dimanche 20 janvier 2013

Les filles d'Allah - Nedim Gürsel



Intriguée par le titre, j’ai mis un petit moment avant de me laisser tenter par ce roman ne sachant pas trop à quoi j’aurais à faire. Les critiques lues ça et là m’ont enfin décidée à me lancer.
Nedim Gürsel nous livre là un roman en partie autobiographique dans lequel il se remémore son enfance, les contes que lui narrait sa grand-mère, la Foi que lui transmettait son grand-père, ses jeux et ses interrogations partagées avec son ami Ismaïl.
Le tout forme un roman assez complexe et riche qui nécessite une certaine curiosité envers la religion musulmane. Car en effet, le texte est parsemé de références à l’Islam, nous dévoilant quelques histoires qui se cachent derrière des sourates du Coran, nous racontant en partie la vie du prophète, sa naissance, ses mariages, la révélation, les combats contre les Mecquois. Puis, à l’occasion, l’auteur revient à ses souvenirs mais surtout à ceux de son grand-père offrant ainsi au lecteur le récit des combats des ottomans contre les anglais et les arabes soutenus par le célèbre Lawrence d’Arabie.

Le style est simple et poétique même si le genre de narration employé peut surprendre au début. L’auteur s’adresse à lui-même enfant utilisant ainsi en majorité la 2ème personne du singulier. Il fait toutefois une exception lorsqu’il s’amuse à faire parler « les filles d’Allah », ces idoles vénérées par la tribu des Qoraïch avant que Muhammad ne reçoive la Révélation.

Bien que l’idée soit originale, je n’ai pas compris pourquoi l’auteur s’y était pris de cette façon, pourquoi faire de ces statues des « filles » d’Allah que Celui-ci aurait par la suite reniées ? C’est totalement contradictoire avec le précepte fondamental sur lequel repose l’Islam : l’unicité de Dieu et le fait qu’Il n’a pas engendré ( réfutant ainsi la croyance des chrétiens en un Jésus fils de Dieu). Cette incohérence est plutôt dommage ( l’intention de l’auteur a du complètement m’échapper) car les passages relatifs à ces idoles sont plutôt amusants, on connaît leurs pensées et leurs réactions face à la progressive conversion des Qoraïch à l’Islam, tantôt séduites par le prophète au point de jalouser ses femmes, tantôt haineuses et réclamant le sang. Alors peut-être que ce sont des légendes ? Peut-être se racontait-on ces histoires ainsi ? Ou est-ce pure invention de l’auteur ? J’avoue qu’il est difficile pour le lecteur de faire la part des choses et que ça reste du coup un peu confus.

J’ai trouvé intéressant l’idée de romancer la vie du prophète, j’ai beaucoup apprécié les anecdotes relatives à ses relations avec ses femmes, les jalousies et les mesquineries dont elles étaient capables. Tout aussi intéressant est le parallèle effectué par l’auteur entre la guerre Ottomans/Arabes et la guerre Mecquois/Médinois avec toutes les interrogations que cela suscitait chez le grand-père de l’auteur : comment Arabes et Turcs pouvaient-ils se faire la guerre alors qu’ils sont frères en Islam ?

C’est donc un joli texte que nous propose Nedim Gürsel où la petite et la grande histoire se mêlent aux contes et aux légendes, où les souvenirs refont surface peut-être pour mieux souligner l’évolution d’un enfant élevé dans la Foi et devenu un adulte qui a pris ses distances avec la chose religieuse à l’image de cette Turquie actuelle qui se cherche entre tradition et modernité.

Après recherches sur la toile, j’ai appris que, à la parution de ce roman, Nedim Gürsel avait été en procès avec les autorités turques pour avoir «vilipendé publiquement les valeurs religieuses d'une partie de la population», un délit qui peut «menacer la paix sociale ». Je n’ai pas eu le détail complet de ce qui lui était reproché mais étonnamment ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. Apparemment, le fait d’avoir romancé la vie du prophète pose problème. Je ne comprends pas pourquoi dans la mesure où ça contribue plutôt à diffuser une bonne image de lui et à mieux le faire connaître. La preuve : j’ai appris beaucoup de choses grâce à ce roman et il m’a donné envie d’en savoir encore plus.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire