseaux disparaissent à jamais, la jeune narratrice de ce livre ne s'épanche pas sur cet événement dramatique, le souvenir du chant d'un oiseau s'est évanoui tout comme celui de l'émotion que provoquaient en elle la beauté d'une fleur, la délicatesse d'un parfum, la mort d'un être cher. Après les animaux, les roses, les photographies, les calendriers et les livres, les humains semblent touchés : une partie de leur corps va les abandonner.
En ces lieux demeurent pourtant de singuliers personnages. Habités de souvenirs, en proie à la nostalgie, ces êtres sont en danger. Traqués par les chasseurs de mémoires, ils font l'objet de rafles terrifiantes...
Un magnifique roman, angoissant, kafkaïen. Une subtile métaphore des régimes totalitaires, à travers laquelle Yoko Ogawa explore les ravages de la peur et ceux de l'insidieux phénomène d'effacement des images, des souvenirs, qui peut conduire à accepter le pire.

Mon avis :

Je ne lis pas souvent des auteurs japonais, je ne sais pas pourquoi mais la littérature nippone ne m’attire pas particulièrement. C’est à l’occasion d’une lecture commune que je me suis penchée sur ce roman de Yoko Ogawa, le résumé me plaisait et puis … dès que je vois les mots « régime totalitaire » je suis obligatoirement intéressée.
Bizarrement, je n’ai pas vu dans ce roman qu’une métaphore de régime totalitaire, j’ai trouvé que le message allait au-delà.
En effet, le régime mis en place et les phénomènes d’effacement qui touchent cette île inconnue participent à la progressive perte d’identité de tous les habitants. D’ailleurs les personnages ne sont jamais nommés, ils sont distingués soit par leur initiale (« R »), soit par d’autres moyens ( « le grand-père », « l’ex-chapelier » …). Les lieux aussi sont inconnus, nous sommes sur une île mais aucune autre indication géographique n’est donnée. Aucune indication de temps également. On se doute de la similitude avec le Japon ( par la mention d’autres îles à proximité, par le tsunami) mais on reste avec cette impression d’être dans un univers parallèle, dans une autre dimension.

Au fur et à mesure des disparitions, la mémoire des habitants de l’île s’efface, ils oublient l’objet disparu et tout ce qui s’y rattache. Parfois, les conséquences sont anodines mais lorsque les romans disparaissent et avec eux l’usage de l’écriture puis de l’expression, lorsque les membres même du corps humain sont oubliés de leur possesseur, la perte d’identité, l’effacement de l’individu deviennent entiers.

Le parallèle avec les régimes totalitaires que l’on connaît et leur mode de fonctionnement est évident. Police secrète, des dissidents traqués, la méfiance et la peur de la délation, une économie qui s’effondre, la faim, le marché noir, un système qui s’autodétruit, le contrôle des individus et la résignation de ces derniers.

Mais en même temps, ce roman est une belle réflexion sur ce qui est le fondement de notre identité, sur l’importance de nos souvenirs sur ce que nous sommes. Yoko Ogawa montre à merveille les dégâts que peuvent causer la perte de la mémoire, transformant une personne en une autre … étrangère. Les proches des malades atteints de la maladie d’Alzheimer et de toute forme d’amnésie en savent quelque chose.

La narratrice étant écrivain, Cristallisation secrète est aussi un roman dans le roman. Cette deuxième histoire est même encore plus perturbante que l’intrigue principale. Toujours en exploitant le thème de la disparition, elle montre les effets pervers qui peuvent en découler.

Le tout est assez bien mené même si on repère quelques incohérences et si l’univers créé par l’auteur est un peu bancal. On ne peut s’empêcher de se poser des questions d’ordre « pratique » que l’auteur a laissé complètement de côté.
Mais l’idée était assez originale et n’était pas très évidente à traiter. Yoko Ogawa a su habilement mêler l’onirique et l’angoissant. On ressent à la fois toute la poésie du texte et toute l’atmosphère lourde et malsaine relative à la situation.

