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samedi 6 juin 2015

Robinson Crusoé - Daniel De Foe





« Puisqu’il nous faut absolument des livres, il en existe un qui fournit, à mon gré, le plus heureux traité d’éducation naturelle. Ce livre sera le premier que lira mon Émile ; seul il composera durant longtemps toute sa bibliothèque, et il y tiendra toujours une place distinguée. Il sera le texte auquel tous nos entretiens sur les sciences naturelles ne serviront que de commentaire, il servira d’épreuve durant nos progrès à l’état de notre jugement ; et, tant que notre pur ne sera pas gâté, sa lecture nous plaira toujours. Quel est donc ce merveilleux livre ? Est-ce Aristote ? Est-ce Pline ? Est-ce Buffon ? Non ; c’est Robinson Crusoé. »
 Rousseau - Emile ou de l'éducation


Dès notre plus tendre enfance, notre imaginaire est nourri de contes, légendes et histoires dont on a parfois du mal à connaître l’origine mais qui finissent par nous être si familières qu’on se retrouve tout étonné, lorsque parvenus à l’âge adulte, nous redécouvrons ces personnages et aventures fabuleuses et que nous nous apercevons à quel point ces petites histoires que l’on croyait enfantines sont riches en enseignement et bien plus complexes qu’elles ne le laissent paraître.
Robinson Crusoé fait partie de ces mythes littéraires qui font la richesse de notre patrimoine culturel mondial. Précurseur d’un genre , la vie de cet aventurier fictif créé par Daniel De Foe a inspiré par la suite nombre d’autres récits, films et œuvres en tout genre que l’on a coutume de désigner sous le nom explicite de « Robinsonnades ». Les exemples sont légion mais parmi les plus célèbres on peut citer Le Robinson Suisse de Johann David Wyss, Sa Majesté des Mouches de William Golding, L’Île mystérieuse de Jules Verne et la célèbre réécriture Vendredi ou les limbes du Pacifique par Michel Tournier.

Je me souviens qu’en classe de 5ème, ma professeur de français avait choisi de nous faire étudier la version pour enfants du roman de Michel Tournier : Vendredi ou la vie sauvage. Et je me rappelle à quel point j’avais été déçue de ce choix car «  je connais déjà l’histoire euh ! Moi je veux lire Fantômette !». Plus de vingt ans après et sur les conseils insistants de mon mari, j’ai voulu revenir à la source et redécouvrir les aventures de Robinson Crusoé par Daniel De Foe.
Je sais qu’il existe une traduction toute récente du roman, néanmoins j’ai lu celle qui faisait foi depuis le XIXème siècle c’est-à-dire la traduction de Petrus Borel que j’ai beaucoup appréciée malgré quelques tournures étonnantes ( apparemment le style de De Foe n’a pas été respecté) et les quelques coquilles que comportait mon édition. A ce propos, j’ai lu une édition poche GF-Flammarion vieille de vingt ans et pourtant le livre est comme neuf, les pages sont toujours d’un blanc éclatant, je ne peux pas en dire autant de mon édition du même âge d’Une vieille maîtresse de Barbey d’Aurevilly chez Folio … ( les éditions GF-Flammarion sont définitivement mes éditions poche préférées !)

Premier constat, je me suis rendue compte que j’ignorais complètement ( ou avait complètement oublié ?) quelle avait été la vie de Robinson avant le naufrage et son arrivée sur l’île c’est-à-dire de quel milieu social il était, quelles étaient les raisons de son voyage en mer et quelles étaient les circonstances du naufrage etc … Et j’ai donc découvert un jeune homme de condition moyenne que son père souhaitait voir prendre le même chemin que lui : celui d’une vie douce et tranquille, certes modeste mais à l’abri des vicissitudes de la pauvreté et de l’ambition. Mais la jeunesse est folle et veut voir le monde, Robinson fait peu de cas des désirs et des avertissements d’un père au discours prophétique et fuit le foyer familial. Ses premiers pas chaotiques sur les ponts des navires sont bien près de le faire revenir à la raison et par là même à la maison. Mais la jeunesse est folle et surtout entêtée. Robinson persiste dans sa voie maritime, traverse moultes péripéties qui sont pour le personnage autant de mauvais présages et pour le lecteur autant d’occasions d’appréhender la mentalité de l’époque ( nous sommes au XVIIème siècle) que de s’en offusquer. Ne serait-ce qu’à travers les raisons qui poussent Robinson à effectuer le voyage au cours duquel il fera naufrage. Seul rescapé de la catastrophe, Robinson nage jusqu’à une île déserte et doit alors organiser sa survie.

Deuxième constat, j’ai réalisé à quel point Robinson Crusoé était un roman riche aux visions et interprétations multiples. Au-delà du simple récit d’aventure propre à enthousiasmer et faire rêver les enfants, le roman se pose en véritable éloge de la civilisation britannique et se fait le chantre du colonialisme à travers une allégorie de l’empire britannique qui transpire à travers différents détails.
La vision colonialiste transparaît principalement à travers la relation Robinson/Vendredi qui est une relation de dominant à dominé. Robinson ne traite pas Vendredi en égal mais bien en inférieur qu’il se doit d’amener à la civilisation. Robinson va ainsi instruire Vendredi et lui inculquer son mode de vie, sa culture, sa religion. Pas un seul instant il n’a la curiosité de s’intéresser à la vie de Vendredi qui est natif de la contrée et doit donc savoir bien mieux que Robinson comment exploiter les ressources de l’île et vivre en harmonie avec elle. Le seul passage où il y a réellement échange c’est au sujet de la religion, les questions de Vendredi sont d’ailleurs croustillantes et mettent Robinson dans l’embarras. Mais en dehors de ce point, le roman est une véritable vitrine des mentalités de son époque.

