vendredi 9 août 2013

Les mystères d'Udolphe - Ann Radcliffe

L’auteur : Ann Radcliffe ( 1764-1823)
Ann Radcliffe est une des pionnières du roman gothique. La plupart de ses romans mettent en scène des jeunes filles innocentes confrontées à des hommes tyranniques à la vie douteuse, les scènes se déroulent principalement dans de sombres châteaux. L’œuvre d’Ann Radcliffe a connu un grand succès au sein de l’aristocratie et de la bourgeoisie britanniques. Elle a eu de nombreux imitateurs et de grands écrivains la comptent parmi leurs références. On peut citer Balzac, Dostoïevski, Jane Austen, Victor Hugo, Eugène Sue et bien d’autres…

L’œuvre : Les mystères d’Udolphe écrit en 1794 est considéré comme le chef d’œuvre d’Ann Radcliffe et comme le roman typique du genre gothique.




Mon avis :

Je ne sais plus du tout pourquoi j’ai voulu lire ce livre. Je m’étais même inscrite à une lecture commune ( que je n’ai pas honorée dans les délais impartis ) mais impossible de me rappeler ce qui m’avait motivée à le faire. Ce n’est pas une critique trouvée sur la toile, et je vous arrête tout de suite, ce n’est pas non plus à cause du roman de Jane Austen dont je n’avais pas entendu parler jusque-là. Toujours est-il que me voilà avec ce bon gros pavé entre les mains et une légère appréhension car avant de commencer à en tourner les pages, j’ai lu en diagonale 2-3 avis par-ci par-là qui n’étaient pas très encourageants.
Ayant surmonté mes craintes et avalé les quelques 900 pages, je peux maintenant me féliciter de cette lecture venue d’on ne sait où et qui m’a vraiment enthousiasmée.
Tout ce que je savais de l’histoire avant d’entamer ma lecture était qu’il s’agissait d’une jeune fille et d’un château « hanté ». Je n’en attendais donc rien de particulier et je pense que c’est ce qui fait qu’on apprécie le roman ou non à la fin.

Ma première crainte était l’ennui. Nombre de lecteurs ont déploré le manque d’action et la présence de grosses longueurs.

          J’avoue … Les 200 premières pages sont très longues et j’ai du m’accrocher. On a l’impression de piétiner, qu’il ne se passe rien, on attend un événement qui ne vient pas. Et pourtant, Ann Radcliffe tisse lentement sa toile, met en place ses personnages, prépare son intrigue. Quelques interrogations sont soulevées et les premiers mystères s’installent tout doucement, trop doucement pour donner un effet de suspense il est vrai. Néanmoins ces 200 premières pages sont nécessaires et indispensables à la suite du récit. Le lecteur mémorise quelques curiosités afin de savoir si l’auteur n’oubliera pas d’y revenir par la suite.

         
J’avoue… Il y a beaucoup de descriptions. Ce qui fera obligatoirement soupirer d’ennui ceux qui ne supportent pas qu’on puisse s’attarder pendant dix lignes sur la beauté d’un coucher de soleil dardant ses derniers rayons sur des sommets enneigés. Ann Radcliffe appréciait beaucoup la peinture et ses descriptions sont à l’image de cette passion. Pour ma part, je les ai trouvées magnifiques, j’en ai pris plein les yeux. Ann Radcliffe a un style très poétique qui donne un charme fou à ces paysages sauvages qu’elle dépeint si précisément. Il faut souligner que la nature est omniprésente dans le récit ( ce qui est caractéristique du genre gothique), les paysages ont toute leur place et ils sont extrêmement variés. Le lecteur voyage ainsi parmi les versants abrupts des Pyrénées, porte son regard sur la plaine de la Garonne, traverse les Alpes, vogue à bord des gondoles de Venise et s’achemine péniblement à travers les forêts des Apennins vers le triste et lugubre château d’Udolphe. Les descriptions dans ce roman participent donc par leur puissance d’évocation à l’ambiance du récit, forêts sombres et sinistres, gouffres béants et précipices, éclairs illuminant les remparts délabrés d’un vieux château gothique. Pour ma part, je me suis régalée.

       
Passé les 200 premières ( et longues) pages, Emilie fait son entrée au château d’Udolphe. A partir de cet instant, Les mystères d’Udolphe s’est transformé pour moi en véritable page-turner, je n’arrivais plus à lâcher mon livre, n’allant me coucher le soir que lorsque mes yeux n’en pouvaient plus. Le côté mystérieux prend de l’ampleur, Ann Radcliffe insère plusieurs éléments propres à créer un climat d’angoisse. Habitués des thrillers, serials-killers, romans d’horreur en tout genre, ne vous attendez pas à retrouver vos frayeurs habituelles, on en est très loin !Notre société actuelle qui ne cache plus rien de l’horreur dont est capable l’être humain a tendance à rendre le lecteur un peu trop blasé et trop exigeant.
Il faut bien avoir à l’esprit que Les mystères d’Udolphe a été écrit au XVIII ème siècle et qu’Ann Radcliffe a placé son action au XVI ème siècle, les sensibilités étaient alors fort différentes et on s’émouvait de peu. Néanmoins, ceux qui comme moi, restent bon public et frissonnent rien qu’à l’idée de se retrouver seul en pleine nuit dans une vieille bâtisse, théâtre d’événements inhabituels, devraient trouver leur bonheur. D’autant plus que le suspense est entretenu tout du long.

