Je me suis parfois demandée si je serais capable de tuer. De
sang-froid certainement pas ( en plus je tourne de l’œil à la vue du sang …)
mais dans une situation de survie, je pense que oui.
C’est en tout cas comme ça que ça a commencé pour Davide.
Enlevé puis retenu à l’arrière d’un fourgon dans l’obscurité totale, il
s’aperçoit bien vite qu’il n’est pas seul et que cette autre personne dont il
ressent la présence n’a qu’une idée en tête : le tuer.
Davide se retrouve alors condamné à se battre, prisonnier d’une
mystérieuse organisation dont la spécialité est le combat de chiens. Sauf
qu’ici, les chiens sont des êtres humains. Désormais, Davide n’a plus le choix,
il doit se battre et tuer ou être tué.
Minuto, un des membres de l’organisation chargé de repérer
les « chiens », se prend d’affection pour le jeune homme en qui il
voit un grand potentiel et le prend sous son aile.
De combat en combat, l’influence de Minuto sur Davide est
grandissante, Davide, de jeune adolescent de bonne famille mort de peur et d’horreur,
devient Batiza, un combattant demandé et un assassin qui prend plaisir à tuer .
Paola Barbato, scénariste pour la télévision italienne,
signe là une effroyable exploration des limites de l’humanité. Peut-on
transformer un agneau en loup sanguinaire ? La réponse est oui et la
démonstration bestiale et violente. Sans aller jusqu’à détailler les scènes,
Paola Barbato suggère et laisse le pouvoir de l’imagination faire le reste. Le
résultat est effrayant, choquant, perturbant. Tout au long de ma lecture, j’ai
oscillé entre fascination morbide et rejet absolu. La violence psychologique de
certaines scènes m’ont fait sortir de mes gonds. J’étais sur le point
d’abandonner, scandalisée par cette violence gratuite. J’accusais Paola Barbato
de vouloir donner dans la facilité, provoquer, choquer délibérément, de vouloir
faire du sous Bret Easton Ellis ( je mentionne cet auteur non pas que Paola
Barbato s’en inspire mais tout simplement parce que c’est le dernier auteur en
date à m’avoir infligée un tel dégoût à la lecture de certains passages ).
Mais j’ai poursuivi, obnubilée par la volonté de savoir
comment ça se terminerait, ce qu’il adviendrait de Davide. Le lecteur se
retrouve en position de voyeur en proie à une espèce d’envoûtement malsain.
La mort intrigue toujours, comprendre comment on peut être
amené à donner la mort attire. Est-ce que la façon dont l’auteur traite le
sujet est pertinente ? Difficile à dire sans être spécialiste en
psychologie. Au premier abord, j’ai eu du mal à y croire mais je me dis que les
conditions de détention subies par Davide, la pression et la violence
psychologique dont il a été victime sont probablement bien capables de
conditionner un être humain et de le réduire à la sauvagerie.
Je ne sais pas non plus si ces combats de chiens humains
sont une réalité. Je sais qu’il existe des combats clandestins mais où les
combattants sont volontaires ce qui n’est pas le cas ici. Etant donné la
perversité de certains programmes de télé-réalité, ça ne m’étonnerait pas que
de telles horreurs aient réellement lieu dans l’ombre et qu’il y ait des gens
assez tordus pour cautionner ça. En fait, le roman de Paola Barbato a quand
même un côté réaliste qui fait froid dans le dos. On se refuse à y croire.
Cette question de la crédibilité du scénario m’a tout de même pas mal
turlupinée jusqu’à ce que je me dise que finalement, l’essentiel n’était pas
là. L’essentiel est de comprendre que la transformation de Davide est, elle,
crédible, rendue possible par son attachement à son mentor Minuto, relation
emblématique d’un syndrome de Stockholm.
D’ailleurs, même le lecteur est fasciné par Minuto,
personnage très charismatique, énigmatique et qui domine largement tout le
roman.
Le style de Paola Barbato n’en est pas vraiment un, ça reste
simple mais fluide et efficace. L’auteur est scénariste et ça se ressent
principalement dans l’enchaînement des scènes, les dialogues et certains
détails. Mais on a tout de même entre les mains un vrai page-turner et malgré
ma violente répulsion à certains passages, je reprenais toujours ma lecture
avec hâte et fébrilité.
La fin est en apothéose. Malgré mes quelques soupçons, je
suis restée bouche bée à la lecture des dernières lignes. Une claque !
Comme je les aime.
Alors bien sûr, ce roman ne s’adresse pas à tout public.
Dans la veine de Karine Giebel, de certains titres de Stephen King et quelques
relents de Hunger Games ou Battle Royale, A mains nues est
un roman pour lecteurs avertis, un roman noir, choquant mais efficace qui joue
avec les nerfs et la conscience de son lecteur.
C’est un roman qui sollicite les bas instincts et les
confronte avec la morale. Sommes-nous tous capables de franchir la
limite ?
Bref, ce roman mériterait d’être porté à l’écran. David
Fincher, si tu me lis, ce scénario est pour toi. Mon mari cinéphile t’a même
mâché le travail, je lui ai résumé l’intrigue et lui ai brossé le profil des
deux personnages principaux, voici donc ses suggestions pour le casting
principal :
-
Willem Dafoe dans le rôle de Minuto ( et c'est tout à fait comme ça que je l'imaginais)
-
Spencer Lofranco dans le rôle de Davide/Batiza
(Dommage que le roman ne soit pas encore traduit en anglais,
je le lui aurais bien envoyé …)
Un grand merci aux éditions Denoël !
A mains nues - Paola Barbato
Editions Denoël - Collection Sueurs froides
Traduit de l'italien par Anaïs Bokobza
496 pages
Parution : 9/10/2014
Je l'ai fini hier soir et personnellement je n'ai pas vu cette fin là arriver. Une lecture choc que j'ai adoré !
RépondreSupprimerUne fin qui m'a coupé le souffle aussi !
SupprimerUn truc violent comme ça ne m'attire pas vraiment.
RépondreSupprimerJe comprends !
SupprimerAlors là, pas moyen. Typiquement le genre de lecture qui me fait fuir. Mais je comprends que cela puisse fasciner.
RépondreSupprimerEtonnant cet intérêt que j'ai pour ce genre-là, bien que je ne sois pourtant pas de ceux qui s'arrêtent pour regarder les accidents de la route. Je devrais peut-être faire une analyse ! ^^
SupprimerEt bien ! Je comprends bien ce que tu décris dans ton billet. Enfin, après la lecture du Karine Giebel, je fais une "pause polars" car c'est comme tout, faut pas abuser du noir ;-)
RépondreSupprimerAh ah oui ! Il vaut mieux que tu souffles un peu avant quand même ! Mais tu verras, c'est noir mais Paola Barbato entre quand même beaucoup moins dans les détails que Karine Giebel. Le lecteur imagine et je me demande si ce n'est pas pire encore ! ^^
SupprimerJe crois que je vais passer mon tour sur celui-ci. Pourtant j'aime bien les livres "extrêmes" mais là pas trop inspirée.
RépondreSupprimerJe peux comprendre.
SupprimerBonsoir, j'ai adoré ce livre mais je n'ai pas compris la fin...
RépondreSupprimerY a t'il qqn qui pourrait me l'expliquer?