Pas un coup de cœur mais une belle lecture riche en réflexion que je recommande.

lundi 27 août 2012

Histoires extraordinaires - Edgar Allan Poe



Mon avis :

Après les références faites aux nouvelles de Poe par Bradbury dans les Chroniques martiennes, je mourrais d’envie de faire enfin connaissance avec cet auteur incontournable.
J’ai commencé ma découverte par ce recueil des Histoires extraordinaires.
Je ne pense pas que c’était un choix judicieux et je vais vous expliquer pourquoi :

Poe a écrit nombre de nouvelles qu’on trouve dans différents recueils. Les Histoires extraordinaires et les Nouvelles Histoires extraordinaires en regroupent la majorité, toutes traduites par Charles Baudelaire. Les nouvelles ne sont pas présentées par ordre chronologique d’écriture mais sont plutôt disposées de façon à conserver un lien logique d’une nouvelle à l’autre. On retrouvera les mêmes thèmes, les mêmes problématiques, les mêmes ficelles. Ce qui peut expliquer que certains lecteurs aient eu l’impression de lire à chaque fois la même histoire. Si vous craignez cette sensation de répétition, premier conseil : lisez les nouvelles dans le désordre.

Le recueil des Histoires extraordinaires regroupe 13 nouvelles que j’ai trouvées inégales en qualité (selon mes propres goûts qui ne seront donc pas forcément les vôtres). Voici le détail de mes impressions pour chacune d’entre elles :

Double assassinat dans la rue Morgue :
Une des nouvelles les plus célèbres de l’auteur, elle s’inscrit dans le pur roman policier où l’accent est surtout mis sur le sens de l’observation et sur l’esprit de déduction. Elle met en scène le lieu d’un crime et deux personnages qui vont s’essayer à résoudre l’affaire : M.Dupin et le narrateur. Ces deux personnages et leur façon de procéder ont clairement inspiré Sir Arthur Conan Doyle et ses célèbres Sherlock Holmes et Dr Watson.
Intéressante par le fait qu’elle soit une source d’inspiration, cette nouvelle ne m’a particulièrement emballée.

La lettre volée :
On reprend les mêmes personnages et on recommence. Cette fois-ci, nos deux détectives amateurs recherchent une lettre assez compromettante.
Ici aussi, le dénouement n’est pas particulièrement époustouflant. Il faut dire qu’à notre époque, les ficelles sont usées jusqu’à la corde mais je reconnais que ça a du avoir un caractère très novateur pour l’époque de Poe.

Le Scarabée d’or :
Une nouvelle étrange où on oscille entre fantastique (par le décor, la psychologie des personnages) et l’aventure. Elle a peut-être pu inspirer Stevenson. On y trouve aussi un cours d’initiation à la cryptographie (science que Poe adorait). J’ai bien aimé mais sans plus.

Le canard au ballon :
L’histoire et le contexte d’écriture de cette nouvelle sont plus intéressants que la nouvelle elle-même. Il s’agit à l’origine d’un canular paru dans un journal. Poe y raconte l’exploit réalisé par une poignée de savants ayant réussi la traversée de l’Atlantique en ballon (à savoir que ceci n’a été réalisé pour la première fois qu’en 1978 !). Poe agence son récit de manière à rendre l’événement crédible, on a ainsi droit à plusieurs pages de descriptions techniques relatives au ballon et à son fonctionnement. Le reste relate la traversée.

Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaal :
Ma préférée du recueil ! J’ai vraiment adoré cette nouvelle. Elle devait elle aussi être un canular à l’origine et paraître dans un journal seulement Poe s’est fait griller la politesse par un astronome ayant eu apparemment la même idée. Laquelle ? Faire croire qu’un homme était parvenu sur la lune où il y découvrait une civilisation extra-terrestre. Poe a remanié son texte pour en faire la nouvelle que l’on peut lire. Elle raconte donc l’histoire d’un marchand qui, pour échapper à la misère et à ses créanciers, décide d’aller vivre sur la lune. Pour cela, il construit un ballon et prévoit tout le nécessaire pour qu’il puisse atteindre la lune. Le texte est parfois très technique et scientifique ce qui le rend très crédible. Bien entendu, certains détails sont incohérents, je mettais ces incohérences sur le dos de l’état des connaissances de l’époque alors qu’en fait elles sont délibérément incluses dans le texte par l’auteur en guise d’indices pour déceler le canular. Néanmoins, le réalisme de l’expérience est tel que je me suis laissée aller à y croire et à sourire à la fin.

