J’ai lu ce livre de Amadou Hampâté Bâ il y a 4 mois déjà,
j’avais tellement apprécié ma lecture, j’avais tant de choses à en dire que je
n’arrivais pas à écrire mon article au point même que j’y avais renoncé.
Mais voilà que je décide de vous en parler quand même,
maintenant que j’ai plus de recul, que cet enthousiasme paralysant s’est
atténué avec le temps. Et surtout je voulais vraiment partager avec vous cette
lecture enrichissante et cet auteur qui mérite amplement d’être lu.
Amadou Hampâté Bâ était un écrivain et un ethnologue malien
qui a consacré une partie de sa vie à travailler à la promotion du patrimoine
linguistique africain. Grand défenseur de la tradition orale africaine, c’est
toutefois par l’écrit que cet homme d’une grande sagesse a transmis son amour
pour la civilisation peule à travers ses divers écrits dont les Contes
initiatiques peuls ainsi qu’à travers ses propres mémoires dont Amkoullel
l’enfant peul constitue le 1er tome. Il a également honoré la
mémoire de deux personnes marquantes dans sa vie : Tierno Bokar, son
maître spirituel duquel il suivra les enseignements jusqu’à son intégration à
l’école française, mais aussi Wangrin, un drôle de coquin qui se sera amusé à
arnaquer et plumer les fonctionnaires coloniaux.
Dans Amkoullel, l’enfant peul, Amadou Hampâté Bâ
retrace son enfance jusqu’à sa prise de poste dans l’administration coloniale
française. Mais il ne s’arrête pas là
puisque, bien avant d’aborder sa propre vie, c’est une large partie de
l’histoire du Mali et de ses peuples qu’il reprend à travers les destins et
origines de ses ancêtres. On découvre alors les empires peuls et toucouleurs
dont les territoires englobaient le Mali actuel et s’étendaient jusqu’à la côte
Atlantique suivant le cours du Niger. Ses rives constituaient un véritable
foyer de peuplement et abritaient les principales villes de la région.
Amadou Hampâté Bâ décrit leur histoire, leurs modes de vie,
leurs traditions et croyances montrant ainsi l’incroyable diversité des peuples
maliens et nous offre une véritable étude sociologique évoquant la place des
femmes, le système de castes et le rôle des waaldés, sortes de confréries
autonomes gérées par les enfants eux-mêmes. On s’étonne de constater
l’incroyable harmonie et tolérance entre les différentes confessions,
différences qui ne sont jamais prétextes à conflits.
Amkoullel, surnom donné par sa waaldé au petit Amadou,
symbolise l’union des deux ethnies dominantes et pourtant adverses, sa mère est
issue d’une longue lignée de nobles peuls. Il sera ensuite adopté par le second
mari de sa mère, lui d’origine toucouleure. C’est pendant son enfance qu’un
événement bouleverse la géopolitique de la région : l’arrivée des colons
français. Amadou Hampâté Bâ nous délivre alors de savoureuses pages et
anecdotes sur les rapports entre maliens et français. Les
« blancs-blancs » sont une grande source de curiosité et d’étonnement
par leur politique, leur couleur ( surtout ce rouge lorsqu’ils se mettent en
colère ) et leurs différences culturelles, de quoi stimuler l’imagination
fertile des maliens.
C’est alors un autre monde auquel est confronté Amkoullel,
surtout lorsqu’il est amené, contre son gré, à intégrer l’école française. Ses
excellents résultats le font rapidement évoluer et l’oblige à s’éloigner mais
la distance d’avec sa famille le pèse. En 1914, la première guerre mondiale
éclate. Amadou Hampâté Bâ montre alors comment cet événement a été perçu par
les africains qui ne comprenaient pas vraiment pourquoi les
« blancs-blancs » se faisaient la guerre entr’eux et ce que, eux,
avaient à voir là-dedans. L’autre drame de l’époque est la grande famine qui
sévit dans une grande partie du territoire. Des villages entiers sont dépeuplés
et des destinées bouleversées.
Après avoir refusé d’entrer à l’école Normale de Gorée pour
ne pas être séparé de sa mère, Amkoullel est envoyé en poste à Ouagadougou très
loin de sa famille. Son expérience de l’administration coloniale et le reste de
sa vie constituent le deuxième volume de ses mémoires.