Seul sur son île, Robinson se l’approprie complètement, elle devient sa possession personnelle, son domaine en lequel il est souverain tout puissant. Vendredi est son sujet et de même sont ceux par qui viendra sa délivrance. Ne se fait-il pas d’ailleurs nommé gouverneur ? Ne fait-il pas de l’île sa colonie qu’il vient visiter une fois retourné dans le monde ? Et c’est précisément ce qui a amené certains commentateurs à faire de Robinson Crusoé une allégorie de l’empire britannique. Ainsi pour eux, la caverne que creuse Robinson afin d’y mettre ses affaires en sûreté est un rappel de l’activité minière de la Grande-Bretagne, activité à laquelle elle devra sa puissance ( argument un peu anachronique non ?)
Robinson ne manque pas non plus de louer l’humanisme britannique et la grandeur de la civilisation britannique en n’hésitant pas à pointer du doigt l’autre grande puissance de l’époque : l’Espagne. Ainsi Robinson s’offusque-t-il des massacres perpétrés sur les indiens d’Amérique par la couronne espagnole ( mais par contre la traite négrière et l’esclavagisme ne semblent pas lui poser de problèmes de conscience …).

J’ai été très surprise par les premières lignes qui décrivent les premiers pas de Robinson sur l’île. Je m’attendais à des pleurs, des lamentations et bien que De Foe nous fasse part un peu plus loin au cours du récit des états d’âme de son survivant, j’ai trouvé, au lieu d’un personnage désemparé et complètement perdu, un homme d’un flegme et d’un pragmatisme étonnants. Immédiatement, Robinson réagit, tire de l’épave du navire tout ce qui peut lui être utile, cherche un lieu où s’installer tout en étant à l’abri d’éventuels sauvages ou animaux et tout en pouvant surveiller l’horizon.
Et pendant une grande partie du roman, Robinson décrit dans les moindres détails tout ce qu’il entreprend. Bien qu’il ait pu récupérer pas mal de choses sur le navire et notamment des armes et des vivres, il doit tout de même voir plus loin et envisager le moment où ses réserves seront épuisées.
Ces pages peuvent peut-être ennuyer le lecteur par l’abondance de détails qui lui paraîtront peu intéressants. Pour ma part, ça m’a passionnée ! Parti du foyer familial en affirmant qu’il ne savait rien faire, Robinson doit tout apprendre, exercer tous les métiers. Il est gestionnaire, compte tout, vivres, munitions, poudre, le temps … Il est bucheron,charpentier, menuisier, mineur, agriculteur, chasseur, potier, tailleur, boulanger. Il y a ce passage magnifique où il fait remarquer que dans notre société confortable on ne s’imagine pas le travail qu’il y a derrière un simple morceau de pain. Et cet autre passage où il doit s’y reprendre à maintes et maintes reprises pour obtenir un simple pot en terre dans lequel conserver ses aliments ou les faire cuire. Robinson pourrait nous apparaître comme un surhomme mais il n’en est rien car il peine et commet des erreurs.
Robinson transporte ainsi la civilisation qu’il connaît sur son île. Mieux, il recréé une civilisation débarrassée du vice de l’argent et de l’ambition, il aimerait tant échanger toutes ces pièces d’or contre de simples ustensiles de cuisine ou une simple paire de chaussures. Ceci dit, tout en maugréant sur l’inutilité de l’argent sur l’île, Robinson n’en récupère et conserve pas moins tout celui qu’il trouve ! « Money It's a gas Grab that cash with both hands and make a stash »

Eloge de la civilisation et en particulier de la civilisation britannique, Robinson Crusoé est aussi un roman moral d’apprentissage aux nombreuses références religieuses et philosophiques.

