Mais qu’est-ce donc que cette folie meurtrière envers le
monde animal qui s’empare de nos jeunes auteurs de cette rentrée
littéraire ?
Après Pierre Raufast qui a fait subir nombre de tortures aux
sauterelles et aux rats-taupes, voilà Gautier Battistella qui s’en prend aux
limaces.
J’étais très impatiente de découvrir ce premier roman d’un
tout nouvel auteur dont le résumé me semblait très alléchant. Je m’étais donc
faite une petite idée du contenu du roman. En général, lorsque je commence une
lecture avec des attentes et que l’auteur ne prend pas la direction que je
supposais, ça se termine souvent en grosse déception.
Eh bien, ça n’a pas du tout été le cas ici. Bien au
contraire, Gautier Battistella a su me surprendre totalement et j’ai englouti
ce roman avec avidité.
Tout commence en dehors du temps dans un petit village des
Pyrénées où les blessés de la vie se retrouvent et cherchent l’oubli et la
rédemption. C’est dans ce village que vont grandir le narrateur et son frère
après un douloureux passage à l’orphelinat dont une vieille dame au grand cœur,
Mémé, les sauve en les adoptant.
De sa voix enfantine, le narrateur nous raconte son enfance,
ses liens avec son frère, les bêtises avec les copains, la peur de la vieille
sorcière d’à côté, les premiers amours.
Là où le grand frère semble violent, impulsif et extraverti,
le narrateur, lui, plus posé, se tourne vers les activités en solitaire et en
particulier la littérature. C’est décidé, il sera écrivain.
Diplôme en poche et tel un Rastignac gonflé à bloc, il part
défier Paris où il espère que l’attendent opportunités, succès et célébrité.
Mais c’est plutôt comme un Lucien de Rubempré que le
narrateur finit par perdre peu à peu ses illusions et pas que. Il doit de plus
lutter contre l’influence malsaine de son Vautrin de frère dont les apparitions
toujours inattendues semblent coïncider avec les instants les plus sombres et
noirs de sa vie.
On comprend progressivement que le narrateur, qui,
parallèlement à son travail d’écriture, est également en quête de son identité
et de ses origines, n’est pas totalement maître de ses actes et de son esprit.
Les « médiocres » du milieu littéraire, les « limaces » en
feront particulièrement les frais.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman. J’ai adoré ne pas
savoir du tout où l’auteur allait m’emmener, j’ai adoré passer du roman presque
« terroir du XIXème siècle » écrit dans le style « Petit
Nicolas » au roman noir plus contemporain et au style incisif.
Cette évolution du style, du ton, en fonction de l’âge du
narrateur est extrêmement bien menée. J’ai adoré ne pas toujours comprendre ce
qui se passait dans la tête du narrateur, ces moments de doute, ces
questionnements. J’aime les personnages qui intriguent le lecteur et qu’on ne
parvient pas tout à fait à cerner, ceux qui vous surprennent et vous tiennent
prisonnier de leurs délires au point que vous vous faites manipuler sans vous
en rendre compte.
J’avoue quand même que le « secret » était
finalement assez prévisible et que j’aurais aimé quelque chose de plus
surprenant mais ça n’enlève rien au fait que j’ai englouti ce livre en 2 jours
et que je le reprenais toujours avec grand appétit.
J’ai particulièrement apprécié aussi la critique du monde
littéraire actuel, la célébrité imméritée de certains auteurs au talent plus que
douteux, l’égocentrisme de certains. Gautier Battistella imagine aussi les
critiques que lui feront les « professionnels », dénonce la platitude
et le mielleux outrancier de certains compliments, parodie certaines éloges
faites à des auteurs adulés. J’y ai retrouvé des phrases « bateau »
que moi-même j’utilise parfois dans mes avis et je peux vous dire que ça fait
réfléchir !
Dans son interview donnée à ONPC, Gautier Battistella
affirme avoir imaginé ce monde littéraire qu’il fustige dans son roman mais ça
sonne tellement juste ( on peut même s’amuser à identifier certains auteurs) et
ça correspond tellement à l’idée que j’en ai aussi que certaines scènes, malgré
leur violence, m’ont faite jubiler ( je vais vraiment devoir penser à la
psychanalyse moi …)
Bref, je ne saurai que trop vous conseiller la lecture de ce
roman d’un jeune auteur prometteur.