J’ai véritablement adoré cette lecture très riche et
instructive. Amadou Hampâté Bâ construit son récit à la manière d’un conte
n’hésitant pas à y introduire des éléments du domaine du merveilleux relatifs à
certaines croyances des ethnies qu’il rencontre. Il ordonne ses souvenirs
autour d’événements et de personnages marquants, souvent liés à un lieu
particulier. Il nous fait ainsi voyager avec lui à travers l’ancien Soudan
français et le long de la boucle du Niger. On devient incollable sur la
géographie de la région !
C’est aussi une lecture pleine de sagesse et d’enseignement,
une plongée au sein d’une pluralité de cultures qui se retrouvent néanmoins
autour de valeurs communes telles la solidarité, l’honneur, le respect et la
tolérance.
Amadou Hampâté Bâ base son texte sur ses propres souvenirs
mais aussi sur ceux de ses ancêtres, tous rapportés grâce à la tradition orale.
Lorsque Nicolas Sarkozy affirmait que le continent africain n’avait pas
d’histoire, il raisonnait avec une mentalité d’occidental qui veut que notre
histoire soit transmise et étudiée exclusivement par l’écrit. En Afrique, le
passé revit oralement de génération en génération et la culture locale se
perpétue ainsi.
C’est donc dans la grande tradition des maîtres maliens
qu’Amadou Hampâté Bâ transmet son héritage et celui de tout un peuple tout en
embarquant le lecteur pour un fabuleux voyage riche en péripéties. Son talent
de conteur est remarquable et envoûtant.
J’espère pouvoir bientôt ( enfin … bientôt … euh … disons
dans un certain temps encore indéterminé) lire le 2ème volume ainsi
que d’autres récits de cet homme admirable, tous devenus des classiques
emblématiques de la littérature et de la culture africaine. Je ne peux que vous
encourager à les découvrir vous aussi !
1ère lecture de mon challenge Afrique comptant pour le Mali |
Allez, dans ma wish ! Ton article est très très convaincant. Et je connais très peu la littérature africaine. Ça permettra de combler cette lacune =)
RépondreSupprimerMerci Alison ! Tu verras que la littérature africaine cache de très belles pépites et Amadou Hampâté Bâ en est un excellent ambassadeur. J'ai envie de tout lire de lui !
SupprimerUn ami sénégalais me l'a chaudement recommandé. Ton avis conforte mon envie de le lire. Comme Alison, je connais mal la littérature africaine, et j'essaie, de temps en temps, de m'y initier... C'est ainsi que j'ai découvert l'année dernière Mariama Bâ (dont j'ai énormément aimé "Une si longue lettre") et Emmanuel Dongala (dont le "Johnny Chien méchant" m'a beaucoup moins convaincue)..
RépondreSupprimerTon ami sénégalais a bien raison, c'est vraiment une très belle lecture !
SupprimerIl me manquait justement un auteur pour le Sénégal et je viens de voir que Mariama Bâ est sénégalaise, je note donc ! Merci Ingannmic !
De lui je n'ai lu que "Il n'y a pas de petite querelle", un recueil de contes dont je garde un très bon souvenir.
RépondreSupprimerTiens ! Je ne connais pas du tout ce recueil ! Je note, merci Jérôme !
SupprimerWhaou, que de recommandations tentantes ces jours-ci sur ton blog ! Celle-ci me touche particulièrement, j'espère que la rentrée littéraire passée je pourrai le dévorer :)
RépondreSupprimerMerci Rose ! J'espère aussi que tu pourras le lire, c'est vraiment un très beau document, il y a un 2ème tome intitulé "Oui mon commandant" que j'espère lire bientôt également.
SupprimerUne lecture instructive très tentante ^^
RépondreSupprimerOh oui ! Tu peux te laisser tenter sans hésitation :)
SupprimerCe livre végète dans ma PAL depuis des lustres (genre dans ma PAL préhistorique...) ! Ton billet donne une furieuse envie d'aller le dépoussiérer ;-)
RépondreSupprimerComme quoi des petits trésors se cachent au fond des étagères ! Je suis très contente si j'ai pu te donner envie de l'en sortir car c'est un vrai petit bijou. :-)
SupprimerOh je suis ravie de voir un de mes coups de coeur intemporels! Je l'ai lu deux fois, et aussi la suite, (Oui, mon commandant), et L'étrange destin de Wangrin.
RépondreSupprimerJ'ai L'étrange destin de Wangrin dans ma PAL aussi. Je suis curieuse de le découvrir. Amadou Hampâté Bâ nous en touche déjà un mot dans "Amkoullel" et ce Wangrin a l'air d'être un sacré numéro !
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