Le roman prend à de nombreuses reprises modèle sur la Bible. La vie de Robinson se calque tour à tour sur celles de différents prophètes. D’une façon générale il est Job, celui qui pouvait tout avoir et mener une vie tranquille jusqu’à ce que Dieu en décide autrement, lui fasse tout perdre pour lui rendre au centuple à la fin. Dans la première partie du roman, il est Jonas, celui qui semble porter malheur à tous les navires sur lesquels il pose les pieds. Puis sur l’île, il est Adam. Dans les descriptions et la narration de De Foe, les allusions au Paradis biblique et à la Genèse sont évidentes.
Robinson, c’est celui qui ignorait Dieu et qui, par ses aventures, va progressivement « rentrer dans le droit chemin ». Robinson Crusoé, c’est aussi le récit d’une repentance, d’une expiation. La faute commise est de n’avoir pas écouté les avertissements et conseils du père, d’avoir voulu braver le destin. La révélation se fait lors d’un rêve, dès lors, Robinson se réfugie dans la religion, étudie la Bible, prie. De là, quelques belles lignes de morale chrétienne nous invitent à tempérer nos ambitions, à apprendre à nous satisfaire de ce que l’on possède déjà, de ne pas convoiter les richesses d’un plus aisé que nous, penser que notre sort est bien plus enviable que celui de certains autres et que la situation pourrait toujours être pire que ce qu’elle est.
Mais De Foe inclut également dans son texte quelques références philosophiques. J’ai surtout remarqué celles tenant aux idées de John Locke sur l’argent et la propriété : dans l’état de nature, l’homme ne recherche que ce dont il a besoin, il ne lui sert à rien d’accumuler. La situation de Robinson correspond justement à celle de l’homme dans l’état de nature : il est seul, n’a aucune concurrence pour la nourriture, il lui est donc inutile de faire des réserves de denrées amenées à se gâter et ne recueille donc que le nécessaire.
J’ai cru comprendre que De Foe s’inspirait aussi d’idées sur le travail et la vie en société, la solitude et l’isolement. Je ne peux malheureusement pas vous en parler car je n’ai pas approfondi la question et mes connaissances en philosophie sont limitées.

Sur la forme, Robinson Crusoé est écrit à la première personne, c’est donc Robinson lui-même qui nous narre ses aventures. Cette vision auto centrée participe elle aussi à mettre l’accent sur l’homme blanc, civilisé. C’est Robinson le héros. Michel Tournier prendra le contrepied de cette vision. Je vous en parlerai très bientôt car j’ai l’intention de le lire pour faire la comparaison.
Ce qui m’ a surprise c’est que à un moment donné, alors que la narration s’effectuait normalement jusque là, De Foe adopte la forme du journal. Je n’ai rien contre sauf qu’il l’abandonne complètement quelques pages plus loin. Je pense qu’il a voulu cantonner l’emploi du journal à toute cette période où Robinson est seul et effectue des tâches quotidiennes répétitives. D’ailleurs , j’ai trouvé que les répétitions se sentaient un peu trop. Mais dès que l’action reprend véritablement lorsque Robinson découvre une empreinte de pas, la forme du journal est interrompue et la narration reprise normalement. Autre défaut, la fin est complètement bâclée, je n’ai pas compris, on dirait que De Foe a cherché à se débarrasser au plus vite, c’est très étonnant.

Néanmoins, j’ai adoré cette lecture qui m’a encore fait rêver malgré que l’histoire soit connue. On peut vraiment dire que j’ai redécouvert le mythe de Robinson. C’est un roman qui, avec toute sa richesse cachée, reste un grand roman d’aventure. J’ai hâte de lire la version de Michel Tournier !

jeudi 11 septembre 2014

Les Travailleurs de la mer - Victor Hugo



J’étais fâchée avec Victor Hugo. D’abord, parce que, comme les lycéens de l’an passé, je me suis prise une très mauvaise note au bac de français sur un de ses textes ( alors que je pensais avoir bien réussi ). Je sais … ce n’est pas la faute de ce cher Victor mais voilà, le lycéen est rancunier.
Ensuite, parce que quand j’ai voulu lui pardonner, je me suis frottée aux Contemplations et me suis rendue compte que je n’avais pas les outils pour apprécier pleinement ce recueil. Certains de ses poèmes sont très personnels ou bien très inspirés de la situation politique de l’époque et lorsqu’on ne maîtrise pas tout ça, on se sent exclu, des allusions nous échappent et j’avais donc l’impression que Victor Hugo me claquait la porte au nez.
J’ai alors essayé de lire Les Travailleurs de la mer mais j’ai fait l’erreur de commencer par L’Archipel de la Manche, sorte de chapitre préliminaire au roman présentant le cadre géographique du roman : les îles anglo-normandes, leur population, leur géographie, leur faune et flore, leurs us et coutumes. Je ne m’attendais pas à un tel déballage de connaissances avec un côté catalogue et des allures d’étude botanique et sociologique. Résultat : j’ai abandonné.

Et voilà que Claudialucia lance une lecture commune. Et comme je suis du genre têtue, je me suis inscrite. Cette fois, je n’ai pas commis la même erreur et j’ai commencé directement ma lecture par le roman me réservant le chapitre tant redouté pour la fin. Et j’ai ainsi enfin pu découvrir non seulement l’auteur mais également un grand roman dont je suis ressortie épuisée et bouleversée mais enchantée.

Maison de Victor Hugo à Guernesey
C’est en 1856 que l’idée d’écrire Les travailleurs de la mer fait jour dans l’esprit de Victor Hugo. Il travaillera pendant 8 ans à ce projet avant d’en entamer la rédaction en 1864. Il s’agit de son premier roman écrit alors qu’il est en exil à Guernesey.
La première publication du roman intervient 2 ans plus tard en 1866 sans L’Archipel de la Manche auquel Victor Hugo travaille encore. De plus, son éditeur a refusé de l’inclure dans l’édition des Travailleurs de la mer craignant que ce chapitre ne parasite le reste du roman promis à un certain succès. Ce chapitre ne sera incorporé à l’ensemble qu’en 1883.

