Mais voilà que la question s’est reposée après ma lecture des Démons. Et j’ai décidé de quand même en parler parce qu’il est beaucoup moins lu que son illustre petit frère alors que pourtant je l’ai trouvé bien supérieur.
Néanmoins, c’était pas gagné. La première moitié du roman m’a semblée longue et je n’avais aucune idée de où Dostoïevski voulait m’emmener. Il faut dire que je n’avais pas lu de résumé avant et que je n’avais donc aucune idée de quoi ça parlerait. Donc pendant cette première moitié, impossible de déceler une véritable intrigue. Oh si, il y a bien ce personnage au comportement très étrange, Stavroguine mais Dostoïevski ne nous révèle rien. Certains dialogues entre les personnages sont très obscurs car ils s’entretiennent d’un sujet dont on ignore tout. Dostoïevski nous laisse sur la touche, on ronge son frein, on se pose plein de questions et on continue d’avancer parce que, non vraiment, on veut savoir ce qu’ils manigancent tous.
Peu à peu, on comprend bien que ça complote, qu’il s’agit de politique, de révolution. L’occasion pour Dostoïevski de faire part de ses inquiétudes quant à ces idées nouvelles qui circulent en Russie : athéisme, socialisme, fouriérisme, nihilisme. Chaque personnage représentant plus ou moins une de ces tendances, Les Démons est donc une véritable analyse politico-sociale de la Russie du XIXème siècle, une Russie qui commence peu à peu les réformes, subissant l’influence de l’extérieur, une Russie qui se cherche et représente donc un terrain propice à l’émergence d’un nouveau système.
Dostoïevski est alors très surprenant puisqu’il va jusqu’à prévoir ce qu’il adviendra réellement après les révolutions de 1917 nous montrant par là à quel point ses inquiétudes étaient justifiées.
Plus on avance dans la lecture, plus l’atmosphère s’alourdit. Les personnages s’embourbent tous dans des situations difficiles puis les évènements se déclenchent et s’enchaînent. Coups d’éclat, actes de malveillance, assassinats, on est pris dans le tourbillon et on assiste impuissant à la descente en enfer de tous les personnages. Pas un seul n’en sortira indemne. On est très loin de l’issue optimiste de Crime et châtiment.
Les personnages des Démons sont tous très fouillés avec mention particulière pour Stavroguine dont la fameuse confession ( qui avait été censurée à l’époque) est à glacer le sang mais aussi Piotr Stepanovitch le personnage le plus exécrable qu’il m’ait été donné de rencontrer au cours d’une lecture. D’ailleurs, on retient souvent Stavroguine comme personnage emblématique des Démons mais pour ma part c’est Piotr qui m’a le plus marquée. Manipulateur sans aucun scrupule, sans aucune morale, il est le type même du fanatique prêt à tout pour ses idées.
Après donc une première moitié où Dostoïevski prend bien le temps de mettre en place ses personnages et ses intrigues, tout finit par s’enchaîner à une vitesse folle dans la seconde moitié et c’est un vrai régal.
J’ai vraiment beaucoup aimé Les Démons, bien plus encore que Crime et châtiment. Je l’ai trouvé plus approfondi, plus riche en réflexions, avec des personnages encore plus forts et plus extrêmes, bref Dostoïevski va beaucoup plus loin dans ce roman qui pour moi est un véritable chef d’œuvre.
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