Je dois reconnaître qu’après ma lecture, j’ai du revoir mon jugement.
Dans La malédiction d’Edgar, Marc Dugain retrace la carrière d’Edgar Hoover à la tête du FBI, carrière débutée sous Roosevelt et terminée sous Nixon, voyant défiler les présidents là où il a su conserver son propre fauteuil durant toutes ses années.
Peut-être a-t-il pensé à viser lui-même la Maison Blanche mais il s’est vite rendu compte que le véritable pouvoir n’était pas dans les mains de l’occupant du bureau ovale.
J’ai finalement découvert un homme attaché à ses principes, à sa patrie, à ses idées et ses valeurs. Il avait une certaine conception de son pays et lui a consacré sa vie. Ses actions, décisions ou choix étaient principalement orientés vers un but : l’intérêt du pays, en tout cas, à ce qu’Edgar estimait bon pour son pays. Pour y parvenir, il a compris que sa place lui permettait de tirer toutes les ficelles nécessaires d’où son acharnement à la conserver.
« L’électeur nous laissera toujours le sale boulot. Il sait bien que là-haut les choses ne sont pas si claires. Mais il ne sait pas toujours à quel point. Quand il le découvre, il fait mine de s’en offusquer. Mais tant qu’il est devant son téléviseur avec une bière bon marché et qu’il y a de l’essence dans le réservoir de sa voiture, il est plutôt satisfait que d’autres fassent ce sale boulot à sa place. Il est comme tout le monde, pris entre le rêve et la réalité. Le rêve c’était Kennedy, mais notre pays n’avait pas les moyens de rêver plus longtemps. Il y a toujours eu deux types de personnes dans nos métiers. Ceux qui veulent se faire aimer et ceux qui s’en moquent. Edgar et moi avons fait partie de la deuxième catégorie. Le pouvoir au fond, c’est faire ce qui est dans l’intérêt de la nation et ne lui faire savoir que ce qu’elle peut entendre. »
Plus que l’histoire d’un homme, ce roman raconte aussi l’histoire des Etats-Unis mais du point de vue des hautes sphères : guerres mondiales, chasse aux sorcières et maccarthysme, guerre froide, crise de Cuba, assassinats des Kennedy etc… Le lecteur entre dans les coulisses, voit l’envers du décor : magouilles, écoutes illégales, dossiers et enquêtes sur tout le monde, entente avec la mafia, le véritable visage de la famille Kennedy …
« Dans le cercle du pouvoir, il n’y a aucun secret, seulement des types qui font semblant de ne pas savoir. »
« Faire de la politique, c’est se mettre bien avec ceux qui mènent le monde, ceux qui décident, ceux qui ont le pognon. Si tu veux les ignorer, il ne te reste plus qu’à conquérir le peuple avec des grandes idées. Mais quand tu l’as endormi avec des leçons de morale de merde, il faut que tu sois toi-même irréprochable, tu comprends ? »
L’histoire, la grande comme la petite, nous est narrée par le bras droit d’Edgar Hoover. Marc Dugain utilise le procédé du livre dans le livre. Son roman s’ouvre donc sur la mise en scène d’un homme chargé d’effectuer des recherches pour un film, il s’intéresse alors à un manuscrit dont l’authenticité n’est pas attestée : les Mémoires de Clyde Tolson, numéro deux du FBI, mémoires insérées dans le roman.
L’ennui c’est qu’à la fin de ma lecture, je m’attendais à retrouver cet homme mais le roman s’achève avec les Mémoires de Tolson. J’ai eu donc comme un léger goût d’inachevé.
Malgré ce petit bémol, j’ai beaucoup apprécié cette lecture qui permet de réviser l’Histoire contemporaine sous un angle différent. Le roman est richement documenté, Marc Dugain s’étant appuyé sur de la documentation d’époque et sur une solide bibliographie. Bien entendu, il faut garder à l’esprit que certaines révélations dans le roman restent de l’ordre de l’hypothèse et que le point de vue narratif choisi par l’auteur ne révèle que subjectivement et partiellement la personnalité de Hoover.
Et bien que ce dernier ait été une crapule misogyne, raciste et antisémite, le portrait qu’en fait Marc Dugain, forcément positif car vu par une personne qui l’admirait, le rend plus humain et presque sympathique. En tout cas, je ne le considère plus du tout de la même façon.
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