« Je dédie ce livre au rocher d’hospitalité et de liberté, à ce coin de vieille terre normande où vit le noble petit peuple de la mer, à l’île de Guernesey, sévère et douce, mon asile actuel, mon tombeau probable. »



A Saint-Sampson, mess Lethierry, riche notable de l’île, révolutionne la vie locale en faisant construire et mettre en service le premier navire à vapeur de l’île. Lorsque ce dernier vient à faire naufrage sur le terrible écueil des Douvres redouté de tous les marins de la région, la catastrophe signe la ruine et la déchéance sociale du pauvre homme. La seule solution qui pourrait l’aider à repartir du bon pied serait d’extraire de l’épave la machinerie, technologie alors unique en son genre. Un seul homme est capable de cette prouesse : Gilliatt, jeune homme marginal et mis à l’écart de la population à cause de ses origines incertaines, de ses aptitudes étonnantes dans divers domaines et de son goût pour la lecture. Gilliatt est tout à la fois un marin remarquable et reconnu, il est capable de faire fructifier un lopin de terre sur lequel rien n’est censé pousser, et pourrait exercer plusieurs professions : forgeron, mécanicien etc…
Mess Lethierry promettant la main de sa nièce Déruchette à celui qui sauvera sa machine, Gilliatt, très épris de la jeune fille, relève le défi et s’engage alors dans une lutte féroce contre les éléments et la nature afin d’obtenir la main de celle qu’il aime.

Pardonnez-moi ô divinité de la lecture parce que j’ai péché. Oui je vous l’avoue, j’ai fauté. J’ai honte mais honte ! Alors pour soulager ma conscience, je me dois de me confesser. Alors je vous le dis, je vous l’avoue, ce terrible secret qui me ronge, je sors du placard, je fais mon coming-out littéraire, je vous le dis : j’ai sauté des lignes. Que celui qui n’a jamais péché me lance la première pierre.


Ce que je reprochais à Victor Hugo, j’ai à le lui reprocher cette fois-ci encore. D’après les notes de bas de page, j’ai bien compris que Victor Hugo s’inspirait amplement de sa vie, des événements politiques, socio-économiques de son époque pour construire son récit. Toutes ces allusions sont gênantes car je ne les repère pas toutes ( malgré les notes) et surtout je ne les comprends pas toujours. A la suite de cette lecture, j’ai donc pris la décision de lire une biographie complète de l’écrivain ( si vous en avez à me conseiller, je suis preneuse ) et de lire des ouvrages d’histoire du XIXème siècle. J’ai bien conscience que ce ne sera pas suffisant car j’ai été stupéfaite de l’ampleur des connaissances d’Hugo. Ce qui me fait dire que c’est un auteur encyclopédique. Tous les domaines, tous les continents, il s’intéresse à tout, se documente sur tout et nous en fait part mais d’une manière pas très pédagogique. Dans Les Travailleurs de la mer, à l’occasion du travail de Gilliatt sur la Durande ( le navire-vapeur de mess Lethierry), il ne nous épargne nullement tout le vocabulaire technique lié au monde naval. Les descriptions des interventions de Gilliatt me sont restées complètement hermétiques ( et c’est là que j’ai fini par sauter des lignes). 
Il nous régale également de deux pages entièrement consacrées à énumérer les différents types de vents soufflant sur tout le globe ( je vous en retoucherai un mot plus loin). De nombreux termes sont aussi obscurs car renvoyant à des objets qui ne sont plus courants de nos jours, d’autres se rattachent au milieu naturel de l’île de Guernesey ( et c’est là que je réalise que la lecture préalable de L’archipel de la Manche m’aurait été finalement très utile ).

J’ai donc découvert un auteur extrêmement précis et rigoureux ( à l’excès même) et on comprend aisément pourquoi il lui a fallu 8 ans de préparation. J’imagine tout le travail de documentation et de recherche qu’il lui a fallu. Je reste admirative devant autant de minutie et de souci de l’exactitude. C’est donc tout ce côté du roman qui m’a rendu ma lecture pénible par moment. J’ai souffert mais ça en valait amplement la peine :

J’ai dit que j’étais admirative du travail de recherche effectué par Victor Hugo mais que dire alors de son travail de construction du récit à l’instar d’une tragédie théâtrale ( on trouve d'ailleurs de nombreuses références à Shakespeare) ! Prodigieux, grandiose, incroyable, je suis ébahie ! Tout est scrupuleusement pensé, réfléchi : l’agencement des chapitres, la progression de l’intrigue, la présentation des personnages et des décors. Et Hugo annonce les événements de façon tellement subtile ! Les personnages sont fouillés et on sent bien que Victor Hugo met un peu de lui dans chacun d’eux. Par exemple, la détresse de mess Lethierry à l’annonce du naufrage est directement inspirée par le chagrin d’Hugo lié à la perte de sa fille et à son exil forcé. Sa propre expérience lui confère une puissance d’évocation capable de nous livrer des pages émouvantes et touchantes sans pathos aucun. Car Victor Hugo a l’art et la manière de s’exprimer, tout en poésie et en harmonie.

Et on le remarque d’autant plus à la lecture des descriptions envoûtantes des paysages anglo-normands et surtout de la mer, de l’écueil des Douvres, de la tempête et des forces naturelles déchaînées. Le sublime épisode de la tempête que Gilliatt doit affronter illustre parfaitement ce fait. Victor Hugo l’a construit à l’image d’une bataille. L’écueil des Douvres représente alors le château assiégé, Gilliatt en est le chevalier chargé de le défendre face aux forces adverses en présence que l’auteur nous énumère comme un passage en revue des troupes : les fameuses deux pages consacrées aux vents.

