Bien que ce roman soit très court, je l’ai pourtant trouvé bien plus dense et complexe que Le père Goriot.
Balzac a construit son récit d’une façon bien particulière. Il l’ouvre par une scène qui est en fait finale puis revient quelques pages plus tard aux événements à l’origine de cette scène. Autant dire que ça n’a fait qu’aiguiser ma curiosité.
En parlant de curiosité, il y en a une dans ce roman, restée célèbre d’ailleurs, il s’agit de la longue digression qu’y a inséré Balzac. Dans ces quelques pages où il n’est plus question de l’intrigue avec laquelle l’auteur nous avait appâté, Balzac expose ses vues sur la situation du faubourg Saint-Germain, quartier de Paris qui concentre la Noblesse, celle qui a réchappé de la Révolution. Bien que légitimiste ( partisan de la Monarchie par opposition aux libéraux, partisans de la République), Balzac n’hésite pas à faire le procès de cette catégorie de la société dénonçant les travers qui l’ont menée au désastre de la chute de la Monarchie. Mais derrière cette longue description des vices et vertus de la population de ce quartier, c’est aussi le portrait d’Antoinette, la duchesse de Langeais, que Balzac nous dresse annonçant subtilement et de façon détournée les évènements à venir.
« Les peuples, comme les femmes, aiment la force en quiconque les gouverne, et leur amour ne va pas sans le respect ; ils n’accordent point leur obéissance à qui ne l’impose pas. »
Antoinette est en effet le type même de la femme aristocratique (terme contesté par Balzac d’ailleurs), c’est une « coquette » qui se plaît à user de son charme et de son esprit pour séduire sa petite cour de prétendants. Autrement dit dans notre langage actuel, c’est une allumeuse. Et Antoinette a décidé d’exercer ses pouvoirs de séduction sur un nouveau venu dans le quartier qui fait sensation auprès des dames par ses aventures en Afrique : Armand de Montriveau. Ces deux-là jouent alors au chat et à la souris mais les événements prendront une tournure surprenante pour aboutir à une fin qui m’aura laissée choquée et perplexe.
Balzac a mis beaucoup de lui dans ce roman. Outre qu’il y présente ouvertement ses opinions sur la haute société de l’époque ( ce qui lui sera amèrement reproché tant sur le fond que sur la forme), il se serait également inspiré de ses propres déboires sentimentaux avec la marquise de Castries tout en en modifiant certains aspects, ce qui illustre que Balzac a tourné la page sur cet épisode douloureux de sa vie.
Pour toutes ces explications, je ne saurais que trop conseiller la lecture de l’excellente introduction de Constance Cagnat-Deboeuf de l’édition Livre de Poche qui apporte de nombreux éclairages sur le texte.
J’ai vraiment adoré cette lecture certes exigeante mais si bien menée et si bien écrite. Le style de Balzac est vraiment une merveille à lire et j’adore aussi la façon qu’il a d’exprimer ce qu’il pense franchement. Il a également admirablement dépeint la psychologie de ses deux personnages principaux.
Quant à la relation entre Antoinette et Armand, je me suis posée ( et me pose encore) beaucoup de questions sur la véritable nature de leurs sentiments. J’ai souvent eu l’impression que tous les deux n’agissaient que par orgueil. Cette apparente opposition entre la passion et la raison qui tourmente Antoinette et la décision extrême qu’elle finit par prendre ne permettent pourtant pas de se faire une opinion définitive sur ses réels sentiments. Et la volonté de vengeance ainsi que la réaction d’Armand à la toute fin du roman ne sont pas non plus sans interroger le lecteur. On sent la passion et les actions excessives qu’elle fait commettre mais il y a pourtant quelque chose qui sonne faux et que j’attribue à ce désir de possession de l’autre qui finalement gouverne le comportement des deux protagonistes.
C’est seulement après avoir terminé ma lecture que j’ai réalisé que La Duchesse de Langeais s’insérait dans un triptyque intitulé Histoire des Treize et que La Duchesse en était le 2ème volet ( il faut toujours que je fasse tout dans le désordre moi …). J’ai donc prévu de lire les autres volets de cette trilogie et j’en dirai donc plus sur les Treize à cette occasion.
En attendant, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce très beau roman qui m’a beaucoup touchée et émue.
Voir aussi les avis de Marie, Jérôme et Nathalie.
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