Manuscrit trouvé dans une bouteille :
Je suis passée à côté de cette nouvelle qui se veut fantastique et où on vogue à bord d’un mystérieux navire. Je n’ai pas tout compris et je ne sais pas s’il y avait quelque chose à comprendre.

Une descente dans le maelstrom :
J’ai bien aimé ce récit, écrit de façon très réaliste et où j’ai ressenti plus de sensations que dans les autres nouvelles. Jusque là, j’avais trouvé l’écriture de Poe assez froide, je n’arrivais pas à ressentir quoique ce soit mais celle-ci sort du lot.

La vérité sur le cas de M.Valdemar :
On entre dans le paranormal avec cette nouvelle et les suivantes. Le narrateur est magnétiseur et va maintenir un homme entre la vie et la mort en le magnétisant. On sent que Poe a du s’intéresser à ce genre de « science » sans y croire si on se fie à certains de ses commentaires à ce sujet. Etant hermétique à ce genre de pratiques, je n’ai pas vraiment apprécié cette nouvelle.

Révélation magnétique :
Le narrateur est là aussi magnétiseur. Il rapporte le dialogue qu’il a eu avec l’un de ses « patients ». Poe utilise ce moyen pour exprimer certaines considérations d’ordre philosophique concernant l’existence d’une divinité matérielle ou spirituelle. Je n’ai pas terminé ma lecture de cette nouvelle, je n’y comprenais rien et je n’avais pas envie de lire ce genre de choses.

Souvenirs de M.Auguste Bedloe :
Encore du magnétisme excepté que cette fois la relation entre magnétisé et magnétiseur est si forte que le magnétisé semble vivre la vie d’un autre à travers les souvenirs qu’a le magnétiseur de cet autre. Toutefois, Poe maintient le doute concernant cette explication et en suggère une autre : la réincarnation.
J’ai bien aimé mais sans plus encore une fois.

Morella :
On retrouve le thème de la réincarnation. Cette nouvelle aurait pu être bien plus angoissante mais ça n’est pas passé.

Ligeia :
Une belle histoire de fantôme, classique me direz-vous mais j’ai bien aimé.

Metzengerstein :
Deux familles voisines se haïssent. Lorsqu’il semblerait que l’une des deux soit anéantie, elle parvient quand même à détruire sa rivale par le biais d’un mystérieux cheval. J’ai bien aimé l’idée, ce que Poe voulait faire mais encore une fois je n’ai pas été convaincue et j’ai bien du mal à expliquer pourquoi. Peut-être le style …



Donc voilà, mon avis d’ensemble sur ce recueil est plutôt mitigé. Je m’attendais à plus de frissons et je pense que la déception m’a empêchée de savourer ces histoires comme il l’aurait fallu. Le genre de la nouvelle ne facilite pas non plus les choses.
J’ai trouvé le style de Poe trop dénué d’émotions, c’était froid et je n’arrivais pas à être touchée. La traduction de Baudelaire n’y a rien fait. J’ai retenu quand même de ce recueil que Poe était un homme très intelligent et très cultivé. Il était assez sûr de sa supériorité intellectuelle et ça se ressent par moment. Il s’intéressait à des domaines très variés et semblait de plus très bien les maîtriser.
Je suis admirative de cette maîtrise mais aussi de son imagination. On sait que Poe a posé les bases du roman policier, il sait aussi écrire de la science-fiction, du fantastique, de l’aventure. Il touche à presque tous les genres. Il est ainsi une source d’inspiration pour de nombreux auteurs : Conan Doyle, Stevenson, Jules Verne etc…
Je n’ai donc pas voulu m’arrêter à ce recueil et j’ai poursuivi avec les Nouvelles Histoires extraordinaires où, là, on découvre le véritable génie de Poe.
Donc un conseil, si vous souhaitez découvrir Poe, commencez par les Nouvelles Histoires.

lundi 13 février 2012

Kairo - Kiyoshi Kurosawa



4ème de couverture :

Michi, une jeune fille de vingt et un ans, pressent que quelque chose est en train de se dérégler dans le monde après la disparition brutale ou le suicide inexpliqué de personnes de son entourage.
Ailleurs, un jeune homme découvre dans un laboratoire un étrange programme informatique sur la vie artificielle. Dans l'au-delà, les morts qui grouillaient jusque-là dans une léthargique éternité se manifestent à travers des écrans d'ordinateur et entreprennent de prendre la place des vivants. Peu à peu des femmes, des hommes passent " de l'autre côté " tandis que l'univers se dépeuple et que la peur augmente. Est-ce la fin du monde ?
Un roman fantastique ironique et déroutant par un écrivain qui est aussi l'un des cinéastes japonais les plus inventifs de sa génération. Son film Kairo, sorti en France en 2001, a connu un grand succès.

Mon avis :

Le résumé m’avait intriguée, je me suis donc plongée dans ce roman apocalyptique assez particulier.

Je dois reconnaître que le concept de base est assez original : Internet comme interface entre le monde des vivants et l’au-delà et comme moyen pour les morts de prendre la place des vivants, je trouvais ça intéressant. Et puis aussi, pour une fois, je lisais un roman sur les revenants qui soit un tant soit peu crédible. Je veux dire par là que les fantômes des romans gothiques caricatures du fantôme tout blanc qui apparaît à minuit et qui hante des vieux châteaux, eh bien je trouve ça trop ridicule. Donc pour le coup là j’étais plutôt contente.
Seulement voilà, plusieurs choses m’ont gênées dans ce roman.

La première est une incohérence due au concept ou alors c’est moi qui n’aie pas bien compris je ne sais pas trop. Mais si les morts prennent la place des vivants et sachant que depuis que l’humanité existe il doit y avoir des milliards de milliards de morts, comment expliquer que le monde se dépeuple ? On est que 6 milliards d’êtres humains sur la planète donc ils devraient tous être remplacés par des morts, non ? Enfin bref, moi pas avoir compris …

Autre point gênant : le style. Pour le coup, il est à l’image de l’ambiance décrite dans ce roman : un style plat et sans vie. Je n’ai ressenti aucune émotion à sa lecture. Le climat était pourtant à l’angoisse, j’aurais donc du me sentir mal à l’aise, avoir un semblant de palpitation au cœur, mais non. J’ai trouvé ça vraiment dommage car l’histoire s’y prêtait vraiment et il y aurait vraiment eu matière à faire quelque chose de terriblement anxiogène. En clair, on met le concept dans les mains de Stephen King et là, j’en suis sûre, ce serait génial.

Bon ceci dit, d’après la 4 de couv, l’auteur est aussi cinéaste. Je ne sais pas ce que donne le film, j’aimerais bien le voir pour me faire une idée ( mais bon … avec la fermeture de megaupload, je n’en aurais probablement pas l’occasion). En tout cas, s’il est du même cru que Dark Water (que j’avais vraiment adoré !) , ça pourrait compenser le livre. Après lecture du synopsis du film, il semblerait que l’histoire soit quand même assez différente du livre.

Le roman a tout de même le mérite de soulever des questions sur le sens de la vie, la solitude de l’existence, l’immortalité et sur l’au-delà. Si vous êtes croyants, ne pensez pas trouver là des notions telles que Paradis, Jugement dernier ou Enfer. Du moins … pour l’Enfer, pas au sens où il est décrit dans les religions.
J’ai aussi aimé cette dénonciation d’une société individualiste où la solitude règne et dans laquelle une personne peut disparaître du jour au lendemain sans que cela n’inquiète grand monde. J’ai senti aussi (mais peut-être que je me trompe) une mise en accusation de l’outil informatique et d’Internet qui, en donnant l’illusion à l’utilisateur d’être en connexion avec le monde, ne fait que l’isoler davantage de ses proches et de sa vie.