« Aucun flamboiement électrique n’accompagna le coup. Ce fut comme un tonnerre noir. Le silence se refit. Il y eut une sorte d’intervalle comme lorsqu’on prend position. Puis, apparurent, l’un après l’autre et lentement, de grands éclairs informes. Ces éclairs étaient muets. Pas de grondement. A chaque éclair tout s’illuminait. Le mur de nuages était maintenant un autre. Il y avait des voûtes et des arches. On y distinguait des silhouettes. Des têtes monstrueuses s’ébauchaient ; des cous semblaient se tendre ; des éléphants portant leurs tours, entrevus, s’évanouissaient. Une colonne de brume, droite, ronde et noire, surmontée d’une vapeur blanche, simulait la cheminée d’un steamer colossal englouti, chauffant sous la vague et fumant. Des nappes de nuées ondulaient. On croyait voir des plis de drapeaux. Au centre, sous des épaisseurs vermeilles, s’enfonçait, immobile, un noyau de brouillard dense, inerte, impénétrable aux étincelles électriques, sorte de fœtus hideux dans le ventre de la tempête. »

Cet épisode est central dans le récit et ses interprétations nombreuses. Il est à la fois la démonstration de la supériorité de l’intelligence humaine sur la nature que l’homme parvient à dominer et le symbole du second empire né du naufrage ( de la Durande) que fut le coup d’état de Napoléon III sonnant ainsi le glas de la deuxième république. Une deuxième république représentée par la période de service de la Durande et donc de prospérité de mess Lethierry.

Métaphore politique mais aussi socio-économique. La Durande est le symbole de la révolution industrielle difficilement vécue par la population. Le progrès technique et la nouveauté effraient et les réactions des guernesiais à la mise en circulation de cette étrange navire à vapeur en est emblématique. Il est d’ailleurs surnommé le Devil-Boat. Les locaux verront alors leurs croyances funestes se réaliser lorsque le naufrage surviendra.

Ode à la nature, ode au progrès technique, ode à l’intelligence humaine, mais aussi ode au travail. Le XIXème siècle est aussi celui des travailleurs ( en 1864 est fondée la Première Internationale) dont Gilliatt est ici le représentant. Il est le travailleur dans toute sa dextérité, son endurance, son ingéniosité. Lors de son exil sur l’écueil des Douvres , il travaille sans relâche à la libération de la machine de son cercueil d’acier, sans jamais perdre espoir, sans ressentir la fatigue. Il est le Hercule de la mythologie gréco-romaine par opposition aux oisifs, souvent les nobles et les clercs, que la Révolution a renversés. Le travail est devenu une valeur respectée et glorifiée.

Ce roman est clairement celui de Gilliatt, héros romantique par excellence, doté de toutes les qualités, abnégation, sens du sacrifice et du devoir accompli, honnêteté, intégrité. Il écrase de sa stature les autres personnages qui semblent tous bien mesquins à côté de lui. Il est de ses personnages qui marquent une vie de lecteur. Jamais je n’ai autant admiré un personnage. J’en veux beaucoup à Victor Hugo de l’avoir autant éprouvé. Son histoire relie toutes les autres, il est celui qui donne un sens à tout, celui de qui jaillit la lumière, il est le sauveur.

Les Travailleurs de la mer est un immense roman, qui m’a donné du fil à retordre certes mais je ne le regrette nullement. Roman d’aventure mais aussi roman d’amour, il est une lecture exigeante mais bouleversante. J'ai parfois souffert à l'image de Gilliatt dans la tourmente. Je comprends à présent ce qui fait la réputation de Victor Hugo. Je remercie infiniment Claudialucia pour cette lecture commune qui aura été pour moi l’occasion de me réconcilier avec cet immense auteur vers lequel je retournerai assurément.


« Les Douvres au-dessus de sa tête étaient éclairées ainsi que par la réverbération d’une grande braise blanche. Il y avait sur toute la façade noire de l’écueil comme le reflet d’un feu.
D’où venait ce feu ?
De l’eau.
La mer était extraordinaire.
Il semblait que l’eau fût incendiée. Aussi loin que le regard pouvait s’étendre, dans l’écueil et hors de l’écueil, toute la mer flamboyait. Ce flamboiement n’était pas rouge ; il n’avait rien de la grande flamme vivante des cratères et des fournaises. Aucun pétillement, aucune ardeur, aucune pourpre, aucun bruit. Des traînées bleuâtres imitaient sur la vague des plis de suaire. Une large lueur blême frissonnait sur l’eau. Ce n’était pas l’incendie ; c’en était le spectre.
C’était quelque chose comme l’embrasement livide d’un dedans de sépulcre par une flamme de rêve.
Qu’on se figure des ténèbres allumées.
La nuit, la vaste nuit trouble et diffuse, semblait être le combustible de ce feu glacé. C’était on ne sait quelle clarté faite d’aveuglement. L’ombre entrait comme élément dans cette lumière fantôme.
[…]
A cette lumière, les choses perdent leur réalité. Une pénétration spectrale les fait comme transparentes. Les roches ne sont plus que des linéaments. Les câbles des ancres paraissent des barres de fer chauffées à blanc. Les filets des pêcheurs semblent sous l’eau du feu tricoté. Une moitié de l’aviron est d’ébène, l’autre moitié, sous la lame, est d’argent. En retombant de la rame dans le flot, les gouttes d’eau étoilent la mer. Toute barque traîne derrière elle une comète. Les matelots mouillés et lumineux semblent des hommes qui brûlent. On plonge sa main dans le flot, on la retire gantée de flamme ; cette flamme est morte, on ne la sent point. Votre bras est un tison allumé. Vous voyez les formes qui sont dans la mer rouler sous les vagues à vau-le-feu. L’écume étincelle. Les poissons sont des langues de feu et des tronçons d’éclair serpentant dans une profondeur pâle. »

