mardi 2 juillet 2013

Cartographie des nuages ( Cloud Atlas ) - David Mitchell



Après une grosse panne de lecture de près d’un mois, je reviens enfin à mes amours. Et pour les retrouvailles, j’ai choisi Cartographie des nuages de David Mitchell et bien m’en a pris car je me suis régalée !

De nombreuses critiques ont déjà loué l’originalité de la construction de ce roman mais il faut aussi souligner la cohérence de l’ensemble. David Mitchell a magistralement bien mené sa barque et il m’a bluffée non seulement par l’intelligence de son propos mais aussi par ses capacités à changer de genre et de style et tout ça de façon brillante.

Cartographie des nuages est une composition de 6 histoires qui semblent n’avoir rien en commun au premier abord mais qui sont toutes liées entre elles par une thématique commune, par certains éléments et par le fait qu’elles s’insèrent les unes dans les autres.

En lisant Cartographie des nuages, on ne lit pas un roman mais six et tous de genre différent.
Ainsi, vous aurez la joie de vous plonger dans un roman d’aventure maritime du XIXème siècle pour enchaîner avec un roman sentimental classique de l’entre-deux-guerres façon Stefan Zweig. Un thriller politico-industriel qui rappelle Erin Brockovich vous attend au tournant pour vous emmener ensuite en maison de retraite pour un roman plus contemporain s’inspirant du Misery de Stephen King à la sauce humoristique. C’est un roman SF dystopique qui vous accueille ensuite pour aboutir enfin à un récit post-apocalyptique qui m’a fait penser un peu au Déchronologue de Beauverger.

Des genres différents donc mais aussi des styles différents. David Mitchell utilise tous les outils possibles : le Journal, les mémoires, le genre épistolaire, la narration classique, l’interrogatoire, le discours oral etc… Et il adapte le langage à chacun : tantôt raffiné, tantôt prétentieux, ici humoristique et là jargonnesque. Un véritable exercice de style dont l’auteur se sort avec brio.

Bien qu’ils semblent totalement aux antipodes les uns des autres, chaque récit suit la même logique. David Mitchell utilise la carte de la réincarnation pour nous montrer à quel point l’Histoire se répète et à ça, son explication tient en une maxime de Hobbes «  l’homme est un loup pour l’homme ».
L’auteur nous en donne l’illustration à travers un même schéma : le rapport dominant-dominé, il nous démontre les mécanismes du pouvoir à travers plusieurs cas de figure : la colonisation des occidentaux et leur prétendue supériorité sur les autres « races », le pouvoir et l’emprise de l’amour et du jeu de séduction, la manipulation à des fins de réussite et de profit personnel, le pouvoir des grands lobbies industriels, la domination des plus jeunes sur les anciens jugés inutiles et encombrants, le pouvoir des peuples disposant des richesses et de la technologie sur ceux qui n’ont rien etc…
Chaque récit met donc en scène une ou plusieurs de ces formes de pouvoir et dans chaque récit, un ou plusieurs personnages tentent de se rebeller contre cet ordre établi et qui semble immuable et destiné à se répéter indéfiniment. Dans chaque exemple, toute tentative pour créer une situation d’égalité entre les hommes que ce soit par la religion ou par les lois semble vouée à l’échec. La nature humaine serait ainsi faite qu’elle se doit de dominer et d’écraser les plus faibles. Mais David Mitchell préfère conclure sur une note plus optimiste.

En revanche, ceux qui n’apprécient pas d’être interrompu en pleine intrigue risquent de grincer des dents. Le procédé, un peu façon Si par une nuit d’hiver un voyageur de Calvino, peut être frustrant mais pour ma part, j’ai adoré. Et les nombreuses références culturelles que ce soit cinématographiques, artistiques et littéraires sont très appréciables.
Donc voilà un roman brillamment orchestré, toute en intelligence. Les pages défilent et on ne s’ennuie pas un instant. L’impression de lire six romans dans des registres si différents est très agréable et motivante. Le propos est cohérent et même si certains rebondissements sont largement prévisibles, j’ai passé un excellent moment de lecture riche et divertissant.

Je vais essayer de voir le film prochainement mais j'ai assez peur d'être déçue ...


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