Un petit extrait pour illustrer mon désappointement face au style :

«  Mitsuyama ouvrit le tiroir du bureau et sortit dans un mouvement ample un objet noir. C’était un revolver. Ryôsuke en eut le souffle coupé. Mitsuyama l’appliqua aussitôt sur sa gorge et tira. Dans un fracas assourdissant , tout son corps trembla brusquement et s’affala sur le bureau dans une posture tordue. Quel événement ! Rouge vif, le sang se mit à dégouliner par terre le long du bureau. »

Alors voilà, on est typiquement dans une scène tendue et dramatique et là PAF ! Ce « Quel événement ! » qui vient tout gâcher. Et là où j’aurais du trembler un minimum d’effroi, eh bien j’ai rigolé ! Il aurait pu écrire « Oh la la, quelle drôle de surprise ! » que ça m’aurait fait pareil …
Alors je ne sais pas, c’est peut-être moi qui suis trop difficile mais désolée car franchement j’en ris encore.

Donc voilà, un roman intéressant sur le fond mais présenté sous une forme qui ne me convient pas. Si je devais résumer mon avis en un seul mot, ce serait : dommage …



mercredi 28 décembre 2011

La femme sous l'horizon - Yann Queffélec



4ème de couverture :

Au cœur froid de la Lorraine, dans un manoir russe, vit un étrange clan: les Tarassévitch.
La petite Ilinka, privée de sa mère, qui est morte dans un accident, ne connaît là que silence et indifférence.
Pourquoi tant de mystères autour de sa naissance ? Au village on sait. Mais on se tait. On a juré.
Jusqu'au jour où Ilinka reçoit un signe du destin une lettre de sa mère, des mots vieux de treize ans. Un avertissement, une prémonition. Elle doit fuir à tout prix le manoir et sa malédiction…

Mon avis :

J’ai trouvé ce livre dans ma bibliothèque chez mes parents. Personne ne sait d’où il sort, je n’ai aucun souvenir de l’avoir acheté, mes parents non plus… Mystère …
Et puis bon, Yann Queffélec, je ne l’avais encore jamais lu, c’était l’occasion de le découvrir.
Et je n’ai pas été déçue de la découverte.

Ce roman m’a beaucoup rappelée Les Hauts de Hurlevent par son atmosphère si sombre, ses personnages si entiers et ses sentiments si forts.
Rien que le décor : un vieux manoir délabré près d’un lac au cœur de la forêt, où vit une famille d’aristocrates russes exilés. Il y fait très froid, la grand-mère, chef de famille, ne supportant pas le feu ni la moindre petite flamme.
Les habitants : la grand-mère acariâtre, méchante, ne vit qu’à travers ses souvenirs bons et mauvais. Elle maltraite tout son monde y compris ses deux fils. L’aîné, Vladimir, complètement sous l’emprise néfaste de sa mère, est alcoolique, violent et ne se remet pas de la mort de sa femme qui le rendait pourtant fou de jalousie jusqu’à en ressentir des pulsions de meurtre. Le cadet est un peu plus à l’écart mais reste d’une passivité déconcertante . Les petites-filles ne sont pas mieux loties, battues ou simplement ignorées, leur destin reste tragique à toutes les deux. On a beau essayer de prendre Tita (alias Ilinka), le personnage principal, en sympathie, c’est difficile tellement elle est … bizarre. Sa troublante ressemblance avec sa mère fait qu’elle suscite la haine de sa grand-mère et de Vladimir. Il semblerait qu’à travers Ilinka, ce soit sa mère qui revive, ce qui n’a pour d’autre effet que d’exacerber les rancoeurs que sa mère inspirait déjà.