La neuvième vague - Ivan Aïvazovski (1850)




Les avis de : Claudialucia, Nathalie et Miriam.








samedi 24 août 2013

La Horde du Contrevent - Alain Damasio



Je me souviens de mon enthousiasme à suivre l’incroyable épopée d’Ouroz dans Les cavaliers de Joseph Kessel et je me demandais si j’allais retrouver un jour cet engouement, cette sensation de liberté et d’aventure humaine à couper le souffle. Eh bien oui, je les ai retrouvés et là où je ne m’y attendais pas du tout.

J’ai longtemps traîné des pieds avant de me lancer dans La Horde, le résumé ne m’attirait pas particulièrement, des échos de lecteurs pointant la monotonie du récit, les références philosophiques et la difficulté du texte m’avaient assez refroidie. J’avais donc peur de m’ennuyer, peur de me sentir encore idiote ( pourtant la philo ça m’intéresse hein mais j’ai toujours cette impression que les philosophes ne veulent pas que je les comprenne ). Bref, quand un ami livraddictien ( qui se reconnaîtra) m’a fortement encouragée à m’y mettre, je m’y suis mise oui, mais un peu à reculons. Ça tombe bien me direz-vous vu que les pages sont numérotées à rebours.

Et me voilà donc plongée au cœur de la Horde, en plein furvent. Je suis perdue, y a plein de gens autour de moi, je n’arrive pas à savoir qui est qui, qui parle à qui. Je ne comprends pas ce qu’ils disent non plus, ils utilisent des termes qui ne font pas partie de notre vocabulaire. C’est hard mais je m’accroche. Faut faire bloc qu’ils disent alors je fais bloc et j’attends que ça passe. Au bout d’une centaine de pages, je commence à prendre mes repères. Chaque membre de la Horde a un symbole et une fonction précise, j’ai repéré les plus importants, ceux qui semblent être les meneurs. Y a un drôle de trublion aussi, Caracole qu’il s’appelle, il manie le verbe comme moi mes doigts sur le clavier, il y a Sov aussi, le scribe, un romantique celui-là. Coriolis, la bombasse du groupe ( faut toujours qu’il y en ait une, c’est pénible …) et puis plein d’autres aussi. Certains sont plus en retrait, d’autres prennent de l’importance au fur et à mesure. Mais celui qui m’impressionne le plus, c’est Golgoth, la tête brûlée, il avance avec ses jambes mais avec ses tripes aussi, une vraie force de la nature et un vrai mental de guerrier. Un bourin disent certains, ils sont méchants. Golgoth, il en a bavé dans son enfance, on peut lui pardonner.

Je commence à me sentir bien avec eux. A bord du navire Fréole, tout s’accélère. Je sens que mes compagnons de galère sont inquiets. Il se trame quelque chose. Ça n’augure rien de bon pour la suite. En tout cas, je me sens adoptée par mes camarades, leurs soucis deviennent les miens, leur quête devient la mienne. Moi aussi, je veux savoir d’où vient le vent qui balaie ce monde inlassablement, je veux savoir ce qu’il y a en Extrême-Amont.
Me voilà définitivement au cœur de l’aventure. Et quelle aventure mes aïeux ! J’en prends plein les mirettes et j’en bave sévère. Les épreuves s’accumulent, les obstacles s’amoncellent mais on fait bloc, toujours, et on avance quoiqu’il arrive.

Je suis arrivée au bout de ma lecture épuisée et terriblement triste de devoir quitter ceux qui sont devenus ma famille, ceux avec qui j’ai vécu une aventure aussi forte que je ne trouve pas les mots pour la décrire. Alain Damasio m’a complètement bluffée. Quel talent ! On sent que cet homme sait écrire et qu’il n’écrit pas n’importe comment, que tout est calculé, réfléchi, anticipé, un peu comme Erg au combat. Néologismes, jeux de mots et cette fabuleuse joute verbale sont là pour montrer qu’Alain Damasio fait de l’écriture un véritable Art.
Il met en scène 23 personnages, en leur donnant chacun leurs propres caractéristiques. Comme je le disais, certains sont plus effacés, ça peut se comprendre car c’est un travail de fourmi. Mais les plus présents sont dépeints en profondeur. Comme ils prennent la parole chacun leur tour, on vit l’aventure à travers eux, on entre dans leur tête, dans leurs pensées. On est au cœur de la Horde.
Il a construit un univers entier, avec son vocabulaire, ses codes, ses légendes, ses us et coutumes, son organisation sociale. Quelle richesse ! Et cette nature omniprésente, une véritable ode aux éléments et à leur force. Ça m’a beaucoup fait penser à Man VS Wild ( j’adore cette émission et Bear aurait eu toute sa place au sein de la Horde ^^). L’homme est si peu de chose, si faible.

