dimanche 25 mai 2014

Khadija - Marek Halter



Je connaissais Marek Halter de réputation sans n’avoir jamais tenté un de ses romans. Mais lorsque j’ai appris qu’il avait pour projet d’écrire une trilogie sur les femmes de l’islam comme il l’avait déjà fait pour le christianisme, je me suis décidée à enfin découvrir sa plume.
Surtout que le premier tome de la trilogie en question se concentre sur la figure féminine de l’islam que j’admire le plus : Khadija, la première épouse du prophète Muhammad.

A travers le portrait de cette très grande femme, c’est l’histoire des tous premiers temps de l’islam, celle de La Mecque préislamique et celle de la révélation, que nous conte Marek Halter.
Il fait resurgir la vie quotidienne de l’époque à travers ses divers aspects. Religieux bien sûr  avec d’abord l’omniprésence et le culte des nombreuses idoles de la Kaâba puis le bouleversement lié à la révélation. La vie politique et sociale est concentrée aux mains des chefs des plus grandes familles se réunissant à la mâla au cours de laquelle sont prises les décisions. Les caravanes et les marchés illustrent la vie économique mecquoise. Le lecteur est complètement immergé dans cette atmosphère d’une ville puissante du moyen-âge oriental.

Ce roman met à terre tous les préjugés qu’ont bien des gens sur les femmes musulmanes. En effet, Khadija était une femme de caractère, intelligente et dotée de grandes valeurs humaines. Veuve, elle avait hérité de la fortune de son mari et était ainsi à la tête d’une des familles les plus riches de La Mecque. Sa condition de femme ne lui permettant pas d’être présente à la mâla et d’ainsi pouvoir faire entendre sa voix, elle se devait de trouver un époux qui veillerait à la défense de ses intérêts et de ceux de la ville contre les vues d’Abou Sofiane et ses partisans. Ce qui ne l’empêchait pas de s’exprimer haut et fort dès qu’elle en avait l’occasion.
Khadija jeta son dévolu sur Muhammad qu’elle avait chargé de conduire ses affaires et de prendre part pour elle aux caravanes mecquoises.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agissait pas que d’une question d’intérêt. L’histoire entre Khadija et Muhammad était une magnifique histoire d’amour, pleine de tendresse, d’attachement, de confiance et de profond respect. Les doutes de chacun face à l’autre sont très touchants : complexée par son âge, Khadija craignait de déplaire au jeune homme, peu fortuné et illettré, Muhammad ne s’imaginait pas pouvoir susciter l’intérêt de la femme la plus belle et puissante de la ville.
A ceux qui critiquent les pratiques polygames du prophète, il faut savoir que, tant que Khadija était en vie, Muhammad lui a toujours été fidèle et n’a jamais pris d’autre épouse et ce , malgré toutes les tragédies vécues par le couple.



J’ai appris beaucoup de choses grâce à cette lecture alors que je pensais déjà en savoir pas mal sur le sujet. Par exemple, le rôle qu’ont joué l’oncle de Khadija et Zayd le fils adoptif de Muhammad. Waraqa, l’oncle de Khadija, était un imminent sage et avait en sa possession d’anciens manuscrits retraçant l’origine du monothéisme et l’histoire des précédents prophètes du judaïsme et du christianisme. Son étude de ses manuscrits a permis à Muhammad et ses proches d’inscrire la révélation dans la suite des précédents monothéismes. De même, Zayd était chrétien et sa profonde foi en un Dieu unique a aussi eu une influence sur la conviction des premiers musulmans.

En dehors de la question religieuse qui n’est pas centrale dans le roman puisque la révélation ne survient que dans les dernières pages, c’est toute une ville, ses habitants, ses querelles de faction, ses dangers qui revivent. Khadija doit mener ses affaires et s’imposer comme une égale aux hommes qui commandent la cité. Elle sera d’ailleurs la seule parmi les puissants à rester à La Mecque alors qu’une grave calamité s’abat sur la ville et à prendre en main les mesures nécessaires pour sauver la population.
Le roman est aussi l’occasion de faire de Muhammad un portrait juste, celui d’un homme droit et honnête, courageux et généreux, ayant un grand sens du relationnel, sachant ménager chaque parti et faire preuve d’équité.

Khadija est donc un roman remarquable loin de tout prosélytisme qui rend un bel hommage à une femme tout aussi remarquable. C’est aussi une façon intelligente et bien menée de raconter l’histoire de l’islam, surtout du point de vue des femmes, souvent victimes de préjugés ou de la sottise des hommes.
De plus, Marek Halter est un très bon conteur. On se laisse réellement emporter par sa plume qui parvient merveilleusement bien à créer une atmosphère particulière et l’on se sent voyager dans le temps et l’espace tantôt sous le soleil du désert, à travers les dunes tantôt au sein des rues fourmillantes de La Mecque.

En tant que musulmane, je n’ai rien relevé qui soit contraire ni à l’Histoire ni à la foi, ce qui est une prouesse de Marek Halter que d’avoir su concilier les deux !
J’ai lu dans une interview qu’il espérait, à travers ce roman, donner un modèle aux jeunes musulmanes d’aujourd’hui, un modèle qui les sorte de l’image des femmes opprimées et soumises que véhiculent les médias. Je souhaite de tout cœur que son objectif réussisse !
J’ai maintenant très hâte de lire le deuxième tome qui sera consacré à Fatima, la fille de Muhammad et, à travers elle, aux premiers heurts entre convertis et idolâtres.

Je remercie infiniment Cécile et les éditions Robert Laffont d’avoir accepté ce beau partenariat.

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