La colline oubliée nous plonge donc dans la vie d’un petit village de Kabylie dans les années 1940. L’Algérie est encore colonie française et par ce statut, la France va exiger de sa population sa contribution à l’effort de guerre.
Les vacances d’été marquent le fin de l’année scolaire et Mokrane retourne dans le village de son enfance. Il espère y retrouver ses amis. Mais tous ont grandi, évolué, sont devenus adultes avec des préoccupations bien différentes de leurs anciens jeux d’adolescents. Se marier, avoir des enfants, s’installer et pourvoir aux besoins de sa famille sont maintenant leur horizon.
Mouloud Mammeri ne nous raconte pas une histoire particulière, il n’y a pas vraiment d’intrigue mais il nous dépeint la vie quotidienne de ce village et de ses habitants à l’époque coloniale. Certaines familles aisées s’en sortent bien mais pour la plupart des habitants, c’est un combat de chaque instant qui les occupe. Trouver un travail, le garder et surtout trouver de quoi nourrir sa femme et ses enfants, être obligé de mendier chez ses voisins lorsqu’on a pas réussi à ramener assez d’argent pour le repas.
La faim, le froid, la maladie et la guerre vont effacer d’anciennes querelles et faire se tisser des liens inattendus. Le rapport homme/femme aussi, si particulier dans la société kabyle, trouve largement sa place : mariages arrangés, par dépit, répudiation, tentative d’assassinat permettent de comprendre le statut de la femme et de son époux dans cette société si codifiée et qui fonctionne sur la réputation et l’honneur.
Mais Mouloud Mammeri va nous illustrer l’évolution de ces mentalités, évolution due à la guerre et au contact de la nouvelle génération avec la société et les mœurs occidentales. Un clivage se marque alors entre les anciens du village et les plus jeunes, clivage qui apparaît à travers plusieurs exemples comme le rapport de Mokrane à son épouse répudiée, l’abandon de certaines coutumes du village, la remise en cause par certains de l’ordre établi.
La colline oubliée est alors presque une étude sociologique. Ce roman m’a beaucoup rappelé La terre et le sang de Mouloud Feraoun. J’y ai retrouvé la même atmosphère et la même force mais avec, en plus, cette volonté de montrer le bouleversement que connaît la société algérienne. Pourtant je l’ai moins apprécié que La Traversée qui a probablement bénéficié de ma fascination pour le désert car j’ai trouvé La colline oubliée moins engagé. Il y manque le panache et la force dénonciatrice du dernier roman de Mammeri.
Ce fut néanmoins une bien belle lecture et j’ai hâte de retrouver la patte de Mammeri avec son 2ème roman Le sommeil du juste qui se déroule, lui, à la veille de la guerre d’indépendance.
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