Alors oui, j’en ai bavé parfois. Certains passages sont (trop ?) pointus, j’ai parfois eu l’impression de lire un précis de mécanique des fluides ou de théorie du chaos. Malgré mes connaissances dans le domaine, j’ai rien compris mais peu importe. Pareil pour la philo. Il y a des références paraît-il. Je n’ai reconnu que celle aux 3 métamorphoses de Nietzsche ( je n’y ai d’ailleurs toujours rien compris, quand je vous dis que je suis nulle en philo…). Pour les autres, difficile de reconnaître ce qu’on ne connaît pas. Donc comme je le disais, peu importe. Je me suis essentiellement concentrée sur la quête qui est un peu notre quête à tous. Peu importe l’objectif à atteindre, c’est le parcours nous y menant qui compte, les épreuves que l’on traverse, qui nous font grandir et devenir petit à petit l’individu que nous sommes. La Horde c’est aussi l’illustration de l’adage « l’union fait la force », la solidarité prévaut, on avance ensemble car seul, on est mort.
Il y a tant à retirer de cette lecture et j’ai bien conscience d’être passée à côté d’un tas de choses. Ça me fera une très bonne raison de relire ce roman exceptionnel plus tard, et je sais d’avance que je serai très heureuse de retrouver mes chers hordeux.

Quant à vous lecteur qui n’avez pas encore succombé, ne faites pas comme moi, n’attendez pas inutilement. Attachez votre harnais, faites bloc et pack !

lundi 20 mai 2013

Les cavaliers - Joseph Kessel



Participer au bouzkachi royal de Kaboul, chevaucher à travers les hauts sommets et les vallées de l’Hindou-Kouch, parcourir les allées du bazar et rester bouche-bée devant les gigantesques statues de Bouddha à Bamiyan, croiser la longue caravane des nomades Pachtous, se régaler les yeux du jeu de miroir des 5 lacs de Band-Y-Amir, courir au grand galop cheveux au vent à travers les steppes du Nord de l’Afghanistan, vivre une incroyable aventure humaine où se combattent fierté, honneur, cupidité, voilà ce qui vous attend à la lecture du magnifique roman Les cavaliers de Joseph Kessel.

Ouroz, fils du grand tchopendoz Toursène à la renommée sans égale, veut marcher sur les traces de son père. Accompagné de Jehol le plus beau et le plus fort étalon de toute la région, Ouroz participe à un événement unique dans l’histoire de l’Afghanistan : le premier bouzkachi royal se tenant à Kaboul devant le roi lui-même.

Plus qu’à un simple jeu, c’est à un combat contre lui-même qu’Ouroz doit se livrer, une lutte contre son appétit de gloire, une lutte contre le déshonneur. Son orgueil, cette tenace volonté de se surpasser et de prouver sa valeur vont le conduire très loin, par un long et périlleux voyage à travers le pays, repoussant davantage ses propres limites physiques et morales.

Ouroz a un caractère très dur mais j’ai l’impression que c’est une caractéristique propre aux hommes des steppes. En tant que lecteur, tantôt on l’admire et l’encourage, tantôt on le hait et on le méprise. Son comportement parfois abject et égoïste va même corrompre la plus charitable et dévouée des âmes.

De son côté, le grand Toursène effectue un même itinéraire intérieur. Son honneur et sa dignité lui font mal accepter sa vieillesse et le fait que son fils puisse le remplacer.

Les cavaliers, c’est aussi un beau roman sur la relation d’un père à son fils, le premier jalousant le second, le second cherchant à surpasser le premier. Il faudra les sages conseils de Guardi-Guedj L’Aïeul de Tout Le Monde pour les guider sur la bonne voie.

Mais le véritable héros de cette incroyable épopée reste Jehol, le courageux et vaillant étalon qui prouvera à plusieurs reprises à quel point il concentre à lui seul bien plus de qualités humaines que tous les personnages du livre réunis.

Bref, j’ai adoré ce roman, je suis complètement envoûtée et emportée par ce souffle épique d’une force incroyable. Les descriptions sont grandioses servies par une plume magnifique et poétique. Joseph Kessel immerge complètement son lecteur dans l’ambiance par des détails sur les coutumes, traditions, légendes, superstitions, sur la culture, la cuisine, le mode de vie afghans. Il nous en décrit toute la richesse, la diversité, toute la subtilité.
Il dépeint ses personnages avec force, nous livre leurs introspections, leurs plus profondes pensées, leurs hésitations, leur rage. Le lecteur se laisse emporter, se fait berner par l’un, par l’autre, assiste médusé à certains revirements.
A aucun instant, on ne s’ennuie, on tourne les pages avec avidité poursuivant notre propre quête avec autant de frénésie qu’Ouroz nous entraîne dans sa folie.

