Tout le monde connaît le très célèbre tableau de Géricault Le Radeau de la Méduse. Pourtant je dois
bien avouer que je connaissais très mal l’événement qui a inspiré cette toile à
Géricault. C’est donc avec curiosité et grand intérêt que je me suis plongée
dans les mémoires du capitaine Dupont, un des 10 rescapés du radeau.
Les mémoires se composent de deux parties. La première est
consacrée aux premiers temps de la carrière militaire du capitaine Daniel
Dupont. A cette époque, nous sommes au lendemain de la Révolution. Après
quelques combats contre les Vendéens, Daniel est envoyé dans les Antilles.
C’est à présent l’empire et la France est en guerre contre les anglais. L’un et
l’autre se disputent les îles à sucre et le jeune soldat s’y illustrera
brillamment. Le fraîchement nommé
capitaine Dupont sera d’ailleurs constitué prisonnier et renvoyé en captivité
en Angleterre où l’on constate qu’il vaut vraiment mieux être officier que
simple soldat.
J’ai trouvé cette première partie peu intéressante. L’auteur
nous présentant ces mémoires nous met bien en garde sur l’évolution du style du
capitaine de la 1ère partie à la 2ème. Et effectivement,
la 1ère partie n’est que bribes de phrases et surtout énumération
sans fin ni intérêt de tous les lieux par lesquels le jeune soldat est passé.
Rares sont les informations sur son état d’esprit et sur la vie quotidienne de
ces soldats même si on en a tout de même un léger aperçu. A ce propos, il faut
également souligner le travail de l’auteur qui, par ses notes de bas de page,
apporte beaucoup de précisions et l’essentiel des informations. Il nous
gratifie également de quelques anecdotes amusantes et on apprend par exemple
d’où la capitale de la Guadeloupe tire son nom.
Avec la deuxième partie, on entre dans le vif du sujet. On
constate comme nous l’avait dit l’auteur que le style du capitaine s’est
développé et la lecture en est grandement facilitée.
Après sa libération par les anglais, le capitaine profite
d’une permission bien méritée pour revoir sa famille. Le repos est de courte
durée car il est aussitôt rappelé afin d’aider à récupérer les comptoirs
sénégalais rendus à la France par les anglais.
C’est donc le 17 juin 1816 que le capitaine Dupont et près
de 300 passagers aussi bien militaires que civils embarquent à bord de La Méduse chargée de les transporter
jusqu’au Sénégal.
Le récit du capitaine Dupont est très humble, sincère mais
pudique, il semble passer sous silence les moments les plus noirs de ce
calvaire qu’ont subit les passagers du radeau. De plus, son état le laissant inconscient
ne lui a laissé que des souvenirs assez vagues et confus. Ce sont ses
subordonnés qui lui narrent par la suite ce qu’il s’est passé pendant ses
absences. Il ne fait donc point mention ouverte et claire du cannibalisme comme
ont pu le faire Savigny et Corréard dans leur propre témoignage. Le passage sur
l’épuration reste trop flou et on ne sait pas bien quelle part il y a prise.
Encore une fois, les notes de l’auteur apportent beaucoup puisqu’il met en
parallèle les différences et similitudes entre les deux récits soulignant leur
subjectivité inévitable et la possible influence qu’a eu le récit de Corréard
et Savigny sur la rédaction postérieure des mémoires du capitaine.
L’auteur, Philippe Collonge, ne s’en est pas tenu qu’à faire
rééditer les mémoires du capitaine Dupont, il a ajouté à l’édition de nombreux
documents, gravures et illustrations, cartes et plan du radeau qui permettent
de bien mieux s’immerger dans l’époque et de mieux visualiser la situation. On
constate ainsi que le radeau de Géricault semble bien étroit en proportions
lorsqu’on le compare au schéma du radeau tel qu’il était ( il faisait plus de
20 m de long et avait du transporter environ 150 des naufragés).
En fin de volume, l’auteur poursuit son travail en nous
proposant des pages fort intéressantes relatant le devenir des survivants de La Méduse et l’impact qu’a eu le
naufrage sur le public et la sphère politique. Philippe Collonge nous rapporte
également la petite histoire du tableau de Géricault où l’on apprend que la France
n’en voulait pas ! Et pour les moins éclairés sur cette période de
l’Histoire comme moi, on trouve en annexes quelques pages sur le contexte historique :
la Vendée en 1793 et la situation des Antilles au XVIIIème siècle. L’auteur
fait également le point sur les recherches de l’épave, un véritable trésor
enfoui puisque la Méduse avait à son bord près de 90000 pièces d’or !
Ouvrage très bien conçu, très riche en informations, les
mémoires du capitaine Dupont présentées et commentées par Philippe Collonge
constituent un témoignage et un point de vue très intéressant de cette terrible
tragédie que fut le naufrage de la Méduse. Lâcheté des officiers, faim, soif,
mutineries et épuration organisée ont été le calvaire des passagers du radeau
pendant que ceux restés sur l’épave s’entretuaient. Sans l’œuvre de Géricault,
que resterait-il aujourd’hui du tragique naufrage de la Méduse ? La
mémoire des survivants et on ne peut que remercier Philippe Collonge pour son
travail car il faut le reconnaître, ses notes et commentaires représentent l’essentiel
de l’intérêt de l’ouvrage bien plus que les mémoires elles-mêmes où le silence
de leur auteur sur certains faits et son survol d’autres nous laissent sur notre
faim.
Un grand merci à Babelio et aux éditions La Découvrance.
Voilà un livre qui doit faire écho à Moby Dick d'une certaine manière, non ?
RépondreSupprimerDe mon côté, j'ai enfin réussi à venir à bout de mes impressions et à rédiger ma chronique pour samedi :)
Ah ah oui je baigne dans la littérature maritime en ce moment, c'est le cas de le dire ! J'ai hâte de lire ton avis, vivement samedi ! :)
SupprimerC'est une période que j'aime bien et je suis attirée par l'aspect très documentée ( anotée et illustrée). C'est noté !
RépondreSupprimerPour quelqu'un comme moi qui ignorait tout de La Méduse, ce livre a été une mine d'or.
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