Il fallait tout le génie du grand Alexandre Soljenitsyne pour faire d’un pavillon d’hôpital pour cancéreux situé dans la petite ville de Tachkent le creuset d’un roman à la portée universelle. Car c’est bien dans ce lieu improbable, mais où il avait vécu pour y être lui-même soigné, que l’auteur d’ Une journée d’Ivan Denissovitch et de La Maison de Matriona a choisi comme théâtre du livre qui, plus que tout autre sans doute, a établi sa réputation de grand écrivain. Le lecteur s’y trouve immédiatement absorbé par une fresque intime, dramatique et pourtant pleine d’espoir qui dépeint une série de personnages pittoresques et parfois dérangeants, mais toujours émouvants. Un ancien détenu, un médecin, un ex-membre du KGB, une femme de ménage … Ils sont unis, malgré leurs différences, par l’humilité de leur humaine condition. Tout ce petit monde, qui va se débattre et trouver en soi de prodigieuses ressources de vie, est dépeint avec une puissance d’évocation, un réalisme saisissants. « Qu’est-ce qui fait vivre les hommes ? », c’est à cette éternelle question que Soljenitsyne a voulu répondre dans ce monumental, dans cet incomparable roman.
Mon avis :
Cela faisait longtemps que je voulais lire Soljenitsyne. J’ai même Une journée d’Ivan Denissovitch qui dort dans ma PAL depuis une éternité. Il aura fallu l’occasion d’un partenariat sur Livraddict pour que je me plonge enfin dans un de ses romans.
Autant j’étais motivée au départ que je ne sais pas du tout ce qu’il s’est passé mais je suis complètement passée à côté de ce livre. J’ai mis plus de deux semaines à en venir à bout laissant filer plusieurs jours d’affilée sans l’ouvrir. Je me suis un peu ennuyée mais je crois que toute la faute n’en revient qu’à moi-même. Je pense que je n’étais pas dans les bonnes conditions pour le lire, quelques petits soucis du quotidien me turlupinant la tête …
Qu’ai-je donc retenu tout de même de ma lecture ?
Tout d’abord, l’histoire se passe dans un hôpital d’un des pays de l’ex-URSS et plus particulièrement dans la section réservée aux malades atteints du cancer. L’action (si on peut parler d’action …) se déroule en 1955 soit deux ans après la mort de Staline.
On y suit le quotidien de plusieurs personnages très différents. Au détour de ces diverses tranches de vie, Soljenitsyne nous dépeint la vie sous le stalinisme, de l’ « ennemi de l’Etat » condamné au camp puis à l’exil au fervent patriote chargé de dénoncer le moindre manquement au devoir des employés de son entreprise. Si différents et pourtant tous égaux devant la maladie, ils ont le même ennemi à combattre : le cancer.
J’ai vu dans le choix de ce contexte hospitalier la volonté de l’auteur de réaliser une métaphore assimilant le cancer au stalinisme, celui-ci étant le cancer rongeant la société soviétique. Toutefois, de la même façon que le cancer se combat et que renaît pour les malades l’espoir de la guérison, on assiste à la même époque à un renouveau de la société suite à la mort de Staline. En effet, les choses semblent commencer à changer et Soljenitsyne parvient avec talent à nous montrer cette évolution si faible puisse-t-elle être encore à ce moment-là. La métaphore se retrouve jusque dans le climat avec l’arrivée du printemps coïncidant avec la sortie de l’hôpital de mon personnage préféré Kostoglotov.
Bourru, enragé et entêté, Kostoglotov a été arrêté alors qu’il n’était encore qu’à l’université et condamné au camp pour son activité au sein d’un groupe d’étudiants soupçonné de représenter une menace pour l’Etat. Après le camp, il est exilé loin de chez lui sur une terre hostile à laquelle il finit par s’habituer et s’attacher, jusqu’à son cancer, raison pour laquelle il obtient un laissez-passer lui permettant de se rendre à l’hôpital de Tachkent. Il partage sa chambre avec plusieurs autres malades dont un certain Roussanov. Alors lui, je l’ai détesté. Imbu de lui-même, arrogant, il prétend tout savoir et se croit supérieur à tous car lui est membre du Parti. Avant d’entrer au pavillon des cancéreux, il était chargé de surveiller étroitement les employés de la société pour laquelle il travaillait et dénonçait le moindre faux-pas. Soljenitsyne nous décrit à travers ce personnage la psychologie de ceux qui ont contribué au fonctionnement du stalinisme ainsi que les procédés qu’ils employaient pour purger la société de ses « éléments dangereux ».
Certains passages m’ont en revanche profondément ennuyée, je pense notamment aux histoires de cœur de Kostoglotov que j’ai trouvées trop en décalage avec le reste du propos. Alors certes, cela propose un peu de légèreté face à la dureté et au sérieux des principaux thèmes que sont la lutte pour la survie et la critique du système mais je n’ai pas accroché du tout.
Par contre, d’autres m’ont exaltée comme le chapitre où Kostoglotov discute avec Chouloubine, un autre malade, discussion au cours de laquelle il lui expose ses remords d’avoir courbé l’échine et de s’être tu là où d’autres avaient ouvertement manifesté leur opposition et finalement terminé dans des camps. De là se pose la question, qui a raison ? Celui qui se tait et survit à tout ou celui qui dénonce, se révolte et risque sa vie ?
« Le peuple n’est pas bête mais il veut vivre. Les grands peuples ont une loi : survivre à tout et demeurer. »
Ce chapitre à lui tout seul est une merveille et fait vraiment réfléchir.
Il y a encore beaucoup d’autres choses à dire sur ce roman et je suis certainement passé à côté de nombre d’entre elles et je le regrette beaucoup.
J’espère avoir un jour l’occasion de relire ce livre et de pouvoir vraiment l’apprécier dans sa totalité et tous ses détails.
Cette lecture m’a donné envie d’en savoir plus sur l’Histoire de la Russie sous l’ère soviétique ainsi que sur l’idéologie communiste. J’ai même fait quelques emplettes livresques cet après-midi sur le sujet.
Je remercie chaleureusement le site Livraddict ainsi que les Editions Robert Laffont de m’avoir permis cette découverte de ce grand écrivain, prix Nobel en 1970 de surcroît, qu’était Soljenitsyne.
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