C’est à coup sûr le plus beau voyage littéraire qu’il m’ait été donné de faire jusqu’à ce jour. Un roman dépaysant et grandiose à lire sans attendre !

jeudi 19 avril 2012

Le Roman des aventuriers - François Cérésa



4ème de couverture :

L'aventure est un mot aux mille facettes.
Où commence-t-elle, où finit-elle? Un homme d'aventures est un aventurier, une femme d'aventures une femme galante. Mais on peut aller à l'aventure, tenter l'aventure, avoir le mal d'aventures, dire la bonne aventure, se retrouver d'aventure... D'Ulysse à Errol Flynn, d'Athos à Pierre Loutrel, de Tintin à Joseph Kessel, sans oublier Mary Read, Anne Bonny et Karen Blixen, ce Roman des aventuriers dresse le portrait piquant de ces héros d'hier et d'aujourd'hui qui ont décliné le mot "aventure" à toutes les sauces, à toutes les époques, sur toutes les mers et tous les continents.

Mon avis :

Lorsque j’ai vu ce livre dans les partenariats proposés par Livraddict, je me suis ruée dessus. Les grands aventuriers m’ont toujours fascinée et je souhaitais en apprendre plus. Et puis, l’idée d’évoquer aussi des aventuriers fictifs était amusante également. J’ai donc ouvert ce roman avec grand enthousiasme.

Mais dès les premières pages, j’ai senti la catastrophe arriver. Je m’attendais en fait à une sorte d’essai avec des biographies solides des personnages présentés, bref quelque chose d’assez scolaire à vrai dire. Les innombrables références cinématographiques ( qui ne m’évoquent rien pour la plupart) ainsi que le style lourd aux jeux de mots sans fin m’ont fait reposer le livre au bout du premier chapitre.
Je pensais en rester là et puis, conscience de blogueuse oblige, je l’ai tout de même repris non sans appréhension.

Et finalement j’ai poursuivi ma lecture avec plaisir.

Dans les chapitres où les références cinématographiques sont moins nombreuses, je me suis régalée.
J’ai appris beaucoup de choses notamment sur les deux femmes pirates Mary Read et Anne Bonny que je ne connaissais que de nom, sur les grandes figures de l’Ouest américain même si, tout comme une camarade blogueuse, je déplore l’absence des grandes figures indiennes. J’ai beaucoup aimé aussi le chapitre sur Le Caravage un de mes peintres préférés, bien entendu je n’ai rien appris cette fois car je connaissais déjà bien le personnage mais la façon de raconter de l’auteur m’a beaucoup amusée. J’ai découvert également le personnage de Fournier dont j’ignorais totalement l’existence ! Moi qui ne porte pas Napoléon dans mon cœur, je dois dire que ce personnage m’a particulièrement plu. Ce que j’ai moins aimé dans le traitement du chapitre qui lui est consacré, c’est que l’auteur entre trop dans les détails, trop de noms de personnes, trop d’insistance dans le récit des batailles. Bref, pour savourer pleinement cette partie, il faudrait, je pense, maîtriser la période napoléonienne à la perfection, ce qui n’est pas mon cas.
Grâce à monsieur Cérésa, j’ai aussi fait connaissance avec Nellie Bly qui m’a totalement fascinée ! J’ignorais totalement l’impact qu’avait pu avoir le roman de Jules Verne Le tour du monde en 80 jours et qu’on avait cherché à battre le record de Phileas Fogg. Et ce record c’est Nellie qui l’a battu et à 25 ans ! Chapeau Madame ! Et même admiration pour Gertrude Bell et bien d’autres encore.
J’ai beaucoup apprécié la large place faite par l’auteur aux aventurières trop souvent oubliées au profit de ces messieurs. La palette d’aventuriers choisis par l’auteur pour cet ouvrage n’est certes pas exhaustive mais très variée et enrichissante. Loin des aventuriers auxquels on s’attend habituellement ( les Christophe Colomb, Marco Polo etc…), on y trouve des acteurs, des journalistes, des personnages de films et de romans et aussi des écrivains au point que ce livre m’a donné envie d’en lire beaucoup d’autres !

Encore une fois, la seule chose que je reproche à cet ouvrage, c’est l’omniprésence du cinéma. Je n’y connais rien en ce domaine et ça m’a un peu gâché mon plaisir par moments.
En tout cas, j’ai énormément appris grâce à cet ouvrage. Finalement, une présentation scolaire m’aurait certainement ennuyée. Le choix de l’humour et d’un parler sans langue de bois était risqué mais s’est avéré payant pour moi. La lecture était ainsi plus fluide comme si on me racontait l’histoire à l’oral.
Brosser le portrait d’un aventurier en 3-4 pages ne doit pas être chose aisée mais Monsieur Cérésa s’en est tiré avec brio.
C’était donc un ouvrage exigeant par son style et son érudition mais qui m’a fait voyager dans le temps et dans l’espace. Je suis revenue de mon voyage enthousiasmée malgré les difficultés du départ.
Et plus qu’une galerie de portraits, c’est aussi un livre qui invite à réfléchir et à se demander pourquoi l’aventure attire tant. Qu’y recherche-t-on finalement ?

En guise de réponse, j’ai retenu cette citation que je trouve très belle et très juste :

« La véritable aventure est un match perdu d’avance contre la misère et la solitude. »

Je remercie infiniment Livraddict, les éditions du Rocher et Monsieur Cérésa pour cette bien belle aventure qui se sera achevée trop vite à mon goût.