Ce roman est d’une noirceur incroyable, l’atmosphère est glauque et glaciale. Yann Queffélec parvient à dresser le portrait de ses personnages avec beaucoup de force. On ne peut pas rester de marbre. Et encore une fois, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec les personnages d’Emily Brontë.
Le style est en plus vraiment agréable et assez poétique sans tomber dans l’excès. Les descriptions sont justes, intégrant les éléments de décor souvent caractéristiques du genre fantastique et traduisent ainsi vraiment bien l’atmosphère qui règne. Bref on s’y croirait.
Le seul reproche que j’ai à formuler est que l’on devine bien trop tôt le pourquoi du comment de l’intrigue et ça gâche un peu l’effet.
Sinon, j’ai vraiment beaucoup aimé et surtout pour les passages sur la jalousie (un des thèmes dominants de ce roman) magnifiquement bien traitée et qui m’ont particulièrement touchée. La haine et la violence sont également des thèmes qui, avec la jalousie, accompagnent le lecteur jusqu’au bout sans lui accorder aucun répit.
Si vous avez aimé Les Hauts de Hurlevent, il est fort probable que vous aimerez La femme sous l’horizon.


lundi 11 juillet 2011

Le cauchemar d'Innsmouth - H.P. Lovecraft



4ème de couverture :
« Innsmouth … C’est le hasard qui m’y conduisit, durant cet été où je fêtais ma majorité en parcourant la Nouvelle-Angleterre. Je voulais me rendre à Arkham, mais le prix du billet de train me fit hésiter. C’est alors que l’employé des chemins de fer me parla de ce vieil autobus, que presque personne n’empruntait ? Parce qu’il passait par Innsmouth…
« Mais pourquoi les gens évitaient-ils cet ancien port de pêche, comme si ses habitants avaient la peste ? Après cette horrible nuit que je passai là-bas, je compris. Je réussis pourtant à m’échapper, de justesse. Etait-ce vraiment une chance ? J’ignorais alors que le cauchemar ne faisait que commencer. »

Mon avis :
Il est impossible pour moi de vous en dire plus sur l’histoire elle-même que raconte Howard Phillips Lovecraft, maître du récit d’horreur et de science-fiction ayant inspiré entre autres le célèbre Stephen King, dans cette nouvelle. Cela vous gâcherait tout le plaisir et l’effet de surprise s’en trouverait amoindri et ce serait dommage car c’est cela qui a fait que «  Le cauchemar d’Innsmouth » a été pour moi un gros coup de cœur.
Ce fut ma première rencontre avec cet auteur et je ne suis pas prête de l’oublier.
Le suspense, la tension, la peur sont réellement au rendez-vous. Le rythme est haletant, le style magnifique : les descriptions sont tellement bien menées, l’auteur réussit vraiment à nous faire ressentir l’atmosphère malsaine et étrange des lieux.
Certains passages sont excellents, le rythme cardiaque s’accélère.
Je craignais que l’histoire soit tellement irréaliste qu’elle ne m’aurait fait aucun effet et mes craintes se sont rapidement dissipées. Oui c’est irréaliste, c’est de la science-fiction mais c’est tellement bien écrit qu’on  se retrouve plongé dans cet autre monde étrange.
Qu’il y ait des monstres effrayants ou pas, ce n’est pas là le génie de l’auteur, non. Son génie se trouve dans sa façon à jouer avec nos petites peurs naturelles : une ombre qui passe, une serrure qu’on essaie de forcer pendant la nuit, une ville déserte. Tous les ingrédients sont mis à profit pour vous angoisser.
Et alors la fin ! En apothéose ! Je ne m’y attendais pas du tout, ce fut une grosse surprise, la cerise sur le gâteau, mon enthousiasme était complet.
On peut même trouver dans ce récit de quoi réfléchir sur certains vices caractéristiques à l’espèce humaine comme le désir d’immortalité ou encore l’appât du gain.
Je suis donc ressortie de ma lecture totalement emballée à tel point que j’ai raconté grossièrement l’histoire à mon fiancé qui, du coup, a voulu la lire.
De même, je me suis ruée à la librairie me procurer d’autres ouvrages de Lovecraft afin de pouvoir m’immerger de nouveau dans son univers.
Alors amateurs du genre ou simples curieux, foncez, vous ne serez pas déçus.