« Je ne l’ai pas appelée tout de suite. Elle aurait été capable de se croire irrésistible. Le temps de me préparer à la confrontation. J’avalais chaque soir ma gélule de colère. Je lisais un paragraphe de sa dernière romance, dopée au viagra et aux bons sentiments, troublée par les problèmes d’érection du narrateur et les déboires hormonaux de ses conquêtes, dont l’une n’a même pas dix-huit ans et saigne chaque fois qu’elle se fait pénétrer. Heureusement que le héros, un gentil docteur, la sauve des griffes d’un frère envahissant et d’une sœur suicidaire. J’avalais ses mots en me pinçant les narines. Des mots malodorants, qui font mal gratuitement, sournois. Ils vandalisent le lecteur, drainent la méchanceté comme l’abcès de fixation le pus. Lasse avait inventé le bouquin laxatif. L’exercice se révélait chaque jour plus pénible. Souillé, je ne voyais qu’une alternative à ma guérison : me débarrasser d’elle. »
Je m'autocommente pour 2 raisons :
RépondreSupprimer1) vérifier que les commentaires sur cet article fonctionnent car je commence à me poser des questions.
2) par souci psychologique, les billets sans commentaires me font de la peine et j'ai pas envie d'être triste ( on a déjà trop de raisons de l'être, on ne va pas en rajouter )
Voilà voilà, merci de votre attention.
Bon au moins, les commentaires fonctionnent donc vous n'avez plus d'excuses pour ne pas commenter.
SupprimerJ'adore ton autocommentaire ;)
RépondreSupprimerVoila un texte qui a tout pour me plaire. J'aime beaucoup les premiers romans, découvrir une nouvelle est toujours intéressant même si parfois la déception est au rendez-vous. En tout cas ici cela n'a pas l'air d'être le cas !
Aaaahh merci Jérôme ! Je commençais à désespérer ! ^^
SupprimerCe roman n'est certes pas parfait mais c'est tout de même un très bon premier roman qui laisse présager de bonnes choses pour la suite.
Moi aussi, j'aime bien ton autocommentaire ;-) Mais tu sais, il ne faut pas trop te morfondre à cause de la présence ou de l'absence de commentaires car hélas, ce ne sont pas les meilleurs billets qui sont les plus commentés... c'est parfois le cas, mais pas toujours, loin de là ;-)
RépondreSupprimerSinon, pour en revenir à ton billet, c'est un roman dont je n'avais pas entendu parler mais qui m'intéresse beaucoup pour la description du petit monde littéraire, juste pour y retrouver certains auteurs... j'ai déjà des noms en tête et cela doit être amusant de les retrouver ;-)
Je me suis bien amusée à essayer de mettre un nom sur les auteurs dont il était question, j'en avais trouvé un mais je m'étais trompée pour les autres.
SupprimerTu as raison pour les commentaires. D'ailleurs moi-même je ne commente pas tous les billets des blogs que je suis ( même si je les lis je ne sais pas toujours quoi dire d'intéressant). Mais bon, disons que je ne comprenais pas trop le "0 commentaire " d'autant plus qu'il s'agit d'une nouveauté. Moi qui pensais que les billets sur les nouveautés intéressaient plus que d'autres, je me suis apparemment trompée. ( tant mieux vu que je n'en lis pas souvent ! ^^ )
Comme tu le sais nous sommes tout à fait d'accord sur ce livre - même si je crois que le nez collé aux lignes, je n'ai vu pointer le secret que très tardivement, des soupçons vite envolés…
RépondreSupprimerUn excellent roman dont, effectivement, on n'a pas assez parlé ! :(
@Margotte : merci tu nous mets du baume au coeur ;)
Mais oui, c'est pour ça que ça me faisait mal au coeur de ne voir aucun commentaire ! Ce premier roman mérite d'être lu et qu'on en parle. C'est pourtant une grande maison d'édition, je ne comprends pas trop ...
SupprimerIl faut dire à la décharge de tes lecteurs silencieux, qu'on ne sait pas forcément quoi dire sur un nouvel auteur qu'on n'a pas encore lu. Et quand le roman est sur notre pile, on évite même soigneusement de lire les billets qui pourraient nous en dire trop. Maintenant que je l'ai lu à mon tour, je peux enfin commenter ce billet ! :) Eh bien, je pense tout comme toi. Moi aussi j'ai adoré ne pas savoir où le livre allait nous emmener. Et je me suis bien amusée de sa description du milieu littéraire. C'est vrai qu'on a peut-être trop peu parlé de ce roman dans les médias. Espérons qu'il aura une 2e vie en poche...
RépondreSupprimerAh ! Je suis ravie que tu aies apprécié aussi ! Tu as tout à fait raison concernant les commentaires au sujet de nouveautés, disons que j'espérais ne pas être la seule à l'avoir lu. Mais il semble vraiment que ce roman manque de publicité. Tout comme toi, j'espère que la parution en poche lui offrira la visibilité qui lui manque actuellement. Tu avais trouvé qui se cachait vraiment sous les caricatures d'auteur ? J'avais frappé à côté sauf pour Lasse !
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