Quelle est donc cette forme humaine qui se promène la nuit sur les remparts ? Qu’est-ce qui se cache derrière le voile noir et qui fait trembler Emilie d’épouvante ? Qui est réellement celui qui la retient prisonnière et qu’attend-t-il d’elle ? Pourquoi des personnes disparaissent alors qu’elles passaient la nuit dans la chambre de la marquise, chambre condamnée depuis 20 ans ? Les questions s’accumulent et petit à petit les réponses viennent.  Ces réponses pourront surprendre voire en décevoir quelques-uns. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup apprécié ces dénouements même si certains peuvent prêter à sourire ( non pas par le ridicule mais par l’humour ) et d’autres peuvent être jugés comme relevant de la facilité. J’ai trouvé que tout était cohérent, tout se tient et s’explique et surtout Ann Radcliffe n’a rien oublié. On obtient la solution à tous les mystères et bien que j’ai pu avoir parfois la puce à l’oreille, elle aura réussi à me berner quelques fois.

Quant aux personnages, on trouve du bon et du moins bon. Ce qui revient souvent dans les critiques concerne surtout l’héroïne Emilie de Saint-Aubert.

          J’avoue … Emilie pleurniche et se pâme à quasiment toutes les pages ce qui a le don d’exaspérer au début et puis … on s’habitue. Que les lectrices amatrices des héroïnes modernes fortes, féministes, blindées à toute épreuve et qui en remontrent aux machos passent leur chemin ou fassent preuve d’indulgence car Emilie n’est point de celles-là. Emilie a été élevée à l’abri du grand-monde et de ses vices. L’éducation de son père en a fait une jeune fille innocente ne connaissant que la bonté d’âme. Son aventure dans le roman fera son apprentissage et sera son rite de passage dans le monde adulte. Son parcours lui donnera plusieurs fois l’occasion de tomber dans le vice et dans les tourments des passions. Le thème de la chute est d’ailleurs répercuté dans les descriptions par les nombreuses mentions de précipices que les personnages devront traverser ou longer périlleusement, d’escaliers menant à de sombres caves ou souterrains, à des tombes et des caveaux.

          L’omniprésence de l’obscurité symbolisant le vice cherche à mettre en valeur cette quête de la lumière qui délivre des tourments. Emilie est prisonnière dans ce château comme elle est prisonnière de ses passions. Celui qu’elle aime, Valancourt, s’approchera, aussi, bien près de la chute. D’autres personnages en sont également l’illustration flagrante, notamment à travers les femmes, certaines ayant chuté par opposition à d’autres ayant su rester vertueuses. La romance pourra donc paraître un peu mièvre et niaise mais elle a une portée symbolique.
          Les mystères d’Udolphe est un roman d’apprentissage, il était destiné aux jeunes filles de bonne famille afin qu’elles en tirent un enseignement qui nous paraîtra peut-être bien naïf à nous autres du XXI ème siècle mais qui entrait pleinement dans l’instruction des jeunes demoiselles de la haute société à l’époque. Jeunes demoiselles souvent contraintes à des mariages d’intérêt à l’encontre de leurs sentiments et à mener une vie qu’elles auraient souhaiter autre. Roman à morale donc ( un peu comme les fables de La Fontaine) puisque Ann Radcliffe nous précise en guise de conclusion :

« Puisse-t-il du moins avoir été utile de démontrer que le vice peut quelque fois affliger la vertu ; mais que son pouvoir est passager, et son châtiment certain ! Tandis que la vertu froissée par l’injustice, mais appuyée sur la patience, triomphe enfin de l’infortune.
Et si la faible main qui a tracé cette histoire a pu, par ses tableaux, soulager un moment la tristesse de l’affligé, par sa morale consolante si elle a pu lui apprendre à en supporter le fardeau, ses humbles efforts n’auront pas été vains, et l’auteur aura reçu sa récompense. »

Roman magnifique donc à la plume délicieuse et toute en finesse, Les mystères d’Udolphe m’aura beaucoup surprise et m’aura totalement charmée par sa force d’évocation, j’y étais vraiment. Je le conseille vivement mais évitez absolument de lire la préface en premier, elle est truffée de spoilers qui vous gâcheront toute la lecture. En revanche, post-lecture elle s’avère très instructive.

Les avis de : Claudialucia (avec une intéressante mise en parallèle avec Northanger Abbey de Jane Austen) , Nathalie, Cléanthe




J'ai bouclé le programme que je m'étais fait pour le challenge de Brize mais peut-être qu'il y aura encore un bon pavé avant la clôture du challenge. Je ne sais pas encore lequel mais ce n'est pas le choix qui manque !

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