De Balzac, je n’avais jusqu’à présent lu que quelques nouvelles, un roman La Peau de chagrin et un autre roman : Le Père Goriot, étudié au lycée pour le Bac de français. Je n’en avais gardé qu’un très vague souvenir et il ne m’avait, à l’époque, pas plus emballée que ça.
J’ai donc décidé, pour ma première participation au challenge, de relire Le Père Goriot, ce qui me permettrait ensuite d’enchaîner avec les Illusions Perdues.
Finalement, j’ai eu l’impression de découvrir ce roman pour la première fois et j’ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture. C’est une chance que nos goûts évoluent avec l’âge !
Je comprends à présent pourquoi Le Père Goriot est considéré comme une clef de voûte de La Comédie Humaine. Ce roman dépeint à merveille les travers de la nature humaine et bien que Balzac nous fasse, à travers Goriot, le portrait d’un père aimant et tout dévoué à ses filles, l’amour extrême et démesuré de cette figure emblématique de la paternité ne fait que mettre en valeur les vices de tous les autres personnages.
Le roman est habilement construit même si les éditions successives ont peu à peu effacé le découpage initial en 4 parties du texte.
Le lecteur fait donc en début de lecture connaissance avec la propriétaire et les pensionnaires de la Maison Vauquer, pension que Balzac décrit dans les termes les mieux choisis afin d’en faire ressortir toute la misère et la pauvreté par opposition au raffinement des maisons bourgeoises de Paris qui raviront les yeux d’Eugène de Rastignac, jeune provincial bien décidé à se faire sa place dans la haute société parisienne.
Après les présentations et la mise en place du décor, le lecteur entre ensuite dans le vif du sujet ou plutôt des sujets car s’offrent à lui deux histoires liées l’une à l’autre : celle relative au père Goriot et ses filles, et celle relative à l’ascension sociale d’Eugène.
Bizarrement, j’avais gardé un souvenir assez négatif d’Eugène, je ne sais absolument pas pourquoi car je l’ai cette fois-ci trouvé véritablement charmant. Le personnage d’Eugène incarne un peu l’âme tourmentée par sa bonne et sa mauvaise conscience. La première pouvant s’incarner sous les traits du père Goriot et la seconde sous ceux de Vautrin, Goriot indiquant à Eugène le droit chemin alors que Vautrin tentera de l’en écarter et de le faire succomber au vice.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Vautrin que j’ai trouvé très intéressant. Balzac a d’ailleurs délibérément bien choisi les termes le décrivant, tous relatifs à la figure suprême du Mal : le Diable. Plusieurs fois, Vautrin est qualifié de « tentateur », de « démon », « je ne vis que par les sentiments » dit-il et « son regard était celui de l’archange déchu qui veut toujours la guerre. » Les passages traitant de la société secrète dont Vautrin serait le chef ne sont pas non plus sans rappeler l’image d’un Satan accompagné de sa horde de démons répandus sur Terre pour y corrompre les âmes. Tout comme dans La Peau de chagrin, Balzac fait un clin d’œil au mythe de Faust, Vautrin proposant un pacte à Eugène : « Ah ! Si vous vouliez devenir mon élève, je vous ferais arriver à tout. Vous ne formeriez pas un désir qu’il ne fût à l’instant comblé, quoique vous puissiez souhaiter : honneur, fortune, femmes. » dit-il à Eugène en lui tendant une traite à signer.
Les pensionnaires de Madame Vauquer (et elle incluse) ainsi que les autres personnages représentatifs de la société bourgeoise parisienne ne sont pas en reste. Hypocrisie, mesquinerie, ingratitude, cupidité et avarice sont largement représentées. Quelle belle image que toutes ces personnes réunies autour d’une table, se moquant sans cesse du père Goriot, souffre-douleur stoïque, y allant tous de leurs médisances, le tout orchestré par le sire Vautrin, bref, une sorte de négatif de la Cène biblique. Que dire également de la réaction des pensionnaires face à la pauvre Melle Michonneau ? J’avoue avoir été choquée et ne pas avoir compris les raisons de ce « lynchage ».
Bref, Balzac ne prend pas de gants et le portrait qu’il brosse de ses contemporains est un portrait amer et sans concessions, sans hypocrisie à l’exact opposé du caractère de la plupart de ses personnages. Il dénonce les faiblesses de l’âme humaine dans un style tantôt mordant et sarcastique, tantôt moqueur et humoristique qui ne laisse pas indifférent. Autant dire que Balzac n’a pas sa langue dans sa poche.
L’avantage avec La Comédie Humaine, c’est qu’on a la chance de pouvoir retrouver les mêmes personnages dans d’autres romans et d’y avoir dans le détail les explications de certains passages juste évoqués ici. Je me fais donc une joie de continuer ma lecture de ce grand auteur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire